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Golshifteh Farahani et Bernard Henry Lévy: L'art au combat

Rédigé par leral.net le Mardi 28 Février 2023 à 16:03 | | 0 commentaire(s)|

Lorsque les vents de la colère soufflent, certaines voix construisent des ponts au dessus des gouffres. Celles de Golshifteh Farahani et de Bernard Henry Lévy sondent les événements du monde en esquivant un horizon empreint d’espoir. La première, forcèe à l’exil, relaie activement les nouvelles des combats menés dans son pays d’origine, l’Iran, le second défend, depuis plus de cinquante ans, la cause des peuples opprimés et, aujourd’hui, de l’Ukraine. Harper’s Bazaar les a réunis au cours d’un dîner.


Harpers$’s Bazaar: C’est la première fois que vous vous rencontrez. Quelle image avez vous l’un de l’autre ?

G.Farahani: Pour moi, rien n’arrête Bernard Henri Levy. Il n’a pas peur, son sens du devoir est noble. Il possède la sagesse, la grandeur et la connaissance. C’est un honneur de vous rencontrer.

H.Levey: Je suis honoré moi aussi. L’image que j’ai de vous, Golshifteh, est celle d’une actrice saisie par le trafique de l’histoire. Je vous suis sur les réseaux sociaux et je vous sens foudroyée par la politique, le destin de votre peuple et l’obligation de mettre votre votre grâce à son service. Ce que vous faites est tellement important! Vous êtes devenue l’un des plus grandes voix de cette résistance iranienne. Ce n’est pas rien. On ne décide pas de cela un beau matin…

G. Farahani: C’est vrai. J’ai essayé de résister, mais je ne peux pas m’empêcher d’être engagée. Je n’ai pas le choix.

H.Levy: Un, vous n’avez pas le choix; deux, vous ne pouvez plus récurer et trois, tant que cette période révolutionnaire durera, vous serez avalèe. IL faut en avoir conscience. Il y a vingt ans, je me trouvais en Afghanistan dans le bureau de Hamid Karzai, le président de la République de l’époque, lorsqu’il a reçu une dépêche annonçant la mort d’u. Journaliste américain, juif du Wall Street Journal. Il s’appelait Daniel Pearl et venait d’être decapitè par al-Qaida au Pakistan. J’ai reçu la nouvelle comme un choc physique. J’ai appelé mon éditeur pour lui dire que j’annulais le livre en cours, afin d’enquêter sur la mort de cet homme. Et je l’ait fait. J’ai passé un an entre le Pakistan et la France. Je me suis senti requis. J’ai été avalé, moi aussi.

G.Farahani: Je suis contente d’entendre ces mots. Ce n’est pas mon esprit qui dicte mes choix, c’est son corps.

H. Levy: vous avez raison, c’est un rapport charnel.

G.Farahani: Je ne maîtrise pas le langage politique, mais je ressens les choses et me sens connectée au peuple iranien. On ne peut pas attaquer directement cet État islamique, mais on peut mettre des clous sur le chemin. Le pouvoir ressemble à un lion endormi. Si les artistes ne peuvent pas le réveiller, ils peuvent au moins perturber son sommeil.

H.Levy: perturber le sommeil des lions, le sommeil des agneaux et le sommeil de l’histoire… Nietzsche dit que les États sont des monstres froids qui pensent pouvoir agrandir les cages sans déranger les bêtes. S’engager est extraordinairement risqué. On peut commettre des erreurs mais je crois qu’il y a pas le choix. Quand on est emporté dans un processus révolutionnaire comme vous l’êtes, on se retrouve chaque jour face à des chois moraux. Et lorsque des gens vous écoutent, la responsabilité est immense, il faut avoir des nerfs d’acier...