Petit garçon, Antonis Samaras savait déjà qu'un jour il dirigerait son pays. Car sa maman, grande bourgeoise d'Athènes, ne cessait de le lui répéter. Cette dernière était elle-même la fille d'une femme de grand caractère, l'écrivain nationaliste Pénélope Delta, issue de la famille industrielle Benaki, l'une des plus fortunées de la Grèce d'avant-guerre.
Né à Athènes en mai 1951, le jeune Samaras, fils d'un cardiologue renommé, suit le parcours scolaire des enfants doués de sa classe sociale. Après des études secondaires au collège américain d'Athènes (fondé par son arrière-grand-père), assorties de leçons particulières de français, Antonis part aux États-Unis faire ses études supérieures. À l'université de l'Ivy League Amherst College, où il étudie l'économie, il partage une chambre avec un autre «fils d'archevêque» grec, George Papandréou, lequel deviendra trente ans plus tard son grand rival en politique. Il achève son cursus à Harvard, où il obtient un MBA.
Malgré sa formation, Samaras ne travaillera jamais dans le secteur privé. Car à peine revenu en Grèce, il se présente avec succès aux législatives de 1977, dans une circonscription du Péloponnèse que tenait depuis longtemps son oncle paternel, George Samaras. Antonis n'a donc pas eu de jeunesse. Dès l'âge de 25 ans, il ne s'habille qu'en costume-cravate et n'a pour aire de jeux que les coulisses du Parlement d'Athènes.
À l'âge de 38 ans, ses parents le convainquent de rompre sa liaison avec la sulfureuse chanteuse populaire Anna Vissi, la Madonna grecque. Ils lui présentent une jeune fille de bonne famille de Nauplie (nord du Péloponnèse), très bien dotée. Antonis l'épouse moins d'un an plus tard. Soudé, le couple a deux enfants.
En 1989, le premier ministre conservateur Konstantinos Mitsotakis prend le jeune Samaras sous sa coupe et lui offre le portefeuille prestigieux des Affaires étrangères. C'est l'époque de la dissolution de la Yougoslavie de Tito. «Au lieu de chercher à coopérer avec nos partenaires européens pour gérer cette crise balkanique, Samaras a opté pour le recroquevillement de la Grèce sur elle-même», lui reproche le député européen libéral Théodore Skilakakis.
Traversée du désert
En 1992, le fait que la République yougoslave la plus méridionale, nouvellement indépendante, décide de garder son nom de Macédoine - que Tito lui avait donné en 1945 -, provoque un tollé chez les Grecs. Ils s'estiment volés de leur patrimoine historique. Au lieu de négocier une solution intermédiaire comme le souhaitait Mitsotakis (accord sur un nom du type «Macédoine du Nord»), Samaras suit une voie intransigeante. Il va jusqu'à faire dissidence, créant un nouveau parti de tendance nationaliste, «Le Printemps politique», ce qui fait tomber le gouvernement. Trahison contre-productive, car le dossier n'a pas avancé d'un iota en vingt ans. Aujourd'hui, c'est le gouvernement de Skopje qui est devenu intransigeant. À trop surfer sur le populisme nationaliste, Samaras et son petit parti plongent bientôt dans l'eau froide.
Suit une traversée du désert d'un quart de siècle. Samaras a confié qu'il passait ses journées chez lui, à regarder le plafond. Il n'est rappelé aux affaires qu'en 2009, lorsque Kostas Karamanlis le nomme ministre de la Culture. Après l'échec de la Nouvelle Démocratie aux élections d'octobre 2009, Samaras est élu président du parti défait. Mais, au lieu de constituer un shadow cabinet de rêve prêt à remplacer un gouvernement socialiste laminé par la mise sous tutelle européenne du pays, il ne s'entoure que de ses vieux fidèles des années 1990. Son principal conseiller politique est toujours Chryssanthos Lazaridis, lequel préconisa jadis l'intervention de l'armée grecque en Macédoine.
Homme courtois mais ombrageux, Samaras n'a jamais voulu s'entourer d'hommes plus brillants que lui. «Il a peur des gens ; il ne se sent bien qu'avec des fidèles de second rang. Il a tendance à voir des ennemis partout. Et il croit que le pays lui doit ce poste de premier ministre», confie un ancien ministre de la ND qui, courageux mais pas téméraire, a requis l'anonymat. Peut-être un peu paranoïaque, Samaras n'est pas pour autant rancunier. Dans son parti, il ne boycotte pas aujourd'hui les deux enfants de Mitsotakis, Kyriakos et Dora.
Jusqu'à présent Samaras s'est davantage comporté en politicien au jour le jour qu'en homme de vision à long terme. «Saura-t-il dire aux Grecs: “Mettez-vous au travail!”, je ne le pense, hélas, pas», soupire l'analyste politique Babis Papadimitriou. Un grand professeur de droit compare Samaras à Chirac: «Sur la question étudiante, il va vous recevoir, vous écouter attentivement, approuver votre fermeté, mais le lendemain, devant les étudiants, il cédera à moitié…»
L'ancien premier ministre technocrate Papademos a dit de Samaras: «Impossible de travailler avec lui. Un jour, il accepte votre programme de rigueur ; le lendemain, il le dénonce dans la presse.»
Maintenant qu'il a accédé au «trône», Samaras est au pied du mur. Parviendra-t-il à sauver le pays, «à le sortir de la crise, mais pas de l'euro», comme il l'a promis dans sa campagne? Ses prochaines nominations en donneront déjà une bonne idée.
Par Renaud Girard
Né à Athènes en mai 1951, le jeune Samaras, fils d'un cardiologue renommé, suit le parcours scolaire des enfants doués de sa classe sociale. Après des études secondaires au collège américain d'Athènes (fondé par son arrière-grand-père), assorties de leçons particulières de français, Antonis part aux États-Unis faire ses études supérieures. À l'université de l'Ivy League Amherst College, où il étudie l'économie, il partage une chambre avec un autre «fils d'archevêque» grec, George Papandréou, lequel deviendra trente ans plus tard son grand rival en politique. Il achève son cursus à Harvard, où il obtient un MBA.
Malgré sa formation, Samaras ne travaillera jamais dans le secteur privé. Car à peine revenu en Grèce, il se présente avec succès aux législatives de 1977, dans une circonscription du Péloponnèse que tenait depuis longtemps son oncle paternel, George Samaras. Antonis n'a donc pas eu de jeunesse. Dès l'âge de 25 ans, il ne s'habille qu'en costume-cravate et n'a pour aire de jeux que les coulisses du Parlement d'Athènes.
À l'âge de 38 ans, ses parents le convainquent de rompre sa liaison avec la sulfureuse chanteuse populaire Anna Vissi, la Madonna grecque. Ils lui présentent une jeune fille de bonne famille de Nauplie (nord du Péloponnèse), très bien dotée. Antonis l'épouse moins d'un an plus tard. Soudé, le couple a deux enfants.
En 1989, le premier ministre conservateur Konstantinos Mitsotakis prend le jeune Samaras sous sa coupe et lui offre le portefeuille prestigieux des Affaires étrangères. C'est l'époque de la dissolution de la Yougoslavie de Tito. «Au lieu de chercher à coopérer avec nos partenaires européens pour gérer cette crise balkanique, Samaras a opté pour le recroquevillement de la Grèce sur elle-même», lui reproche le député européen libéral Théodore Skilakakis.
Traversée du désert
En 1992, le fait que la République yougoslave la plus méridionale, nouvellement indépendante, décide de garder son nom de Macédoine - que Tito lui avait donné en 1945 -, provoque un tollé chez les Grecs. Ils s'estiment volés de leur patrimoine historique. Au lieu de négocier une solution intermédiaire comme le souhaitait Mitsotakis (accord sur un nom du type «Macédoine du Nord»), Samaras suit une voie intransigeante. Il va jusqu'à faire dissidence, créant un nouveau parti de tendance nationaliste, «Le Printemps politique», ce qui fait tomber le gouvernement. Trahison contre-productive, car le dossier n'a pas avancé d'un iota en vingt ans. Aujourd'hui, c'est le gouvernement de Skopje qui est devenu intransigeant. À trop surfer sur le populisme nationaliste, Samaras et son petit parti plongent bientôt dans l'eau froide.
Suit une traversée du désert d'un quart de siècle. Samaras a confié qu'il passait ses journées chez lui, à regarder le plafond. Il n'est rappelé aux affaires qu'en 2009, lorsque Kostas Karamanlis le nomme ministre de la Culture. Après l'échec de la Nouvelle Démocratie aux élections d'octobre 2009, Samaras est élu président du parti défait. Mais, au lieu de constituer un shadow cabinet de rêve prêt à remplacer un gouvernement socialiste laminé par la mise sous tutelle européenne du pays, il ne s'entoure que de ses vieux fidèles des années 1990. Son principal conseiller politique est toujours Chryssanthos Lazaridis, lequel préconisa jadis l'intervention de l'armée grecque en Macédoine.
Homme courtois mais ombrageux, Samaras n'a jamais voulu s'entourer d'hommes plus brillants que lui. «Il a peur des gens ; il ne se sent bien qu'avec des fidèles de second rang. Il a tendance à voir des ennemis partout. Et il croit que le pays lui doit ce poste de premier ministre», confie un ancien ministre de la ND qui, courageux mais pas téméraire, a requis l'anonymat. Peut-être un peu paranoïaque, Samaras n'est pas pour autant rancunier. Dans son parti, il ne boycotte pas aujourd'hui les deux enfants de Mitsotakis, Kyriakos et Dora.
Jusqu'à présent Samaras s'est davantage comporté en politicien au jour le jour qu'en homme de vision à long terme. «Saura-t-il dire aux Grecs: “Mettez-vous au travail!”, je ne le pense, hélas, pas», soupire l'analyste politique Babis Papadimitriou. Un grand professeur de droit compare Samaras à Chirac: «Sur la question étudiante, il va vous recevoir, vous écouter attentivement, approuver votre fermeté, mais le lendemain, devant les étudiants, il cédera à moitié…»
L'ancien premier ministre technocrate Papademos a dit de Samaras: «Impossible de travailler avec lui. Un jour, il accepte votre programme de rigueur ; le lendemain, il le dénonce dans la presse.»
Maintenant qu'il a accédé au «trône», Samaras est au pied du mur. Parviendra-t-il à sauver le pays, «à le sortir de la crise, mais pas de l'euro», comme il l'a promis dans sa campagne? Ses prochaines nominations en donneront déjà une bonne idée.
Par Renaud Girard