De notre correspondant en Guyane, Frédéric Farine RFI
« Il est très fort pour t'embrouiller. Il a réussi à convaincre des gens qui ne croient pas du tout à ce genre de placement. Beaucoup auraient pu mourir pour lui. Moi-même, j'ai mis beaucoup de temps à ouvrir les yeux » raconte, visiblement émue, une Africaine de Cayenne. Marc Déhi, 46 ans, président fondateur de Gedeon Financial Corporation (GFC), sorte de « Madoff d'origine ivoirienne », a longtemps séduit avec ses « plans de financement » à 1 500 euros. Aujourd'hui, parmi le millier de souscripteurs dénombrés par l'enquête judiciaire aux Antilles- Guyane et dans l'hexagone, un certain nombre se demandent -notamment par le biais de discussions sur internet - comment récupérer leur argent.
La mariée était trop belle : pour tout investissement de 1 500 euros, le pasteur et son staff promettaient en retour, 400 euros par mois pendant 2 ans, à partir du 5e mois suivant la souscription, soit au total 9 600 euros. « Avec de surcroît, à terme, la restitution de la somme initiale » ironise un magistrat. Un simple calcul chiffre donc le taux d'intérêt à 640% ! « On lui reproche d'avoir mis en place un système pyramidal qui consiste à récolter des fonds en remboursant les premiers souscripteurs par les derniers arrivants, tout en utilisant des fonds à des fins personnelles » explique un enquêteur, qui ajoute que ces plans de financement « se heurtent à la logique. Mathématiquement ça ne tient pas. Au bout de la chaîne des souscriptions, il est impossible de rembourser en amont ».
Selon la procédure judiciaire, le pasteur proposait ses « plans » via ses sociétés GFC et Omega Consulting, dont on trouve des antennes aux Antilles et à Cayenne et Kourou en Guyane. « Des valises de billets se sont promenées un peu partout, même si le centre de dispatching était en Guadeloupe. Au cours de grandes réunions type "Tupperware", certains amenaient de l'argent dans des valises, certains en rendaient, d'autres en recevaient » indique encore un enquêteur. Le show à l'américaine agrémenté de prières a fait salle comble dans plusieurs hôtels de Cayenne et Kourou, mais aussi aux Antilles. A l'auditorium de l'Encre (Ensemble culturel régional) à Cayenne, « il y a eu plus d'un millier de personnes » se souviennent des participants, alors conquis par les « plans » miraculeux du pasteur-banquier. Certains particuliers auraient même souscrit pour plus de 50 000 euros.
Un tract intrigue un policier
C'est en Guadeloupe que l'enquête débute, il y a environ deux ans. Sur un campus de ce département français d'outre-mer, un tract publicitaire vantant les « plans de financement » de l'équipe de Marc Déhi, attire l'attention d'un policier. Une enquête préliminaire commence, puis une information judiciaire est ouverte et confiée à un juge d'instruction de Martinique, seul département français d'Amérique doté d'une JIRS (Juridiction interrégionale spécialisée) qui est saisie pour les faits présumés de trafics de stupéfiants ou de grande délinquance financière.
Courant août 2007, Annette Catel, une proche collaboratrice de Marc Déhi est arrêtée, mise en examen notamment pour « escroquerie en bande organisée » puis écrouée. Elle en sortira, sous contrôle judiciaire, le 4 décembre suivant. Son véhicule Audi Q7 est saisi par les enquêteurs qui la soupçonnent de l'avoir acheté avec une partie des souscriptions des adhérents. Fin août 2007, Marc Déhi débarque en Guadeloupe, il y est arrêté lui aussi. A son tour, il est mis en examen et incarcéré. A l'époque, auprès de ses fidèles, il passe pour un martyr : « Au début de l'enquête, on croyait que l'Etat français en voulait à un Noir qui réussissait. On ne croyait pas les journalistes qui parlaient de cette affaire. Maintenant on se rend compte que l'Etat est intervenu pour le bien des gens » indique cette Africaine, ex-proche du pasteur.
C'est la Guyane qui compte le plus grand nombre de souscriptions selon l'enquête : elles se chiffrent à 3,5 millions d'euros. Et ce sont des souscripteurs de Guyane qui ont, une première fois, sorti Marc Déhi de prison. Ils escomptaient, par ce biais, récupérer leurs dividendes. Début janvier 2008, un chef d'entreprise haïtien parvient ainsi à réunir à Cayenne et en espèces (!) les 150 000 euros de caution réclamés par la Cour d'appel de la Chambre de l'instruction de Fort de France pour libérer le pasteur. Les 150 000 euros en espèces voyagent en avion entre la Guyane et les Antilles. Ils sont ensuite échangés contre un chèque de banque dans l'île de Saint-Martin.
« Je suis innocent »
Son contrôle judiciaire lui interdisant, malgré sa libération le 8 janvier 2008, de quitter la Martinique, Marc Déhi y passe quelques mois : « Il avait deux chauffeurs, une femme de ménage, je me suis dit, il vit comme un roi ! » se souvient une habitante de Guyane venue alors l'assister. Le 10 août 2008, surprise, Marc Déhi n'assiste pas à l'audience de la Chambre de l'instruction qui doit se prononcer à Fort de France sur sa demande de mainlevée de son contrôle judiciaire. Et pour cause : quelques jours auparavant, il s'est enfui de l'île de la Martinique à bord d'une embarcation, avant de rejoindre une île anglophone.
Depuis, il aurait traversé l'Atlantique à plusieurs reprises : « Il a vraisemblablement un ou plusieurs faux passeports » estime un enquêteur. « Il est parti en violation de son contrôle judiciaire, sans laisser d'adresse et je n'ai plus aucune nouvelle (...) L'instruction est toujours en cours, l'affaire sera certainement renvoyée devant le tribunal correctionnel et s'il veut que je le représente, il faudra qu'il reprenne contact avec moi » nous indiquait mi-janvier son avocate martiniquaise, Maître Dinah Rioual Rosier. Pendant sa cavale, Marc Déhi est réapparu à deux reprises en vidéo sur Youtube, un rien fébrile. La première fois, il se dit « aux Etat-Unis » et déclare qu'« il n'y a rien dans le fond du dossier, tout cela c'est pour casser cette oeuvre humanitaire et divine (...) Je suis innocent ». Il ajoute à l'attention de ses adhérents : « Je suis parti pour vous. Tant que je vivrai, GFC va vivre et vous allez sortir de la pauvreté ». Il promet que les dividendes « seront payés » en septembre 2008.
Mais la promesse n'a pas été tenue et le pasteur en convient au cours de sa seconde prestation sur Youtube fin novembre : « Plus de 7 millions d'euros ont été bloqués par la justice française jusqu'à empêcher vos retours sur investissement », prétend-il pour se justifier. « C'est faux » assure un enquêteur.
« Nous n'avons que du déclaratif de sa part »
« Selon lui, ce qu'il a fait est une pratique courante aux Etats-Unis. Il dit que là-bas, ça ne pose aucune difficulté » explique un enquêteur qui se souvient des auditions du pasteur Déhi, fin 2007, soit bien avant le déclenchement de l'affaire Madoff.
Le juge d'instruction, le parquet de Martinique et le juge des libertés et de la détention étaient contre sa libération sous caution. « C'est la Cour d'appel de la Chambre de l'instruction qui l'a décidée », regrette une source proche du dossier. Les enquêteurs estimaient que les proches de Déhi pouvaient faire parvenir ses relevés de comptes à l'étranger sans qu'il sorte de prison, le pasteur indiquant, pour sa part, qu'il était nécessaire qu'il soit libéré pour apporter la preuve de sa bonne foi. Les affirmations de Marc Déhi n'ont pas convaincu les enquêteurs : « Nous n'avons que du déclaratif de sa part. Il a affirmé avoir investi des fonds récoltés par les souscriptions, sur des marchés de matières premières : pétrole, viande, bijoux. Il dit avoir acheté des camions au Sénégal. Mais il n'a pas apporté une photo des camions, pas donné un seul numéro de plaque d'immatriculation pouvant étayer ses dires », nous indiquait ainsi mi-janvier une source proche de l'enquête.
Pas d'écho des commissions rogatoires en Afrique
Dans ce dossier tentaculaire, la justice française a sollicité la collaboration de plusieurs pays africains et souhaité la mise en oeuvre de commissions rogatoires en Côte d'Ivoire et au Sénégal. Le juge de Martinique en charge du dossier aurait ainsi demandé à ses homologues ivoiriens et sénégalais d'enquêter sur les déclarations de Marc Déhi, lequel soutient avoir investi dans ces pays afin d'y faire fructifier les « placements » de ses adhérents. Début février, les requêtes de la justice française n'avaient reçu « aucun écho ni de la part de la justice sénégalaise, ni de la part de celle de Côte d'Ivoire » affirme un enquêteur français. Aux Etats-Unis, un attorney (procureur) aurait été désigné pour enquêter sur les agissements de Déhi sur le territoire américain. Le procureur des USA n'aurait pas encore, pour l'heure, divulgué d'informations à la justice française.
Arrêté au Ghana
Selon nos informations, Marc Déhi, qui fait l'objet d'un mandat d'arrêt international, était, en Afrique, ces dernières semaines, suspendu à des envois par Western Union de ses derniers fidèles notamment depuis Paris « En janvier, il a bougé le long de la frontière entre la Côte d'Ivoire et le Ghana. En Côte d'Ivoire aussi, des personnes le recherchaient pour récupérer leur argent » indique une source bien informée. Fin janvier, le pasteur aurait traversé la frontière de la Côte d'Ivoire pour rejoindre le Ghana afin de prendre un avion pour les Etats-Unis. Le 30 il était à Accra, la capitale. Le Parquet général de Fort de France en Martinique a confirmé son arrestation au Ghana, samedi 31 janvier. « On ne connaît pas encore les raisons de son arrestation, mais elle nous a été confirmée par les autorités du Ghana et une procédure d'extradition est en cours » nous a indiqué mercredi 4 février Jean-Jacques Planchon, avocat général à la Cour d'Appel de Fort de France. « Mais il n'y aurait pas de convention entre la France et le Ghana sur ce point » tempère une source proche du dossier. Mardi 3 février en soirée, Marc Déhi était « toujours détenu au Ghana » a-t-on appris de même source.
Parallèlement, mercredi 4 février, selon une source proche du pasteur, des fidèles de Dehi sur Paris tentaient d'envoyer de l'argent en Afrique pour obtenir sa libération. Huit personnes, toutes présumées innocentes, sont aujourd'hui mises en examen dans ce dossier. Fin 2008, un Français, une Ivoirienne et un Camerounais ont été arrêtés à Paris avant d'être emmenés en Martinique où ils ont été mis en examen puis écroués. « Il s'agit de la branche parisienne qui s'occupait de la récupération des fonds de souscripteurs » indique un enquêteur. Parmi ces trois personnes, une ne serait pas en règle en matière de droit au séjour sur le territoire français. Parmi les huit mis en examen, on trouve aussi deux habitantes de Guyane qui ont joué le rôle de « commerciales » selon un enquêteur. Elles sont en liberté sous contrôle judiciaire. L'une est salariée du Centre national d'études spatiales (Cnes) à Kourou et militante au Parti socialiste guyanais (PSG), l'autre est un agent du Musée départemental à Cayenne. Quant à Marc Déhi, la justice française le soupçonne aussi d'avoir des intérêts dans une société située dans un paradis fiscal. Sur Youtube, le pasteur, alors en cavale, déclarait il y a quelques mois à ses adhérents : « Depuis qu'il y a eu ces poursuites judiciaires, on a agi avec prudence. On a transféré les comptes un peu partout ailleurs, où l'on peut être à l'abri ».
« Il est très fort pour t'embrouiller. Il a réussi à convaincre des gens qui ne croient pas du tout à ce genre de placement. Beaucoup auraient pu mourir pour lui. Moi-même, j'ai mis beaucoup de temps à ouvrir les yeux » raconte, visiblement émue, une Africaine de Cayenne. Marc Déhi, 46 ans, président fondateur de Gedeon Financial Corporation (GFC), sorte de « Madoff d'origine ivoirienne », a longtemps séduit avec ses « plans de financement » à 1 500 euros. Aujourd'hui, parmi le millier de souscripteurs dénombrés par l'enquête judiciaire aux Antilles- Guyane et dans l'hexagone, un certain nombre se demandent -notamment par le biais de discussions sur internet - comment récupérer leur argent.
La mariée était trop belle : pour tout investissement de 1 500 euros, le pasteur et son staff promettaient en retour, 400 euros par mois pendant 2 ans, à partir du 5e mois suivant la souscription, soit au total 9 600 euros. « Avec de surcroît, à terme, la restitution de la somme initiale » ironise un magistrat. Un simple calcul chiffre donc le taux d'intérêt à 640% ! « On lui reproche d'avoir mis en place un système pyramidal qui consiste à récolter des fonds en remboursant les premiers souscripteurs par les derniers arrivants, tout en utilisant des fonds à des fins personnelles » explique un enquêteur, qui ajoute que ces plans de financement « se heurtent à la logique. Mathématiquement ça ne tient pas. Au bout de la chaîne des souscriptions, il est impossible de rembourser en amont ».
Selon la procédure judiciaire, le pasteur proposait ses « plans » via ses sociétés GFC et Omega Consulting, dont on trouve des antennes aux Antilles et à Cayenne et Kourou en Guyane. « Des valises de billets se sont promenées un peu partout, même si le centre de dispatching était en Guadeloupe. Au cours de grandes réunions type "Tupperware", certains amenaient de l'argent dans des valises, certains en rendaient, d'autres en recevaient » indique encore un enquêteur. Le show à l'américaine agrémenté de prières a fait salle comble dans plusieurs hôtels de Cayenne et Kourou, mais aussi aux Antilles. A l'auditorium de l'Encre (Ensemble culturel régional) à Cayenne, « il y a eu plus d'un millier de personnes » se souviennent des participants, alors conquis par les « plans » miraculeux du pasteur-banquier. Certains particuliers auraient même souscrit pour plus de 50 000 euros.
Un tract intrigue un policier
C'est en Guadeloupe que l'enquête débute, il y a environ deux ans. Sur un campus de ce département français d'outre-mer, un tract publicitaire vantant les « plans de financement » de l'équipe de Marc Déhi, attire l'attention d'un policier. Une enquête préliminaire commence, puis une information judiciaire est ouverte et confiée à un juge d'instruction de Martinique, seul département français d'Amérique doté d'une JIRS (Juridiction interrégionale spécialisée) qui est saisie pour les faits présumés de trafics de stupéfiants ou de grande délinquance financière.
Courant août 2007, Annette Catel, une proche collaboratrice de Marc Déhi est arrêtée, mise en examen notamment pour « escroquerie en bande organisée » puis écrouée. Elle en sortira, sous contrôle judiciaire, le 4 décembre suivant. Son véhicule Audi Q7 est saisi par les enquêteurs qui la soupçonnent de l'avoir acheté avec une partie des souscriptions des adhérents. Fin août 2007, Marc Déhi débarque en Guadeloupe, il y est arrêté lui aussi. A son tour, il est mis en examen et incarcéré. A l'époque, auprès de ses fidèles, il passe pour un martyr : « Au début de l'enquête, on croyait que l'Etat français en voulait à un Noir qui réussissait. On ne croyait pas les journalistes qui parlaient de cette affaire. Maintenant on se rend compte que l'Etat est intervenu pour le bien des gens » indique cette Africaine, ex-proche du pasteur.
C'est la Guyane qui compte le plus grand nombre de souscriptions selon l'enquête : elles se chiffrent à 3,5 millions d'euros. Et ce sont des souscripteurs de Guyane qui ont, une première fois, sorti Marc Déhi de prison. Ils escomptaient, par ce biais, récupérer leurs dividendes. Début janvier 2008, un chef d'entreprise haïtien parvient ainsi à réunir à Cayenne et en espèces (!) les 150 000 euros de caution réclamés par la Cour d'appel de la Chambre de l'instruction de Fort de France pour libérer le pasteur. Les 150 000 euros en espèces voyagent en avion entre la Guyane et les Antilles. Ils sont ensuite échangés contre un chèque de banque dans l'île de Saint-Martin.
« Je suis innocent »
Son contrôle judiciaire lui interdisant, malgré sa libération le 8 janvier 2008, de quitter la Martinique, Marc Déhi y passe quelques mois : « Il avait deux chauffeurs, une femme de ménage, je me suis dit, il vit comme un roi ! » se souvient une habitante de Guyane venue alors l'assister. Le 10 août 2008, surprise, Marc Déhi n'assiste pas à l'audience de la Chambre de l'instruction qui doit se prononcer à Fort de France sur sa demande de mainlevée de son contrôle judiciaire. Et pour cause : quelques jours auparavant, il s'est enfui de l'île de la Martinique à bord d'une embarcation, avant de rejoindre une île anglophone.
Depuis, il aurait traversé l'Atlantique à plusieurs reprises : « Il a vraisemblablement un ou plusieurs faux passeports » estime un enquêteur. « Il est parti en violation de son contrôle judiciaire, sans laisser d'adresse et je n'ai plus aucune nouvelle (...) L'instruction est toujours en cours, l'affaire sera certainement renvoyée devant le tribunal correctionnel et s'il veut que je le représente, il faudra qu'il reprenne contact avec moi » nous indiquait mi-janvier son avocate martiniquaise, Maître Dinah Rioual Rosier. Pendant sa cavale, Marc Déhi est réapparu à deux reprises en vidéo sur Youtube, un rien fébrile. La première fois, il se dit « aux Etat-Unis » et déclare qu'« il n'y a rien dans le fond du dossier, tout cela c'est pour casser cette oeuvre humanitaire et divine (...) Je suis innocent ». Il ajoute à l'attention de ses adhérents : « Je suis parti pour vous. Tant que je vivrai, GFC va vivre et vous allez sortir de la pauvreté ». Il promet que les dividendes « seront payés » en septembre 2008.
Mais la promesse n'a pas été tenue et le pasteur en convient au cours de sa seconde prestation sur Youtube fin novembre : « Plus de 7 millions d'euros ont été bloqués par la justice française jusqu'à empêcher vos retours sur investissement », prétend-il pour se justifier. « C'est faux » assure un enquêteur.
« Nous n'avons que du déclaratif de sa part »
« Selon lui, ce qu'il a fait est une pratique courante aux Etats-Unis. Il dit que là-bas, ça ne pose aucune difficulté » explique un enquêteur qui se souvient des auditions du pasteur Déhi, fin 2007, soit bien avant le déclenchement de l'affaire Madoff.
Le juge d'instruction, le parquet de Martinique et le juge des libertés et de la détention étaient contre sa libération sous caution. « C'est la Cour d'appel de la Chambre de l'instruction qui l'a décidée », regrette une source proche du dossier. Les enquêteurs estimaient que les proches de Déhi pouvaient faire parvenir ses relevés de comptes à l'étranger sans qu'il sorte de prison, le pasteur indiquant, pour sa part, qu'il était nécessaire qu'il soit libéré pour apporter la preuve de sa bonne foi. Les affirmations de Marc Déhi n'ont pas convaincu les enquêteurs : « Nous n'avons que du déclaratif de sa part. Il a affirmé avoir investi des fonds récoltés par les souscriptions, sur des marchés de matières premières : pétrole, viande, bijoux. Il dit avoir acheté des camions au Sénégal. Mais il n'a pas apporté une photo des camions, pas donné un seul numéro de plaque d'immatriculation pouvant étayer ses dires », nous indiquait ainsi mi-janvier une source proche de l'enquête.
Pas d'écho des commissions rogatoires en Afrique
Dans ce dossier tentaculaire, la justice française a sollicité la collaboration de plusieurs pays africains et souhaité la mise en oeuvre de commissions rogatoires en Côte d'Ivoire et au Sénégal. Le juge de Martinique en charge du dossier aurait ainsi demandé à ses homologues ivoiriens et sénégalais d'enquêter sur les déclarations de Marc Déhi, lequel soutient avoir investi dans ces pays afin d'y faire fructifier les « placements » de ses adhérents. Début février, les requêtes de la justice française n'avaient reçu « aucun écho ni de la part de la justice sénégalaise, ni de la part de celle de Côte d'Ivoire » affirme un enquêteur français. Aux Etats-Unis, un attorney (procureur) aurait été désigné pour enquêter sur les agissements de Déhi sur le territoire américain. Le procureur des USA n'aurait pas encore, pour l'heure, divulgué d'informations à la justice française.
Arrêté au Ghana
Selon nos informations, Marc Déhi, qui fait l'objet d'un mandat d'arrêt international, était, en Afrique, ces dernières semaines, suspendu à des envois par Western Union de ses derniers fidèles notamment depuis Paris « En janvier, il a bougé le long de la frontière entre la Côte d'Ivoire et le Ghana. En Côte d'Ivoire aussi, des personnes le recherchaient pour récupérer leur argent » indique une source bien informée. Fin janvier, le pasteur aurait traversé la frontière de la Côte d'Ivoire pour rejoindre le Ghana afin de prendre un avion pour les Etats-Unis. Le 30 il était à Accra, la capitale. Le Parquet général de Fort de France en Martinique a confirmé son arrestation au Ghana, samedi 31 janvier. « On ne connaît pas encore les raisons de son arrestation, mais elle nous a été confirmée par les autorités du Ghana et une procédure d'extradition est en cours » nous a indiqué mercredi 4 février Jean-Jacques Planchon, avocat général à la Cour d'Appel de Fort de France. « Mais il n'y aurait pas de convention entre la France et le Ghana sur ce point » tempère une source proche du dossier. Mardi 3 février en soirée, Marc Déhi était « toujours détenu au Ghana » a-t-on appris de même source.
Parallèlement, mercredi 4 février, selon une source proche du pasteur, des fidèles de Dehi sur Paris tentaient d'envoyer de l'argent en Afrique pour obtenir sa libération. Huit personnes, toutes présumées innocentes, sont aujourd'hui mises en examen dans ce dossier. Fin 2008, un Français, une Ivoirienne et un Camerounais ont été arrêtés à Paris avant d'être emmenés en Martinique où ils ont été mis en examen puis écroués. « Il s'agit de la branche parisienne qui s'occupait de la récupération des fonds de souscripteurs » indique un enquêteur. Parmi ces trois personnes, une ne serait pas en règle en matière de droit au séjour sur le territoire français. Parmi les huit mis en examen, on trouve aussi deux habitantes de Guyane qui ont joué le rôle de « commerciales » selon un enquêteur. Elles sont en liberté sous contrôle judiciaire. L'une est salariée du Centre national d'études spatiales (Cnes) à Kourou et militante au Parti socialiste guyanais (PSG), l'autre est un agent du Musée départemental à Cayenne. Quant à Marc Déhi, la justice française le soupçonne aussi d'avoir des intérêts dans une société située dans un paradis fiscal. Sur Youtube, le pasteur, alors en cavale, déclarait il y a quelques mois à ses adhérents : « Depuis qu'il y a eu ces poursuites judiciaires, on a agi avec prudence. On a transféré les comptes un peu partout ailleurs, où l'on peut être à l'abri ».