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HAOUA DIA THIAM, ANCIEN RESPONSABLE DE AJ/PADS:«Ce n’est pas le régime de Wade qui doit pouvoir réprimer la presse»

Mme Haoua Dia Thiam, qui a participé dans le premier Gouvernement de l’Alternance politique survenue au Sénégal en 2000, revient avec nous dans cette interview sur les crises multiformes que traverse le pays. Huit ans après, pour un changement qui avait suscité tant d’espoir chez les Sénégalais, l’ancien ministre de Aj/Pads dépeint un tableau peu reluisant du régime libéral. Revenant sur l’actualité, celle qui s’active désormais au sein du parti dénommé Yoonu Askan wi a donné son point de vue sur les relations tendues entre presse et pouvoir et le torchon qui brûle entre Landing et son n°2.


Rédigé par leral.net le Jeudi 28 Août 2008 à 11:33 | | 0 commentaire(s)|

Le Matin

Aujourd’hui, le Sénégal traverse des moments difficiles, avec des pénuries de denrées de première nécessité notées un peu partout et des découpures intempestives d’électricité. Que vous inspire une telle situation, vous qui avez participé au premier gouvernement de l’alternance politique au Sénégal ?

Mme Haoua Dia Thiam

C’est une situation très difficile que le Sénégal traverse et ça ne nous honore pas beaucoup. On aurait souhaité qu’après l’alternance que l’on vive de manière beaucoup plus correction, sans grand stress. Ce que l’on constate aujourd’hui, est une catastrophe pour nous les femmes qui gérons les maisons. On ne trouve pas le riz. Quand on en trouve ça vous coûte les yeux de la tête. Il n’y a pas d’électricité aussi. C’est vraiment beaucoup de problèmes. La situation mondiale n’est pas simple aujourd’hui. Mais, au Sénégal, j’avoue que c’est encore très difficile. Et, les populations attendent beaucoup des dirigeants. Parce qu’on a un État, c’est pour créer les conditions et faire vivre correctement une population.
Donc, comme ayant participé à ce régime politique, j’avoue que ça vous laisse quelque part pas très, très bien. Parce que nous-mêmes, nous le vivons. Je ne crois pas qu’il y a de Sénégalais qui ne vive pas cette crise. En tout cas, particulièrement, je la vis. La majorité des Sénégalais n’étant pas salariés, le peu de citoyens qui disposent de revenus sont obligés de partager avec les autres. Alors qu’en fait, on devrait pouvoir créer les conditions pour qu’au moins les Sénégalais eux-mêmes puissent se prendre en charge, avoir une auto-organisation dans ce pays-là. Et d’ailleurs, la force des choses nous oblige un peu à ça. Avec cette crise, dès fois, je cherche pendant une semaine du riz. Et pourtant j’étais supposée peut-être ne pas vivre le problème. Je l’ai vécu. Le gaz pareil.
Ce sont des situations dramatiques qu’il faut quand même éviter aux Sénégalais. Il faut qu’on travaille à ça. C’est de ça qu’on attend de l’État. Qu’on crée les conditions pour qu’au moins les Sénégalais puissent accéder aux vivres, à défaut de les vendre à un prix abordable. Et aussi créer des conditions que le pouvoir d’achat des Sénégalais puisse être amélioré. On a parlé des magasins de référence, je crois qu’il en a un seul. Jusqu’à aujourd’hui, nos habitudes alimentaires n’ont pas changé. Nous sommes encore dans l’obligation de manger du riz. Peut-être petit à petit on va s’adapter, se réajuster. Mais tout ça doit être accompagné. Malgré aussi les coupures d’électricité, nous continuons à enregistrer des factures exorbitantes. Ça aussi ce sont des problèmes. Il faudrait qu’on trouve le juste milieu.

On a comme l’impression que les mesures prises par le gouvernement pour atténuer les effets négatifs de la flambée des prix s’avèrent inefficaces.

J’avoue que ça n’a pas d’effet. Parce que les gens ne savent même plus comment ils font. C’est très dur. Dans beaucoup de maisons, aujourd’hui, il y a un repas. Et encore quel type de repas ? Il faudrait quand même qu’on accompagne les populations dans cette situation.

Concrètement, qu’attendez-vous du gouvernement face à une telle situation ?

D’abord avoir à disposition les denrées dont on a besoin et créer des conditions pour qu’il y n’ait pas de surenchères dans la vente. Il (le gouvernement) propose des solutions de diminution. Quand on les fait pour un seul point de vente, ça pose problème.
Tout Dakar va se ruer vers ce point de vente. Et les autres régions ? Au niveau du monde rural, vous savez qu’il y a eu des difficultés. On a essayé d’envoyer des vivres de soudure. Je crois que là-bas encore on est en train de leur distribuer des vivres de soudure. Même s’il y a des problèmes dans la distribution, on sent qu’il y a un petit effort qui a été fait. Mais c’est aux paysans qu’il faut demander si réellement l’effort sert à quelque chose. Mais ça doit être un mouvement d’ensemble. C’est tout un ensemble de mesures qui devraient pouvoir permettre aux Sénégalaises et Sénégalais d’avoir un meilleur être considérable. Même si ce sont des situations difficiles quand on sent que l’État fait des efforts importants dans la baisse des prix. Parce que quand même, le fait de supprimer la subvention sur le riz c’est un problème.
Les habitudes alimentaires au Sénégal sont axées sur la consommation du riz. Donc de but en blanc, on supprime la subvention sur le prix du riz. C’est un grand problème. Parce que jusqu’à aujourd’hui, le riz sert de base. Il n’y a pas encore l’introduction des autres denrées de première nécessité. Les habitudes n’ont pas changé. C’est quelque chose qui est tombé brusquement sur la tête des Sénégalais. Au moment où on cherchait le riz, il y avait de la spéculation. Donc, mieux vaut déjà préparer les esprits à ça. Que l’on sache qu’on allait vers une suppression de cette subvention. Même si on supprime cette subvention, il faudrait au moins qu’on ressente sur d’autres prix des denrées une diminution pour pouvoir compenser cela et tel n’est le cas.

Depuis un certain temps, il s’est agi de la question du dépassement budgétaire de la part de certains départements ministériels. Comment percevez-vous, en qu’en tant ancien ministre de ce régime, cette affaire des dépenses effectuées sans couverture budgétaire ?

Le dépassement budgétaire chez un gouvernement, c’est une réalité. Mais un ministre n’exécute pas de dépense sans l’ordre du supérieur qui est le chef de l’État. Donc, c’est un fonctionnement au niveau le plus élevé qui mérite, je dirais, un regard plus sérieux et plus important. Les demandes d’explications de la part du Chef de l’Etat, je ne peux pas trop m’aventurer dans ça. Un gouvernement, c’est un tout. Il y a un chef de gouvernement, un président de la République.
Quand même un ministre ne prend pas certaines libertés de faire un dépassement. Je ne peux pas trop m’aventurer dans ça. Je ne suis pas financier, mais pour le peu que j’ai eu à connaître d’un gouvernement, vous n’exécutez que ce qu’on vous donne, ce que vous avez droit et ce qu’on autorise. Dès fois, il y a la loi de finance rectificative sur un certain budget qui n’a pas été voté par l’Assemblée nationale. Tout passe d’abord par l’Assemblée nationale. Et tout autre augmentation de budget, tout autre dépassement doit être accepté et validé par l’Assemblée nationale.
Maintenant, je crois que ç’est un débat à l’interne du gouvernement qui certainement, a trouvé une solution. Parce que je crois qu’on n’en parle plus. Mais toujours est-il que le dépassement est là. Comment ça était fait ? Par qui ça etait fait ? C’est une question qu’il faudrait peut-être poser aux principaux concernés.

Ne pensez-vous pas que ce sont les contribuables Sénégalais qui vont payer à la place ?

Notre État est un État de pactes. Quel que soit alpha donc, c’est le contribuable sénégalais qui est le seul à supporter pratiquement toutes ces dépenses de l’État. Les recettes douanières, les recettes qui viennent de partout, c’est sur le dos du contribuable sénégalais. En tout cas, 109 milliards c’est beaucoup c’est énorme. Mais enfin, c’est quelque chose qui a été fait et, on travaillera à ce que pareils dépassements ne puissent plus être subis par l’Etat sénégalais. Nous avons tous intérêt d’ailleurs pour avoir plus de crédit aux yeux de l’Extérieur, de nos partenaires au développement pour que pareils dépassements ne puissent plus se reproduire.

Aujourd’hui on a constaté qu’il y a une rupture du dialogue politique entre le pouvoir et l’opposition. Une rupture qui survient tout juste au lendemain de la présidentielle. Que préconisez-vous, pour relancer ce dialogue en tant que actrice politique ?

C’est bien dommage. Aujourd’hui on a un Parlement sans une opposition réelle. Il y a une opposition parlementaire, mais la majeure partie de l’opposition est en dehors du Parlement. Alors que quand même le Parlement est un lieu important. C’est dommage. Je ne leur reproche pas à ce qu’ils ne soient pas au Parlement. Il y a des faits qui ont conduit une majorité de l’opposition à ne pas vouloir participer aux élections législatives. Même s’il y a une majorité dans la dixième législature, l’opposition a quand même joué son rôle important, un rôle qui a fait qu’il y a beaucoup de pratiques et de dérives qu’on n’a pas connues.
Donc, ça c’est un aspect de la chose. Aujourd’hui, il y a une rupture de dialogue et c’est bien dommage. On devrait pouvoir arriver à un dialogue dans le sens où c’est l’État aujourd’hui qui doit prendre de la hauteur aussi. Le président n’a rien à perdre en renouant le dialogue. C’est à lui de prendre de la hauteur, de discuter avec l’opposition, de discuter avec les Sénégalais. Parce qu’au-delà de l’opposition, les Sénégalais ont besoin de sérénité, de quiétude dans ce pays pour se sentir bien et même supporter ce qu’ils sont en train de vivre.
Mais quand on tire des deux côtés, ce n’est pas bon. Celui qui est bien assis c’est le président. Donc, la hauteur doit venir de lui, le recul doit venir de lui à mon avis et je me dis qu’aujourd’hui, il y a les assises et l’opposition et la société civile comptent trouver un moyen pour proposer le dialogue pour discuter, trouver des solutions.
Le mieux serait de créer les conditions pour qu'un dialogue puisse être établi avec l’opposition formelle qui est dans le Font siggil Senegaal et il y a d’autres partis qui ne sont pas dans cette structure-là. Il faudrait qu’on puisse trouver les conditions et les voies et moyens pour renouer un dialogue, pour permettre que les Sénégalais puissent se parler. Mais ça ne peut venir que de l’Etat, du gouvernement. C’est à son niveau que les choses doivent se faire.
Et l’opposition, elle est là, elle a une attitude, elle a une option, elle se fait entendre par d’autres voies. Mais ceux qui sont au Parlement aussi font de leur mieux. Il y a une opposition parlementaire. Mais du point de vue représentation, elle n’arrive juste pas à faire bouger les choses. Parce qu’aujourd’hui, même au Parlement on se rend compte que c’est un Parlement où il y a une écrasante majorité du parti de l’État. Mon option politique, c’etait d’avoir un Parlement pluriel. Et ce n’est que dans un Parlement pluriel qu’on peut prétendre à un contrôle véritable du pouvoir exécutif. Et c’est en ce sens que le Parlement est important. Mais on se rend compte aujourd’hui que le Parlement actuel ne joue pas ce rôle-là. On arrive même à se demander son utilité dans ce cas de figure. Le Sénat idem.
Donc vous voyez, on a un pouvoir législatif qui est là, qui permet au pouvoir exécutif d’exercer dans les normes, parce que simplement les choses se passent, les lois passent par le Parlement. Mais est-ce réellement ce que les Sénégalais veulent ?

Est-ce que ce sont ces types de lois qu’ils veulent ?

Aujourd’hui on a vu un peu même la perception que les gens ont du Parlement, déjà qu’on n'en avait pas une très bonne appréciation, mais aujourd’hui sa crédibilité pose problème. Les parlementaires eux-même se renvoient la balle.

Dans le même sillage, que pensez-vous des assises nationales qu’on présente comme un effort collectif de réflexions pour vraiment sortir le pays des difficultés actuelles ?

C’en est un. C’est un effort parmi tant d’autres efforts qui doivent être fournis. Ce n’est pas la seule chose qu’il faut faire aujourd’hui. Parce que les politiques sont au niveau des Assises, mais les politiques sont aussi sur d’autres champs de réflexion, de mobilisation. Les politiques se sont investi auprès de la société civile, des syndicats qui mènent des combats. Donc, c’est l’un dans l’autre. C’est l’ensemble de toutes ces réflexions et de prise de position qui devraient pouvoir permettre une bonne marche du Sénégal.
Donc, les assises c’est une bonne chose, un cadre de réflexion. Le travail est un cadre de propositions. Si les propositions ne servent pas, ce n’est pas mauvais. On en aura fait. Aujourd’hui, il y a un bon écho de ces assises. Je ne rejette rien d’emblée. Toujours est-il qu’il faut écouter et voir ce qu’il y a de bon. Je suis d’avis que les assises devaient se tenir. Et depuis très longtemps nous, du temps où j’étais à And-Jëf, on avait parlé des assises, il y a plus depuis trois ans. On avait parlé de « Pencum Alternance ». On voulait simplement que des gens s’asseyent et voient un peu ce qu’il y a à faire.

Le constat, aujourd’hui, c’est que les relations entre presse et pouvoir se détériorent de jour en jour. En tant qu’observateur, que pensez-vous de ce climat délétère ?

C’est dommage d’ailleurs au Sénégal que l’on connaisse ces lourdes répressions contre la presse. Il y a une histoire dans ce pays-là. Aujourd’hui, les dirigeants de ce pays ont connu les répressions d’antan. Et ce sont des gens qui se sont battus pour une libre expression. Nous, nous faisons partie d’une génération qui s’est battue pour que l’expression soit libre, la presse soit libre. Et tout de même, c’est heureux d’avoir une presse plurielle au Sénégal. Quand on a déjà cette presse plurielle, la bâillonner pose problème.
Elle ne se laissera pas faire. Les Sénégalais aussi ne l’accepteront pas comme tel. Il faudrait qu’on ait beaucoup plus de sérénité, que l’on comprenne que la libre expression a été un long processus. Dans ce gouvernement-là, il y a des gens qui ont fait la prison pour la presse. Je ne vais pas les citer. Il y en a ceux qui ont fait des années de prison. Parce que simplement ils avaient produit des journaux. Ils vont se reconnaître (rires). Donc, ce n’est pas ce gouvernement qui doit pouvoir réprimer la presse.
Non. Je crois qu’il y a un malentendu et qu’il faudrait vite dépasser. On ne peut pas, aujourd’hui, en 2008 vouloir bâillonner une quelconque presse. Ce n’est pas possible. La presse aussi de son côté doit bien voir. C’est vrai, il y a une répression. On la condamne tous. Ça va peut-être permettre à la presse de bien voir comment avoir des relations avec ce pouvoir-là. « À quelque chose malheur est bon». Ça va permettre de mettre un frein et de mieux reconsidérer les relations que les uns et les autres doivent avoir.

Quelques mois après le départ d’Aj/Pads, des « frondeurs » dont vous-même, Madièye Mbodj, Daouda Diop et compagnie, le torchon brûle entre Landing et son numéro 2, Mamadou Diop « Decroix ». Qu’est-ce que ça vous inspire ?

Nous ne sommes pas des frondeurs. Nous avons nos idées que nous défendons. Elles sont aussi justes que les idées des autres. Elles ont égale dignité. Donc, je comprends pas que l’on continue à nous appeler des frondeurs. Nous ne faisons pas de fronde. Nous avons un point de vue, nos idées. Nous avons une vision des choses, qui était pourtant acceptée dans le Parti jusqu’à un certain moment. Ce sont des idées justes et valables.
Ce qu’il y a aujourd’hui, on ne s’est pas entendu avec eux (Ndlr, Landing, Decroix et autres) et ils ont décidé de notre exclusion, le 6 février 2008. Donc, ce sont eux qui y en ont décidé. Et pourtant nous étions dans le Parti. On donnait nos points de vue. C’est un parti démocratique. And-Jëf, c’était un parti où le débat contradictoire était de mise. Et c’était ça notre valeur. C’était ça notre différence avec les autres partis. La preuve, on l’a citée, la contradiction continue en leur sein. Donc, ça veut dire que ce n’est pas un débat clos. Je ne sais pas quel type de contradiction ils ont en leur sein, ça ne m’intéresse plus. Je ne m’en suis pas occupée.
J’ai lu dans la presse comme tout le monde. Parce que de là où l’on m’exclut, le reste ne m’intéresse plus. Ce qui m’intéresse, c’est de voir comment mes idées peuvent triompher ailleurs. Il paraît que le torchon brûle entre les deux. C’est une affaire entre Landing et Decroix. Je ne me prononce pas la-dessus. Ils vont gérer leur Parti. Je n’en fais plus partie. (Rires). Donc, moi, je gère Yoonu Askan Wi.

Justement depuis votre exclusion de Aj on ne vous sent plus tellement dans le champ politique.

Ah, vous pensez ! Yoonu Askan Wi est en train de se frayer son chemin. Comme on dit. Et je travaille à ça. Hein ! On est un dans un groupe où il y a des militants. On est dans un mouvement politique qui travaille. On ne fait pas beaucoup de boucans. Mais vous verrez qu’on travaille. On a programmé un Congrès pour le mois de décembre.
Donc, nous sommes en train de travailler à la mise en place de ce mouvement politique, qui se veut très large, ouvert à tous les hommes et femmes de gauche. Tous ceux qui sont épris de paix et de justice, pour un mieux être de la population sénégalaise ont leur place dans Yoonu Askan wi. Je ne suis pas de nature expansive, ni bavarde. Et la preuve, vous m’avez demandé mon avis, je le donne. Je continue mon travail politique. Quand il faut dire un avis, je le donne. Quand il s’est agi de notre exclusion, après ça j’ai estimé qu’il fallait faire une mise au point et je l’ai faite.
L’autre mouvement dans lequel on se situe, je continue à travailler avec l’ensemble des camarades qui y sont. Il y en a pratiquement tous les camarades de Aj qui sont avec nous. C’est ça en fait l’importance de Yoonu Askan wi. Tous les Sénégalais, avec conscience, que Aj vient de perdre se sont retrouvés vers les idéaux qui sont défendus par Yoonu Askan wi. Nous ne faisons que défendre ce qui était proposé initialement par And-Jëf/Pads auquel les dirigeants s’étaient démarqués.

Au lendemain de sa réélection, le président Wade avait pris des engagements, lors d’une marche organisée par le Cosef, pour faire appliquer la parité aux Partis politiques. Où en est-on avec les engagements pris par Me Abdoulaye Wade ?

Comme vous l’avez si bien dit le 23 mars 2007, il y a eu une marche organisée par les femmes. C’est le Cosef qui avait initié une campagne pour que l’on puisse appliquer la parité. Campagne intitulée « Avec la parité : consolidons la démocratie. », qui avait été lancée depuis 2005 en prévision des élections. On s’est rendu compte au Cosef, après les analyses de la situation de la représentation des femmes, il fallait appliquer la parité pour arriver à une application, pour arriver à une représentation équitable des femmes dans les instances de décision.
C’était pour répondre aussi aux engagements que le pays a pris au niveau sous-régional, de l’Union africaine et autre où la parité est de mise. Il fallait avoir une loi qui allait permettre une équité sur le plan politique. Ce sont les femmes qui élisent les hommes. Pourquoi, quand on peut élire quelqu’un on ne s’élirait pas soi-même ? Le Cosef a travaillé à ça. Et j’ai eu l’honneur et le privilège en son temps d’être la présidente du Cosef. C’est un combat qui a commencé depuis la création du Cosef en 1994.
On voulait une représentation équitable des femmes au niveau des instances de décision. On est passé par les quotas. Après l’analyse, on s’est rendu compte que ça ne réglait pas la chose. Finalement, on s’était dit en 1995, on parle de parité. Le président de la République, on lui a remis la loi parce que simplement, c’était un moment fort. C’était à la veille des élections. Et les femmes voulaient qu’on puisse voter cette loi. Et c’était faisable. La preuve, le président, vous savez, c’est un politique.
La loi que le Cosef a donnée ce n’est pas cette loi qui est allée à l’Assemblée nationale. On a appliqué les propositions uniquement pour la liste nationale alors que la proposition était la proposition des femmes politiques pour toute femme confondue. Opposition comme pouvoir, c’était d’avoir des listes paritaires à toutes élections législatives et locales. Donc, c’était une loi bien faite, conçue par des Constitutionalistes, qui avait été remise au président à l’issue de cette marche. Mais malheureusement, ce n’est pas cette loi qui est arrivée à l’Assemblée.
Mais toujours est-il qu’il y a une loi qui avait été votée. En son temps, j’avais dit qu’on n’a pas tout mais on a un aspect. Lui, il l’a appliquée et d’autres partis aussi. Il faut le saluer. Il y a des partis comme le Jëf-Jël et le Mouvement Tekki et les Verts. Ce qui fait qu’aujourd’hui les seuls représentants à l’Assemblée de Tekki et de Jëf-Jël sont des femmes. Donc, vous voyez que notre revendication était légitime et juste.
Ce sont ces partis avec le président qui ont eu à appliquer la parité sur leur liste. Aujourd’hui les femmes députés du Pds, elles sont heureuses. Il y a beaucoup de femmes qui peuvent défendre le point de vue des femmes. Nous, ce qu’on veut rechercher dans la représentation paritaire, c’était que les femmes puissent défendre l’intérêt des femmes sénégalaises. Ce n’est pas qu’elles s’y soient pour elles. Le Cosef va continuer à travailler. Je n’en suis plus la présidente. Mais il y a un plan d’action qui était déjà tracé. Il y a eu une évaluation en février 2008 à Kaolack. Les femmes avaient dit dans une déclaration qu’elles étaient prêtes à boycotter toute liste qui ne serait pas paritaire. Donc, les partis politiques doivent s’attendre à cela.

Avec le retour du septennat pour 2012, d’aucuns pensent que Wade est train de préparer le chemin à son fils pour lui succéder au pouvoir.

2012 est encore loin devant nous. Ce qu’il y a c’est nous Sénégalais nous vivons. Et que nous devons nous battre pour mieux survivre. Donc, il prépare quelque chose pour 2012. Écoutez, d’ici 2012 on peut revenir sur cette Constitution. Les politiques doivent se préparer à ça parce que ce sont eux qui s’investissent dans les choix.
Qu’on nous dise qu’il (Me Wade) veuille mettre son fils, les politiques n’ont qu’à se préparer à cela. Ce n’est plus un secret de polichinelle pour personne que son fils ait des ambitions politiques, même si lui-même ne le dit pas et que les autres le disent.

En tant qu’ancienne parlementaire, quel commentaire faites-vous du débat sur la préséance du Sénat sur l’Assemblée nationale ?

C’est quelque chose qui aurait pu s’arranger au niveau du Parlement. Parce que le Congrès ne se réunit même pas tout le temps. On aurait pu dans les dispositions du règlement intérieur dire que de manière rotative une fois une séance l’Assemblée préside une autre le Sénat préside. Parce que dans l’ordre de préséance, c’est le président du Sénat est qui deuxième personnalité de l’État. Il y a que lui. Toujours dans l’ordre de préséance, les députés viennent avant les sénateurs.
Il faudrait que les Sénégalais le sache, cette disposition n’a pas changé. Le problème du Congrès, on l’a amplifié parce que ça a coïncidé avec un moment où il y avait des problèmes au sein du Pds entre eux-mêmes. Ça ne méritait vraiment tout ce grand débat. Ce sont des dispositions toutes simples qu’on prévoit dans le règlement intérieur. Ce sont des dispositions que l’on peut prendre et ça n’aurait gêné personne.

(Réalisée par Boubacar Demba SADIO)

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