Mais Fayez Bourgi qui, Dieu merci, n’est pas mort dans le dénuement, était d’une tout autre dimension, d’un calibre supérieur. D’abord parce qu’il est un Bourgi, l’une des familles libanaises les plus illustres du Sénégal. Et l’une des plus vieilles et fortunées aussi. Car les Bourgi, c’est un empire industriel, hôtelier (Pacha, Al Afifa), immobilier dont le fameux et immense immeuble IBM sis sur l’avenue Léopold Sédar Senghor où l’Etat logea tant de hauts fonctionnaires, ou encore celui,somptueux, qui a été édifié sur l’avenue de la République, à l’emplacement de l’ancien Ranch Filfili, et qui abrite aujourd’hui le siège de grandes entreprises ou organismes dont le Groupe Mimran, la Banque Islamique de Développement etc.. Et Fayez, c’est le patriarche qui régna à la tête de l’empire à la suite du décès de son frère aîné Ramez dont justement une rue de Dakar porte le nom. Une autre artère a été baptisée au nom de leur défunt père, El Hadj Abdou Karim. Fayez géra les affaires de la famille avec rigueur, certes, avec un sens des affaires inné aussi mais surtout avec beaucoup de bonhommie. Ce qui l’a caractérisé, et que tous ceux qui l’ont connu retiendront de lui, c’est sa grande sociabilité ainsi que sa générosité légendaire. L’homme était une œuvre de bienfaisance ambulante qui donnait sans se lasser. Tous les jours, une longue queue s’allongeait devant ses bureaux de la société Bourgi Transit, l’un des plus grands établissements de l’époque. Si la gestion effective était menée par son frère Samir, un homme très dur en affaires, Fayez, lui, s’occupait du social, des relations publiques, des contacts avec les autorités. Il lui arrivait souvent de venir avec un carnet de 200 chèques, de les signer un à un pour le compte de solliciteurs qui venaient demander de quoi régler une ordonnance, de quoi payer un loyer, de quoi acheter la ration mensuelle etc… et de repartir après avoir achevé le carnet en poussant un joyeux « à demain, les gars ! »
Les gens pour qui il a acheté des voitures et des maisons ne se comptent pas à Dakar mais il le faisait dans la plus grande discrétion. En Casamance, il a construit plusieurs mosquées en tôles ondulées dans des villages, édifié des écoles de fortune et, surtout, convoyé plusieurs camions remplis de vivres. On lui prêtait même des ambitions politiques dans cette région. Finalement, des pressions avaient été exercées auprès du président Abdou Diouf afin qu’il s’abstienne de venir dans cette verte contrée continuer ses actions sociales et humanitaires. Néanmoins, il avait fait savoir à plusieurs reprises aux autorités de l’époque qu’il était prêt à s’investir pour une résolution du conflit casamançais. Il aurait sans doute pu obtenir des résultats dans cette médiation, tellement il comptait d’amis dans ces villages du Sud du pays.
Mais surtout, Fayez, c’était un grand sapeur-pompier. Combien de conflits sociaux ont été résolus, combien de grèves scolaires et universitaires ont été éteintes grâce à son implication discrète. Car souvent, c’est lui qui sortait son chéquier pour régler les revendications des élèves et des étudiants. L’une des grèves scolaires les plus dures a été dénouée par lui. Et cela, sans le crier sur les toits. Votre serviteur a été témoin de certaines négociations tenues dans son bureau. Mais c’est peut-être parce qu’il était un militaire dans l’âme qu’il détestait le désordre et la chienlit. En effet, Fayez était un officier de réserve et a gravi les échelons de l’Armée jusqu’au grade de lieutenant-colonel. De tous ses titres, celui qui lui plaisait le plus c’était celui de « mon colonel ». Donnez-le lui et il était aux anges. Ce mécène avait été le premier à offrir une somme de 1.500.000 francs (une fortune à l’époque) aux « Lions » au lendemain de leur qualification face au Zimbabwe pour la campagne « Caire 86 ». Mieux, il avait convoyé par ses propres moyens, dix personnes, tous frais payés, dans la capitale égyptienne pour supporter les « Lions ». Il a aussi beaucoup soutenu le lutteur Moustapha Guèye pour qui il a eu à acheter beaucoup d’équipements.
Il s’était essayé à la politique, avait dépensé beaucoup d’argent pour se constituer une base à la Médina mais n’avait jamais vraiment réussi à s’implanter. Mais qu’importe, il croyait à l’action politique et à l’engagement citoyen. Fayez Bourgi fut un des premiers abonnés du « Témoin » et l’un de ses premiers annonceurs aussi. Il nous a beaucoup soutenus à nos débuts, à un moment où les Libanais avaient encore peur de prendre de la publicité dans les journaux privés assimilés à des organes d’opposition.Je me rappelle que nos coursiers étaient toujours pressés de lui apporter ses journaux, car ils revenaient souvent de chez lui avec de grosses enveloppes. Quant à moi, il m’a beaucoup appris sur l’histoire des familles libanaises au Sénégal, leurs rivalités, leurs mesquineries. Je n’oublierai jamais ce patron libanais très craint à l’époque avec qui j’avais eu une altercation. Lorsque j’ai informé Fayez, il m’a demandé de passer le voir à son bureau. Et là, à ma grande surprise, il a convoqué le patron en question et l’a obligé à me présenter ses excuses. Le type s’était mis à genoux pour me demander pardon ! C’est de ce jour que j’ai mesuré l’étendue de la puissance de Fayez. Un autre jour, il recevait à déjeuner une équipe de RFI et a tenu à ce que je sois présent. Ensuite, il m’a présenté en des termes très chaleureux à ses invités.
Lorsque je faisais sa connaissance, Bibo Bourgi était encore très jeune et était un modeste employé de la société de transit en compagnie de son frère Karim et Samir les formait à la dure loi des affaires… C’est là-bas aussi que j’ai connu Jamal Joher, qui devint plus tard le fameux patron du « Régal » et qui, à l’époque, n’était qu’un petit employé.
Dans les années 90, les Libanais régnaient sans partage sur l ‘économie nationale et parmi eux, les Bourgi occupaient le haut du pavé. Dans ses diverses activités, la famille employait des centaines de travailleurs sénégalais.
Quant à Fayez, ces dernières années, et depuis son mariage intervenu sur le tard, il s’était complètement retiré de la vie publique.
A la famille de ce grand homme, de cet illustre Sénégalais d’origine libanaise, de ce généreux mécène, à Samir, à Mounir, à Bibo… Le Témoin présente ses condoléances attristées. Puisse la terre de Yoff lui être légère.
Mamadou Oumar NDIAYE
« Le Témoin » N° 1113 –Hebdomadaire Sénégalais ( FEVRIER 2013)
Les gens pour qui il a acheté des voitures et des maisons ne se comptent pas à Dakar mais il le faisait dans la plus grande discrétion. En Casamance, il a construit plusieurs mosquées en tôles ondulées dans des villages, édifié des écoles de fortune et, surtout, convoyé plusieurs camions remplis de vivres. On lui prêtait même des ambitions politiques dans cette région. Finalement, des pressions avaient été exercées auprès du président Abdou Diouf afin qu’il s’abstienne de venir dans cette verte contrée continuer ses actions sociales et humanitaires. Néanmoins, il avait fait savoir à plusieurs reprises aux autorités de l’époque qu’il était prêt à s’investir pour une résolution du conflit casamançais. Il aurait sans doute pu obtenir des résultats dans cette médiation, tellement il comptait d’amis dans ces villages du Sud du pays.
Mais surtout, Fayez, c’était un grand sapeur-pompier. Combien de conflits sociaux ont été résolus, combien de grèves scolaires et universitaires ont été éteintes grâce à son implication discrète. Car souvent, c’est lui qui sortait son chéquier pour régler les revendications des élèves et des étudiants. L’une des grèves scolaires les plus dures a été dénouée par lui. Et cela, sans le crier sur les toits. Votre serviteur a été témoin de certaines négociations tenues dans son bureau. Mais c’est peut-être parce qu’il était un militaire dans l’âme qu’il détestait le désordre et la chienlit. En effet, Fayez était un officier de réserve et a gravi les échelons de l’Armée jusqu’au grade de lieutenant-colonel. De tous ses titres, celui qui lui plaisait le plus c’était celui de « mon colonel ». Donnez-le lui et il était aux anges. Ce mécène avait été le premier à offrir une somme de 1.500.000 francs (une fortune à l’époque) aux « Lions » au lendemain de leur qualification face au Zimbabwe pour la campagne « Caire 86 ». Mieux, il avait convoyé par ses propres moyens, dix personnes, tous frais payés, dans la capitale égyptienne pour supporter les « Lions ». Il a aussi beaucoup soutenu le lutteur Moustapha Guèye pour qui il a eu à acheter beaucoup d’équipements.
Il s’était essayé à la politique, avait dépensé beaucoup d’argent pour se constituer une base à la Médina mais n’avait jamais vraiment réussi à s’implanter. Mais qu’importe, il croyait à l’action politique et à l’engagement citoyen. Fayez Bourgi fut un des premiers abonnés du « Témoin » et l’un de ses premiers annonceurs aussi. Il nous a beaucoup soutenus à nos débuts, à un moment où les Libanais avaient encore peur de prendre de la publicité dans les journaux privés assimilés à des organes d’opposition.Je me rappelle que nos coursiers étaient toujours pressés de lui apporter ses journaux, car ils revenaient souvent de chez lui avec de grosses enveloppes. Quant à moi, il m’a beaucoup appris sur l’histoire des familles libanaises au Sénégal, leurs rivalités, leurs mesquineries. Je n’oublierai jamais ce patron libanais très craint à l’époque avec qui j’avais eu une altercation. Lorsque j’ai informé Fayez, il m’a demandé de passer le voir à son bureau. Et là, à ma grande surprise, il a convoqué le patron en question et l’a obligé à me présenter ses excuses. Le type s’était mis à genoux pour me demander pardon ! C’est de ce jour que j’ai mesuré l’étendue de la puissance de Fayez. Un autre jour, il recevait à déjeuner une équipe de RFI et a tenu à ce que je sois présent. Ensuite, il m’a présenté en des termes très chaleureux à ses invités.
Lorsque je faisais sa connaissance, Bibo Bourgi était encore très jeune et était un modeste employé de la société de transit en compagnie de son frère Karim et Samir les formait à la dure loi des affaires… C’est là-bas aussi que j’ai connu Jamal Joher, qui devint plus tard le fameux patron du « Régal » et qui, à l’époque, n’était qu’un petit employé.
Dans les années 90, les Libanais régnaient sans partage sur l ‘économie nationale et parmi eux, les Bourgi occupaient le haut du pavé. Dans ses diverses activités, la famille employait des centaines de travailleurs sénégalais.
Quant à Fayez, ces dernières années, et depuis son mariage intervenu sur le tard, il s’était complètement retiré de la vie publique.
A la famille de ce grand homme, de cet illustre Sénégalais d’origine libanaise, de ce généreux mécène, à Samir, à Mounir, à Bibo… Le Témoin présente ses condoléances attristées. Puisse la terre de Yoff lui être légère.
Mamadou Oumar NDIAYE
« Le Témoin » N° 1113 –Hebdomadaire Sénégalais ( FEVRIER 2013)