Les Sénégalais ont vraiment découvert ce binoclard taciturne, en décembre 2014, cinq mois après sa nomination, lors d’une conférence de presse diffusée sur la chaîne nationale RTS. C’était en plein embrouillamini sur les affaires Arcelor Mittal et les permis de recherche pétrolière. Encadré du secrétaire général du gouvernement, du ministre des Finances, et de tout un pool de communicants, Mahammed Boun Abdallah Dionne (MBAD) avait prouvé à suffisance qu’il n’avait certainement pas besoin de media-training pour s’exprimer ; que le silence était une option chez lui et pas une seconde nature. Un premier grand oral qu’il n’a plus réédité à part quelques fulgurances à l’Hémicycle où la préméditation communicationnelle a enlevé tout intérêt à des présentations que son patron voulait innovantes dans une démarche de transparence.
En couple réglé
A seize jours de célébrer son 58e printemps, le natif de Gossas rempile une nouvelle fois à ce poste, alors que les spéculations les plus tenaces l’envoyaient au charbon à l’Hémicycle, à la tête du groupe parlementaire Benno Bokk Yaakaar (BBY), où les fortes têtes d’une opposition minoritaire sont créditées d’une bonne connaissance de leurs sujets. ‘‘Par décret numéro 2017-1531 en date du 6 septembre 2017, et conformément à la Constitution, notamment en ses articles 43 et 49, Son Excellence M. Macky Sall, Président de la République, a nommé Monsieur Mahammed Boun Abdallah Dionne Premier ministre de la République du Sénégal’’, informe une note tombée, hier, confirmant sa reconduction annoncée par EnQuête. Son coup de génie politique d’avoir fait triompher BBY dans 42 départements sur 45, lors des Législatives du 30 juillet, vient étoffer sa palette de compétences technocrates d’un directeur de campagne qu’on ne lui connaissait pas jusque-là.
Il apparaît aux yeux du Président Sall comme l’homme à tout faire dont l’effacement est un caillou de moins dans la chaussette présidentielle. Un désintéressement qui expliquerait aussi pourquoi le Président Sall est très chaud à l’idée de le reconduire indéfiniment à ce poste qu’il occupe, depuis plus de trois ans. Macky, qui a vécu les affres de l’infanticide politique de l’ancien Premier ministre Idrissa Seck au milieu des années 2000, s’est forcé à trouver quelqu’un de plus ‘‘malléable’’, après deux expériences assez dissuasives. Exit donc le banquier Abdoul Mbaye (1 an 4 mois et 29 jours à la Primature) de plus en plus en désaccord ouvert avec le Président, et l’éphémère Aminata Touré (10 mois et 5 jours) qui a trop présumé de ses forces politiques aux Locales de 2014, malgré les mises en garde présidentielles. MBAD a l’avantage de compiler qualifications avérées, savoir-faire politique, accommodation, tout en étant aux antipodes d’Iznogoud, ce vizir qui voulait être calife à la place du calife. Lui, c’est plutôt un ‘‘baay faal’’ acquis à la cause, qui se charge de concrétiser dans la plus grande sobriété la vision de son calife de Président.
Généralement maître de son sujet, miraculeusement épargné par les critiques de l’opposition, générant un consensus fort dans les rangs de l’APR, le PM est comme intouchable. C’est tout naturellement qu’il a été choisi comme tête de liste nationale de BBY pour les Législatives du 30 juillet dernier, qu’il a d’ailleurs mené avec brio et intelligence politique. Durant la campagne électorale passée, les Sénégalais habitués à son mutisme ont dû se demander si MBAD ne souffrait pas d’un dédoublement de personnalité entre ses propos offensifs et des pas de danse sous les sonorités diolas du Sud. Incisif dans la menée et décisif dans la victoire, il a donné au président Sall une raison de plus de lui faire confiance.
De Gossas à la Primature
Mahammed Dionne est l’élu d’un territoire longtemps inexistant politiquement : Gossas, dans la région de Fatick. Une localité qui est en passe de devenir un guichet automatique de Premiers ministres, puisque son prédécesseur Aminata Touré en est originaire, ainsi que l’ancien chef du Gouvernement sous Wade qui se trouve être son actuel employeur et président de la République Macky Sall. ‘‘Plus qu’un ami de Macky Sall, Mahammed Dionne est son complice’’, témoignait Me Djibril War dans nos colonnes. Cette localité où plongent ses racines familiales et son histoire personnelle de pur produit de l’élitisme républicain : fils d’un commissaire de police nomade à cause des affectations, frère d’un politicien Socé Diop Dionne, il a fréquenté le Conservatoire national des Arts et métiers.
En mars 2014, Mahammed Boun Abdallah Dionne quittait son poste à l’Organisation des Nations unies pour le Développement Industriel (ONUDI) pour intégrer l’équipe gouvernementale. Il lui sera confié la coordination du Bureau opérationnel de suivi du plan Sénégal émergent (BOSSE), nouveau référentiel des politiques publiques de développement au Sénégal. Proche du Président, la confiance est d’autant plus grande et mutuelle que l’actuel PM a été le directeur de cabinet du PM Macky Sall, entre 2005 et 2007, avant la longue traversée du désert qui devait commencer, une année plus tard, pour aboutir au triomphe marron-beige de la deuxième Alternance.
Altruisme
Ce passage à vide n’est pourtant qu’une pâle copie des terribles épreuves qu’il a dû traverser dans la vie. Son indifférence apparente est peut-être le résultat des vicissitudes qui l’ont marqué tout au long de sa vie. Malgré son air sévère, un portrait du journal Libération nous rapporte que sous l’apparence de l’irréductible père-fouettard qu’il laisse transparaître, se cache un homme de cœur dont le désintéressement indique la générosité qui le caractériserait au fond. ‘‘Son seul héritier, c’est sans doute ce que l’histoire retiendra de lui. Il a été obligé de donner un de ses reins à un de ses plus proches, gravement malade. Pour vous dire que cet homme a tout vu et c’est un miracle qu’il puisse tenir le coup. Il faut être fort pour vivre avec tout ça’’, lit-on dans un portrait repris par le site Dakaractu. Un geste d’un altruisme volontaire qui cache un autre, plus dramatique, qui s’est passé un peu plus tôt dans sa vie et qui le marquera à jamais, sans doute. ‘‘Sa belle-mère, sa tante et sa sœur sont décédées dans un accident alors qu’il conduisait.’’
Discours du guerrier
Malgré des sorties savamment calculées et bien maîtrisées, en général, son propos d'habitude mesuré peut connaître des embardées agaçantes, surtout quand il s’agit de se prononcer sur l’épineuse question des ressources minérales, de leurs contrats d’acquisition ou d’attribution etc. Deux ans après sa conférence de presse inaugurale, le 20 septembre 2016, allégations, révélations, et déclarations sur l’acquisition de blocs pétroliers par Timis Corp ne s’étaient toujours pas estompées, malgré quelques passages intermittents à l’Assemblée ; Dionne est revenu en face des journalistes avec des explications encore plus alambiquées et a terminé son point de presse par des mises en garde.
‘‘Nous ne pouvons plus laisser prospérer les propos diffamatoires, les allégations sans fondements et les attaques malveillantes. Ça, c’est terminé. Il faut qu’on soit clair… Le Gouvernement prendra toutes ses responsabilités pour défendre l’intérêt général. Pour défendre l’intérêt national. Désormais quiconque diffusera de fausses nouvelles s’exposera à la rigueur de la loi. De la loi pénale, je veux dire’’, lançait-il, il y a bientôt un an.
Entre-temps il y a eu la démission (l’Etat parle de limogeage) du ministre de l’Energie Thierno Alassane Sall, en mai 2017, dont il a assuré l’intérim jusqu’à avant-hier. Dans cette démission-reconduction sans véritable surprise, l’opinion attend de voir tout simplement qui sera le nouveau M. gaz et pétrole et si Abdoulaye Daouda Diallo aura toujours en charge l’organisation des élections dans ce pays.
OUSMANE LAYE DIOP
En couple réglé
A seize jours de célébrer son 58e printemps, le natif de Gossas rempile une nouvelle fois à ce poste, alors que les spéculations les plus tenaces l’envoyaient au charbon à l’Hémicycle, à la tête du groupe parlementaire Benno Bokk Yaakaar (BBY), où les fortes têtes d’une opposition minoritaire sont créditées d’une bonne connaissance de leurs sujets. ‘‘Par décret numéro 2017-1531 en date du 6 septembre 2017, et conformément à la Constitution, notamment en ses articles 43 et 49, Son Excellence M. Macky Sall, Président de la République, a nommé Monsieur Mahammed Boun Abdallah Dionne Premier ministre de la République du Sénégal’’, informe une note tombée, hier, confirmant sa reconduction annoncée par EnQuête. Son coup de génie politique d’avoir fait triompher BBY dans 42 départements sur 45, lors des Législatives du 30 juillet, vient étoffer sa palette de compétences technocrates d’un directeur de campagne qu’on ne lui connaissait pas jusque-là.
Il apparaît aux yeux du Président Sall comme l’homme à tout faire dont l’effacement est un caillou de moins dans la chaussette présidentielle. Un désintéressement qui expliquerait aussi pourquoi le Président Sall est très chaud à l’idée de le reconduire indéfiniment à ce poste qu’il occupe, depuis plus de trois ans. Macky, qui a vécu les affres de l’infanticide politique de l’ancien Premier ministre Idrissa Seck au milieu des années 2000, s’est forcé à trouver quelqu’un de plus ‘‘malléable’’, après deux expériences assez dissuasives. Exit donc le banquier Abdoul Mbaye (1 an 4 mois et 29 jours à la Primature) de plus en plus en désaccord ouvert avec le Président, et l’éphémère Aminata Touré (10 mois et 5 jours) qui a trop présumé de ses forces politiques aux Locales de 2014, malgré les mises en garde présidentielles. MBAD a l’avantage de compiler qualifications avérées, savoir-faire politique, accommodation, tout en étant aux antipodes d’Iznogoud, ce vizir qui voulait être calife à la place du calife. Lui, c’est plutôt un ‘‘baay faal’’ acquis à la cause, qui se charge de concrétiser dans la plus grande sobriété la vision de son calife de Président.
Généralement maître de son sujet, miraculeusement épargné par les critiques de l’opposition, générant un consensus fort dans les rangs de l’APR, le PM est comme intouchable. C’est tout naturellement qu’il a été choisi comme tête de liste nationale de BBY pour les Législatives du 30 juillet dernier, qu’il a d’ailleurs mené avec brio et intelligence politique. Durant la campagne électorale passée, les Sénégalais habitués à son mutisme ont dû se demander si MBAD ne souffrait pas d’un dédoublement de personnalité entre ses propos offensifs et des pas de danse sous les sonorités diolas du Sud. Incisif dans la menée et décisif dans la victoire, il a donné au président Sall une raison de plus de lui faire confiance.
De Gossas à la Primature
Mahammed Dionne est l’élu d’un territoire longtemps inexistant politiquement : Gossas, dans la région de Fatick. Une localité qui est en passe de devenir un guichet automatique de Premiers ministres, puisque son prédécesseur Aminata Touré en est originaire, ainsi que l’ancien chef du Gouvernement sous Wade qui se trouve être son actuel employeur et président de la République Macky Sall. ‘‘Plus qu’un ami de Macky Sall, Mahammed Dionne est son complice’’, témoignait Me Djibril War dans nos colonnes. Cette localité où plongent ses racines familiales et son histoire personnelle de pur produit de l’élitisme républicain : fils d’un commissaire de police nomade à cause des affectations, frère d’un politicien Socé Diop Dionne, il a fréquenté le Conservatoire national des Arts et métiers.
En mars 2014, Mahammed Boun Abdallah Dionne quittait son poste à l’Organisation des Nations unies pour le Développement Industriel (ONUDI) pour intégrer l’équipe gouvernementale. Il lui sera confié la coordination du Bureau opérationnel de suivi du plan Sénégal émergent (BOSSE), nouveau référentiel des politiques publiques de développement au Sénégal. Proche du Président, la confiance est d’autant plus grande et mutuelle que l’actuel PM a été le directeur de cabinet du PM Macky Sall, entre 2005 et 2007, avant la longue traversée du désert qui devait commencer, une année plus tard, pour aboutir au triomphe marron-beige de la deuxième Alternance.
Altruisme
Ce passage à vide n’est pourtant qu’une pâle copie des terribles épreuves qu’il a dû traverser dans la vie. Son indifférence apparente est peut-être le résultat des vicissitudes qui l’ont marqué tout au long de sa vie. Malgré son air sévère, un portrait du journal Libération nous rapporte que sous l’apparence de l’irréductible père-fouettard qu’il laisse transparaître, se cache un homme de cœur dont le désintéressement indique la générosité qui le caractériserait au fond. ‘‘Son seul héritier, c’est sans doute ce que l’histoire retiendra de lui. Il a été obligé de donner un de ses reins à un de ses plus proches, gravement malade. Pour vous dire que cet homme a tout vu et c’est un miracle qu’il puisse tenir le coup. Il faut être fort pour vivre avec tout ça’’, lit-on dans un portrait repris par le site Dakaractu. Un geste d’un altruisme volontaire qui cache un autre, plus dramatique, qui s’est passé un peu plus tôt dans sa vie et qui le marquera à jamais, sans doute. ‘‘Sa belle-mère, sa tante et sa sœur sont décédées dans un accident alors qu’il conduisait.’’
Discours du guerrier
Malgré des sorties savamment calculées et bien maîtrisées, en général, son propos d'habitude mesuré peut connaître des embardées agaçantes, surtout quand il s’agit de se prononcer sur l’épineuse question des ressources minérales, de leurs contrats d’acquisition ou d’attribution etc. Deux ans après sa conférence de presse inaugurale, le 20 septembre 2016, allégations, révélations, et déclarations sur l’acquisition de blocs pétroliers par Timis Corp ne s’étaient toujours pas estompées, malgré quelques passages intermittents à l’Assemblée ; Dionne est revenu en face des journalistes avec des explications encore plus alambiquées et a terminé son point de presse par des mises en garde.
‘‘Nous ne pouvons plus laisser prospérer les propos diffamatoires, les allégations sans fondements et les attaques malveillantes. Ça, c’est terminé. Il faut qu’on soit clair… Le Gouvernement prendra toutes ses responsabilités pour défendre l’intérêt général. Pour défendre l’intérêt national. Désormais quiconque diffusera de fausses nouvelles s’exposera à la rigueur de la loi. De la loi pénale, je veux dire’’, lançait-il, il y a bientôt un an.
Entre-temps il y a eu la démission (l’Etat parle de limogeage) du ministre de l’Energie Thierno Alassane Sall, en mai 2017, dont il a assuré l’intérim jusqu’à avant-hier. Dans cette démission-reconduction sans véritable surprise, l’opinion attend de voir tout simplement qui sera le nouveau M. gaz et pétrole et si Abdoulaye Daouda Diallo aura toujours en charge l’organisation des élections dans ce pays.
OUSMANE LAYE DIOP