Des milliers de militants prodémocratie sont descendus dans les rues de Hong Kong dimanche pour la première fois depuis les manifestations qui avaient paralysé pendant plus de deux mois à l'automne des quartiers entiers de l'ancienne colonie britannique.
Brandissant les parapluies jaunes devenus le symbole de la campagne prodémocratie, les manifestants ont défilé lentement dans le centre-ville pour "réclamer un véritable suffrage universel" lors de la prochaine élection du chef du gouvernement local en 2017.
D'après les organisateurs, 13.000 personnes se sont mobilisées, soit bien moins que les 50.000 attendues. De son côté, la police a déclaré avoir compté 6.600 personnes au départ du cortège.
La police avait mis en garde contre toute velléité de nouvelle occupation de la rue dans le territoire passé en 1997 sous tutelle chinoise, mais aucune organisation prodémocratie n'en a manifesté l'intention.
"La manifestation était moins importante qu'attendue mais il est faux de dire que les Hongkongais ont cédé devant une démocratie de pacotille", a déclaré Daisy Chan, une organisatrice, alors que le mouvement n'a obtenu aucune concession, pas plus des autorités locales que de Pékin.
"Nous voulons juste exprimer notre frustation envers le gouvernement de Hong Kong", a expliqué Ronnie Chang, un manifestant âgé d'une quarantaine d'années. "Nous savons qu'il n'y a pas grand chose à faire mais si nous nous taisons, rien ne changera".
La situation politique est tendue à Hong Kong, où, au plus fort de la mobilisation de l'automne, jusqu'à 100.000 personnes avaient manifesté pour réclamer davantage de libertés politiques.
A partir de fin septembre, des quartiers entiers avaient été occupés et des heurts violents avaient parfois opposé les manifestants à la police.
En décembre, fortes de la lassitude d'une partie des sept millions de Hongkongais face aux embouteillages et aux perturbations économiques, les autorités avaient démantelé les campements.
- 'Fatigués de la politique' -
Cela fait des années que le camp prodémocratie s'oppose aux autorités au sujet de l'avenir politique du territoire.
La Chine a accepté le principe du suffrage universel pour la première fois dans son histoire. Mais seuls deux ou trois candidats pourront se présenter et ceux-ci devront avoir reçu l'aval d'un comité loyaliste, ce qui garantit, aux yeux du mouvement prodémocratie, l'élection d'un candidat inféodé à Pékin.
Pour Daisy Chan, le "mouvement Occupy", comme il a été appelé en référence à l'une des organisations partie prenante, a eu le mérite d'intéresser la population à la politique. "Dans le passé, les citoyens étaient moins politiques qu'ils ne le sont aujourd'hui. Le mouvement Occupy a réveillé les gens", a-t-elle dit à l'AFP.
Les fondateurs d'origine d'Occupy, dont Benny Tai, étaient présents dimanche tout comme des leaders étudiants comme Joshua Wong, devenus le fer de lance du mouvement.
Ils ont appelé les Hongkongais à ne pas abandonner le combat. "Si nous ne rêvons pas, nous n'avons pas d'espoir", a déclaré Benny Tai. "Nous devons nous accrocher. Alors nous réussirons".
Joshua Wong a mis en garde contre le fait d'accepter en l'état les propositions de Pékin. "J'espère que les gens comprennent que si on prend ça maintenant, ça sera pour toujours", a-t-il dit.
Mais pour l'analyste Sony Lo, qui dirige le département des sciences sociales à l'Institut de Hong Kong pour l?éducation, les habitants sont épuisés et les organisateurs doivent marcher sur des oeufs.
"En ce moment, les gens en ont assez de la politique. Les démocrates doivent réfléchir avec soin à leur stratégie" face à des habitants qui sont "pragmatiques politiquement", a-t-il déclaré.
Environ 2.000 policiers avaient été mobilisés, selon la presse locale.
Au-delà du mouvement de l'automne, l'ex-colonie britannique est une habituée des manifestations, qu'il s'agisse de protester contre une loi controversée sur la sécurité comme en 2003 ou de commémorer tous les 4 juin la répression meurtrière du "Printemps de Pékin" à Tiananmen.