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INONDATIONS DANS LA BANLIEUE : Quotidien d’une famille sinistrée

L’adage dit bien qu’après la pluie, c’est le beau temps. Mais, dans la banlieue dakaroise, c’est le contraire. Car, après la pluie, c’est le sale temps. Au propre comme au figuré. Au-delà de ce sale temps, les populations qui y vivent, sont plongées dans un profond désarroi.


Rédigé par leral.net le Jeudi 3 Juin 2010 à 14:32 | | 0 commentaire(s)|

INONDATIONS DANS LA BANLIEUE : Quotidien d’une famille sinistrée
Une atmosphère morose gouverne le quartier de Mousdalifa. La plupart des grandes avenues sont prises d’assaut par les eaux. Le ronronnement des motopompes envahit le quartier. Chez Abdoulaye Diop, la journée commence par la lutte contre les inondations. Les parents supervisent leurs fils qui creusent des tranchées. Les plus petits, armés de seaux, mènent un combat sans merci contre les eaux. « Nous perdons un temps fou pour évacuer les eaux. Personne n’est partie travailler depuis au moins trois jours. C’est difficile de vivre dans les eaux », raconte l’épouse d’Abdoulaye Diop.

Devant la maison qui jouxte le domicile de Fatou Traoré, Abdoulaye Diop, cheveux poivre sel, habillé d’une chemise carrelée marron et d’un pantalon marron, remblaie à l’aide de gravats la devanture de sa maison en compagnie de ses deux neveux pour empêcher l’eau de pénétrer.

Habits trempés, ustensiles dispersés

« Au début, c’était très difficile, l’eau sortait de partout et atteignait parfois une hauteur d’un mètre, même une chambre a été totalement remplie d’eau. Nous sommes sur le qui-vive, là, sans répit, 24 heures sur 24, mais à chaque fois, l’eau ressort des tuyaux, même pour nous doucher, nous avons des problèmes. L’eau des toilettes est là », déclare le chef de famille, pointant du doigt l’eau qui ressort des tuyaux d’évacuation.

Dans sa maison de 4 chambres, il faut patauger pour y accéder. Une étroite maison où vit plus d’une vingtaine de personnes. Les habitants ont carrément les pieds dans l’eau. Sur les murs délabrés de la maison, des habits trempés sont étalés, dans le petit couloir qui leur sert de cour, des ustensiles sont dispersées. Au fond du couloir, on aperçoit une vieille dame assise sur un lit. La tête entre ses mains, elle semble plongée dans une profonde réflexion. Sa position n’est pas étonnante. Là où elle est assise, ses pieds baignent totalement dans l’eau. Dans sa chambre, deux lits se font face sans compter une armoire. Cette vieille dame édentée s’appelle Tako Sy. C’est une septuagénaire. Ses 4 fils, leurs épouses et enfants vivent tous dans cette promiscuité. Juste à la porte de sa chambre, elle a déposé un seau jaune servant à évacuer l’eau. Avec son accent pulaar, elle explique en langue wolof qu’elle n’arrive même plus à s’acquitter de ses obligations religieuses. « Depuis le mois de ramadan, je ne me souviens pas avoir prié une seule fois normalement. C’est sur mon lit (qu’elle pointe du doigt) où je suis obligée d’étaler mon tapis de prière. Je suis tout le temps dans l’eau, du matin au soir, je n’ai même pas envie de manger ».

« Chaque matin au réveil, la première chose que je fais, c’est d’évacuer l’eau qui a envahi ma chambre pour une vieille de mon âge », confie-t-elle, la mine triste.

A côté de sa chambre, une de ses belles-filles fait la lessive, les pieds et les bassines dans l’eau. Assise devant la porte de sa maison sur quelques briques de fortune entassées, Fatou Traoré, vêtue d’une robe, berce tranquillement son bébé qu’elle a couvert avec un pan de son châle vert. Un éventail à la main, elle chasse les mouches. La plupart des habitants de cette ruelle ont quitté le quartier. Seules 3 maisons sont toujours occupées. « Presque tous nos voisins ont déménagé, nous sommes restés malgré nous, car nous n’avons pas où aller et puisque nous subissons le même sort, nous nous entraidons. Nous vivons dans l’eau, mais nous n’avons pas le choix. Nous cuisinons également dans l’eau. Nous nettoyons tous nos ingrédients avec de l’eau de javel, parfois on achète du pétrole pour désinfecter la maison », explique Mme Traoré.

Il n’est pas du tout aisé de cuisiner dans cette famille. Et ce n’est pas Maï qui revient du marché avec son sachet de provisions à la main qui nous contredira. C’est elle qui doit préparer le déjeuner. Mais, comment faire cuire un repas dans cette eau ? « Si on arrive à poser la marmite sur le gaz quelque part au sec, on cherche où mettre nos ustensiles et tout en préparant, on évacue l’eau », explique-t-elle. L’air désolé, elle ajoute : « c’est très difficile, mais il faut bien qu’on mange. C’est dur avec les enfants, on les retient. Nous, leurs mamans, avons tellement évacué l’eau manuellement que présentement nos pieds sont infectés (elle soulève un peu son pagne pour nous montrer les boutons qu’elle a aux pieds). Nous sommes très fatigués », lance Fatou Traoré.

Adja Aïcha SENGHOR (Stagiaire
Source Le Soleil

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