La Ligue sénégalaise de Lutte contre le Tabagisme (Listab), le Programme national contre le Tabac (Pnt) et la Société Civile comptent aller jusqu’au bout de leurs efforts pour faire débloquer le texte portant interdiction de l’importation, de la commercialisation et de l’usage de la Chicha au Sénégal. L’arrêté déjà cosigné par les ministres du Commerce et de la Santé depuis décembre 2019 serait rangé dans les tiroirs du Secrétariat général du gouvernement qui peinerait à numéroter le document. Du moins, l’accusation est portée par Djibril Wélé de ladite Ligue anti-tabac.
Juste un numéro et le tour est joué. Malheureusement, la machine refuse de donner les… bons chiffres. D’où le blocage noté dans l’arrêté portant interdiction de la commercialisation, de l’importation et de l’usage de la Chicha au Sénégal. Un arrêté qui, donc, peine à entrer en vigueur. Pourtant les deux ministres concernés à savoir celui en charge de la Santé et son collègue du Commerce ont paraphé le document depuis bientôt un an. C’est à dire depuis décembre 2019. L’arrêté n’étant pas entré en vigueur, l’importation, la commercialisation et l’usage de la chicha se poursuivent de plus belle. La chicha, produit nocif et dangereux, continue donc de faire des ravages. avec son lot de victimes. Comme pour ajouter de la… fumée dans les poumons des activistes antitabac, 5 septembre dernier, un établissement dénommé « Bar à Chicha » a été inauguré à Thiès, à côté d’un célèbre restaurant sis à côté du lycée Malick Sy.
Sauf que quelques jours après cette inauguration, l’on ne sait par quel miracle et à la surprise générale, le texte sur l’interdiction de la chicha a été vite agité sur les réseaux sociaux. La rumeur s’est vite propagée au point que l’opinion s’est vite réjouie de la mesure et les internautes se sont même empressés de partager le document avec des commentaires enthousiastes. Hélas, ce n’était qu’une « infox ». L’arrêté qui interdit l’usage, la commercialisation et l’importation de la Chicha n’est toujours pas entré en vigueur.
Interpellé sur la question, Djibril Wélé de la Ligue sénégalaise de Lutte contre le Tabagisme (Listab) rassure. « Ce ne sont que des rumeurs. L’arrêté en question n’est qu’un projet qui, certes, est cosigné par les ministres de la Santé et du Commerce, mais il n’est pas encore enregistré au niveau du Secrétariat général du Gouvernement. Il n’a encore ni numéro ni date de validation », explique notre interlocuteur. « Ce n’est donc pas dans l’ordonnancement juridique », comme l’a écrit Aïssatou Anthia Touré de la cellule de communication du ministère de la Santé et de l’Action sociale. Seule la numérotation reste donc pour que le texte soit applicable. « Pour le décret, cela fait déjà un, deux ans que c’est sorti. Pour l’arrêté, cela va faire bientôt un an qu’il est en attente de numérotation. C’est vraiment déplorable », s’indigne Djibril Wélé. « Il y a des décrets qui passent en Conseil des ministres tous les mercredis, il y a aussi des arrêtés qui sont signés et dont certains sont plus récents que celui sur la chicha. On ne comprend pas, il y a anguille sous roche », s’étonne-t-il.
Qu’est-ce qui serait réellement à l’origine du blocage de cet arrêté ?
Face à cette question, nos interlocuteurs accusent des gens tapis dans l’ombre. « Il y a des intérêts en jeu, surtout que la chicha est devenue très rentables avec des maisons à chicha, de grands établissements de commercialisation. Il y a des lobbies qui sont dans l’importation de la chicha et des cigarettes électroniques. Le Sénégal n’est pas un producteur de chicha. En revanche, notre pays est un grand importateur de ce produit nocif et dangereux. Certainement, il y a des gens qui sont derrière et qui essaient de retarder, pour ne pas dire de bloquer ce projet », a déploré ce membre de la Listab. Dans son rôle d’alerte et de veille, cette Ligue travaille aujourd’hui à ce que « les textes validés en comité technique puissent être effectifs le plus rapidement possible afin de pouvoir protéger les populations, notamment les jeunes, par rapport aux ravages causés par ce produit dangereux pour la santé ». En tout cas, Djibril Wélé s’emporte jusqu’à accuser le Secrétariat général du Gouvernement d’être le seul responsable de cette…barrière qui empêche le texte de finir son circuit. « Parce que ce sont les gens de ce Secrétariat général qui programment les textes en Conseil des ministres, notamment les décrets. Ce sont eux qui numérotent tous les arrêtés qui passent. Ce sont donc eux également qui bloquent les choses. Il n’y a pas quelqu’un d’autre », soutient le membre de la Listab tout en soutenant que le Secrétaire général du gouvernement aurait refusé de numéroter le document pour la bonne et simple raison que « l’industrie de la chicha est un gros marché pour le Sénégal ».
Malgré la puissance des lobbies de ce business de la chicha, la Ligue sénégalaise de Lutte contre le Tabagisme (Listab) va poursuivre le bras de fer contre eux. En collaboration avec le Programme national contre le Tabac et la participation de la société civile, les activistes entendent remonter l’information jusqu’au plus haut niveau à travers des requêtes pour essayer de débloquer ces textes. Selon Djibril Wélé, ses camarades activistes n’écartent pas l’idée de rencontrer certaines autorités, voire porter l’affaire sur la place publique pour en faire un débat afin que ces textes soient remis dans le circuit, au plus vite. « Notre rôle c’est de rétablir la vérité. Parce que la santé de la population doit primer sur tout. On demande au Secrétaire général du gouvernement d’accélérer les choses. On lui demande aussi et surtout de dénoncer ceux qui sont derrière ce blocage », déclare le camarade d’Amadou Gaye qui soutient mordicus que ce sont des lobbies qui empêchent l’arrêté portant interdiction de l’importation et de l’usage de la chicha d’entrer en vigueur.
Maïmouna FAYE FALL
Source : https://letemoin.sn/interdiction-de-limportation-e...