Annonces Hebdo: Aujourd’hui ce sont les inondations qui dominent l’actualité nationale. Que dites-vous de la gestion des sinistrés ?
Ibrahima Sène: Le gouvernement se débrouille comme il peut. Dès 2008, au PIT, nous avons eu à tenir des journées d’études sur les inondations à Dakar. Et nous avons sortis un mémorandum qui a structuré notre vision et notre programme de lutte dans ce domaine. Nous nous sommes rendus compte que la manière dont Wade traitait les inondations ne pouvait pas aboutir à amener à une maitrise des problèmes d’eaux et d’excès d’eau dans la banlieue. Pourquoi ? Parce que le programme que Wade avait mis en œuvre, c’est faire des bassins, mettre en place des motos pommes et faire des canaux de circulation vers la mer. Il croyait, en faisant de cette manière, que le problème serait réglé. On leur avait dit que ce n’est pas possible. Pour régler un problème, il faut savoir son origine. D’accord il y a l’occupation anarchique des passages d’eaux, c’est clair, il faut dégager les passages d’eaux. Mais se limiter à ça cela veut dire, régler juste les problèmes de circulation des eaux, mais on ne règle pas l’excès d’eaux, le phénomène récurrent de l’excès d’eaux de surface. Donc il a dégagé des gens il a fait le plan «Jaxaay» pour reloger des gens. Ils étaient relogés. Or, il y a même eu même au plan « Jaxaay» des problèmes d’inondations qui se posent encore.
Annonces Hebdo: Quelle est la solution que le PIT préconise pour sortir de ces inondations ?
Ibrahima Sène: Le véritable problème, à notre sens, est très simple. La nappe phréatique, c’est l’eau du sous sol avec la reprise des pluies. L’eau du sous sol est tellement remontée à la surface que n’importe quelle petite pluie qui vient, devient un excès. Parce qu’il n’y a plus d’infiltration. (Il se répète). Cet excès là vous l’évacuez mais la nappe phréatique est toujours à la fleur de la surface. Nous avons dit que le véritable problème c’est donc faire descendre la nappe phréatique en pompant cette eau. Pourquoi le régime libéral n’a pas fait ça ? Et pourquoi le nouveau pouvoir ne l’a pas fait? Le nouveau pouvoir a continué dans la même veine avec des moyens beaucoup plus importants. Par exemple il vient de mettre 40 milliards et il projette d’en mettre 66. Donc ils mettront beaucoup plus d’argent pour faire évacuer l’eau, la pomper, mais ils ne règlent pas le fond du problème.
Annonces Hebdo: Mais il y a le plan décennal pour mettre un terme à ces inondations ?
Ibrahima Sène: Le plan décennal non non ! Tout ça c’est la même chose. C’est un plan pour faire des canaux et pour reloger les gens. Mais tant qu’ils ne feront pas l’approche que nous avons dite, il en sera toujours ainsi. L’approche de Wade et l’approche de ce nouveau régime sont les mêmes ; c’est la même façon de faire avec des moyens plus importants. En espérant qu’avec ce plan on règle le problème. On ne peut pas le régler de cette manière. La seule manière de régler le problème durablement c’est d’abord d’abaisser l’eau de la nappe phréatique et pour cela il y’a les forages de la SONES qui existent dans la zone de Dakar et qu’on avait bloqués. Pourquoi le blocage ? Parce que c’est à partir de ces forages que l’on alimentait Dakar en eau. On pompait l’eau du sous sol pour alimenter Dakar. Mais avec la sécheresse, la nappe était tellement descendue que l’eau de mer risquait d’envahir la nappe phréatique ; donc on a bloqué et on a essayé d’amener de l’eau pour alimenter Dakar du Lac de Guier. Mais la situation a changé. Les pluies sont revenues, la nappe phréatique est montée. Donc au lieu de continuer à laisser ces forages là fermer et à pomper l’eau du Lac de Guier pour alimenter Dakar et pour alimenter les besoins en eau des maraichages dans les Niayes, il faut ouvrir ces forages pour que l’eau alimente les maraichages et réserver l’eau qui vient du Lac de Guier exclusivement à l’alimentation de Dakar. Donc on aurait atténué le déficit en eau de Dakar. On aurait abaissé en même temps la nappe phréatique. Et une fois l’eau abaissée c’est tellement simple sur la terre sèche d’aménager des canaux, construire et reloger les gens.
Annonces Hebdo: Etes-vous de ceux qui disent que ce programme long termiste du nouveau régime est une solution aux inondations?
Ibrahima Sène: Tant qu’on ne fera pas comme nous l’avons réitéré. Parce que les gens doivent apprendre de l’expérience. Parce qu’on l’a dit on a fait la sourde oreille. On l’a écrit, on fait la sourde oreille. Maintenant les gens se rendent compte qu’on a beau pomper, déguerpir les gens, donné des maisons, dès que la pluie revient, ce sont les inondations. C’est un travail de Sisyphe ; voilà pourquoi nous disons que par rapport aux inondations, de toute façon, il faut véritablement une politique de rupture. Une politique de rupture qui veut dire prendre le mal à sa racine en faisant baisser la nappe phréatique. On y gagne doublement parce que tout d’abord l’eau de la nappe phréatique pompée donnée aux maraîchages diminue le coût de l’eau pour le maraichage. Donc les légumes vont coûter moins chères parce que l’eau va coûter moins chère. Ensuite, on va diminuer le déficit d’eau de Dakar, le déficit en eau potable à Dakar. Il faut bien reconnaître que le choix accès sur les canalisations, les relogements et l’assainissement sont des choix qui sont liés à des intérêts particuliers. Mais il y a des sociétés entreprises d’assainissement et d’aménagement urbains et d’habitat, qui trouvent leur compte là dans. Tant qu’il y a ces problèmes, ils gagneront des marchés et de l’argent. Vous voyez! Donc ils poussent à maintenir cette option. Une option qui coûtera beaucoup de sommes sans régler le problème, mais qui fait leur beurre chaque année.
Annonces Hebdo: Que dites-vous de l’aveu de taille du gouvernement qui a récemment fait comprendre qu’il ne peut rien contre les inondations ?
Ibrahima Sène: Mais non! Ecoute, ils se rendent compte qu’ils ont beau pomper, mais avec une petite pluie, ça revient. Le véritable problème c’est que l’option de faire circuler l’eau par les canaux et déverser dans la mer. Cette option là, encore une fois, n’a pas d’issu. Tant qu’on ne règle pas le niveau de la nappe phréatique, il n’y a pas d’issu. Regardez en Europe, les inondations y sont différentes. Là-bas, ce sont les fleuves gorgés d’eaux qui débordent. Mais ici, il n’y a pas de fleuves qui débordent. C’est le peu de pluie qui tombe qui nous crée des problèmes. C’est ça! En Europe les gens ont fait des digues, ont aménagé pour canaliser les eaux fluviales et protéger les rives des rivières. Il faut que l’eau tombe à des hauteurs exceptionnelles pour qu’elle se déverse sur la rive. C’est clair. Et ça, c’est totalement différent de ce que nous avons. Donc eux, ils ne pourront jamais régler les problèmes des inondations parce que même s’ils construisent des digues, des murs, si la pluie fait gonfler le fleuve, l’eau va se déverser. Mais ici, nous n’avons pas ce même problème. Le problème que nous avons ici, c’est la nappe phréatique.
Annonces Hebdo: On parle de rupture, de bonne gouvernance de gestion saine et vertueuse mais jusqu’à nos jours les Sénégalais sont dubitatifs sur la gestion de l’argent des téléthons des inondations de l’année dernière. Est-ce qu’il n’y a pas de paradoxe en la matière?
Ibrahima Sène: Evidemment, c’est tous les Sénégalais qui se demandent où est ce que l’argent est passé ? C’est au gouvernement de répondre parce que j’ai entendu Mbaye Ndiaye (1er ministre de l’Intérieur de Macky Sall: ndlr) dire qu’il faut demander au ministre des Finances. Le ministre des Finances dit qu’ils n’ont rien à avoir avec la gestion de cet argent. Donc, quoi qu’il en soit, il faut que le gouvernement explique aux Sénégalais où ils ont mis cet argent là. Cela a rendu un peu dubitatif les Sénégalais par rapport à notre option de bonne gouvernance et de transparence qui est réelle. Et il faut que les Sénégalais s’en rendent compte. La dernière preuve en date, c’est les travaux de l’Inspection générale de l’Etat (IGE). Ces travaux étaient toujours confidentiels, à la disposition exclusive du Chef de l’Etat. Macky a décidé de les rendre publics. Il n’y a plus de secret ; celui que l’on contrôle et qui a fait des « conneries », les sénégalais sauront. C’est clair! Non seulement les Sénégalais sauront, mais mieux, Macky a mis en place deux instruments qui permettent non seulement de traquer ceux qui ont détourné, corrompus dans le passé, mais aussi ceux qui, actuellement, sont en exercice. S’ils sont corrompus ou détournent, ils seront aussi traqués. Le premier mécanisme c’est la CREI et le deuxième c’est l’OFNAC. Ils ont même le projet d’aggraver les peines des gestionnaires de deniers publics. Donc, c'est-à-dire, que la volonté d’assainir, la volonté de transparence est bien là. Mais des manquements comme la non reddition des comptes du téléthon de 2012, va poser problème déjà. Il n’y a aucune raison que le gouvernement ne puisse s’expliquer dans ce domaine.
Annonces Hebdo: Est-ce qu’aujourd’hui la coalition «Benno bokk yaakaar» dont vous êtes membre fonctionne correctement à côté du président Macky Sall?
Ibrahima Sène: Quand les gens posent cette question je me pose des problèmes. Vous savez pourquoi? La coalition «Benno bokk yakaar» gouverne avec Macky Sall au gouvernement. Mais est-ce qu’il y a un problème au gouvernement? Mais est ce qu’il y a un problème à l’Assemblée Nationale? Mais c’est ça gouverner ! Nous gouvernons ensemble sans problème. Les concertations se font en conseil des ministres, et quand il y a des choses à voter qui arrivent à l’Assemblée, le groupe parlementaire travaille dessus, il dégage une position commune. Maintenant ce qui manque et qui fait jaser les gens, c’est qu’en dehors des institutions, il n’y a pas de concertations. Il n’y a pas de concertations entre les structures de «Benno bokk yakaar» en dehors des institutions. C’est comme ça qu’il faut poser le problème. Mais il ne faut pas dire qu’il n’y a pas de concertation dans «Benno bokk yakaar». Il y a cohésion, il y a concertation. Il faudrait renforcer cela par un mécanisme de concertation hors institution. C’est comme ça que le PIT voit le problème. Mais ce n’est pas exact de dire qu’il n’y a pas de concertation. Comment? Nos ministres qui sont dans le gouvernement, mais ils nous rendent compte, nous discutons avec eux. Nous discutons aussi avec nos députés. Il y a des positions que nous dégageons au gouvernement et à l’Assemblée nationale. Il y a concertation institutionnelle. Il faut renforcer la concertation institutionnelle par une concertation hors institutionnelle. Les principales composantes de «Benno bokk yakaar» devraient ainsi pouvoir se concerter sur les problèmes en dehors des institutions et soulever les problèmes en direction des institutions. Ce sont les gens qui exagèrent, mais il n’y a aucun problème à mon sens qui puisse alarmer les gens au point de penser que dans «Benno bokk yakaar» là-bas, les gens ne se parlent pas. Sinon le gouvernement n’aurait pas pu marcher. Il n’y aurait pas eu des lois votées à l’Assemblée nationale. Au gouvernement. «Macky 2012» est minoritaire, à l’Assemblée nationale «Macky 2012» n’a pas de majorité. S’il n’y a pas de concertation, le Conseil des Ministres ne fonctionnerait pas, et les députés ne voteraient pas les lois, l’Etat serait bloqué dans son fonctionnement. Il faut quand même que les gens reviennent à la raison.
Annonces Hebdo: Comment appréciez-vous la sortie des responsables de «Macky 2012» qui demandent votre départ du gouvernement?
Ibrahima Sène: «Macky 2012» mène un combat qu’il n’ose pas assumer. Parce qu’ils disent que «Macky 2012» n’est pas présente dans le gouvernement, ce qui n’est pas vrai. «Macky 2012» a 27% des postes du gouvernement. Et même plus, parce qu’avec le départ d’un membre de la coalition de «Benno Siggil Sénégal» qui a rejoint l’APR, «Macky 2012» a un nombre plus important que 27 % dans le gouvernement. La présence de «Macky 2012» dans le gouvernement et à l’Assemblée nationale est représentée par l’APR proprement dite , au détriment des autres composantes de coalition. Et eux, au lieu de dire que c’est ça le problème, et qu’ ils veulent que le quota de « Macky 2012» soit mieux réparti pour que les autres composantes de leur coalition soient présentes dans les institutions. Ils n’osent pas le dire ouvertement. Ils se cachent derrière leur petit doigt pour dire que ce sont les composantes de «Benno bokk yakaar» qui occupent tout à leur détriment, et qu’il faut qu’ils dégagent, pour qu’ils puissent être remplacés. Alors je dis qu’ils sont fous. Parce que si Macky casse la coalition, il faudra en ce moment qu’il casse le gouvernement et qu’il casse la majorité à l’Assemblée nationale. Est ce qu’il va le faire? Il va s’allier avec le PDS pour avoir une majorité. Mais s’il le fait, je dis bien les Sénégalais qui l’ont élu ne l’accepteront pas. Le Sénégal serait ingouvernable. Donc, ces gens là, la manière dont ils abordent leur problème qu’ils n’osent pas assumer, est malsaine. Au lieu de dire à Macky : Ecoutez, nous sommes dans «Macky 2012», elle a un quota, il faut aussi qu’on soit dans le quota. Cependant, il faut d’abord remarquer qu’au début, avec le premier gouvernement, il y avait la présence des autres composantes de «Macky 2012». Mais quand Macky s’est rendu compte que ces gens là sont incompétents, il les a dégagés. Il n’a pas seulement dégagé des gens hors APR dans «Macky 2012», il a même dégagé deux membres importants de l’APR pour incompétence. Donc ça, c’est un problème interne à «Macky 2012» qu’il faut qu’il règle, et non pas polluer l’atmosphère en faisant croire que c’est à cause des autres composantes de «BBY» qu’ils sont marginalisés, qu’ils n’occupent pas les places qu’il faut. Non, on n’a rien à voir là dans. Ils ont un problème, ils n’ont pas eu le courage politique de l’aborder concrètement. Ils polluent l’atmosphère pour rien. Or Mack les a avertis en leur disant solennellement : Laissez mes alliés tranquilles. Tout dernièrement, le président Macky Sall a dit à son parti de travailler en collaboration avec ses alliés. Parce que Macky est lucide. Mais oui, on ne joue pas avec un pouvoir qu’on a.
Annonces Hebdo: L’IGE a remis son rapport de 2008 au chef de l’Etat publiquement. Qu’est ce que cela vous fait?
Ibrahima Sène: J’ai applaudi des deux mains. Le rapport de 2008 n’est vraiment estampillé « confidentiel » ou « secret ». Dans le passé le rapport de l’IGE était ultra secret, seul le président pouvait en user. Et Wade en a usé pour faire chanter les gens. S’il voit que tu as fait des choses, au lieu de transmettre le dossier à la justice, il te fait chanter, et après il fait de toi ce qu’il veut. Mais maintenant, ce n’est plus possible. Tous ceux qui ont été épinglés par l’Inspection générale de l’Etat sont connus. C’est à la place publique. La CREI fera son travail, l’OFNAC fera son travail. Ils ont tous, le pouvoir d‘auto saisine. Ils n’auront pas besoin des instructions du Chef de l’Etat. Et c’est extraordinaire. Je sais vraiment… (il arrête puis continue) vraiment Macky est très bien inspiré d’avoir fait cela.
Annonces Hebdo: Que dites-vous de la modification du code pénal qui est agitée ces temps ci? Pour le camp libéral, c’est Karim Wade qui est visé.
Ibrahima Sène: Les gens se sont mis en tête cela, c’est parce qu’ils sont conscients que Karim Wade a fait quelque chose, qu’il va être condamné. Evidemment il est concerné par cette mesure, mais ceux qui disent que Karim Wade est innocent, ne devraient pas penser qu’il est spécialement visé. Il faut qu’il démontre au tribunal que ce dont il est accusé n’est pas fondé, pour que le droit soit dit.
Annonces Hebdo: Ils craignent que la justice soit instrumentalisée dans cette affaire. Qu’en pensez-vous?
Ibrahima Sène: Attends, attends! La justice a beau être instrumentalisée, mais si tu as de bons avocats, tel que Karim Wade en a, et avec un procès public dont il a droit, il devrait pouvoir se faire justice. Ce n’est pas un procès privé. Dans ces conditions, le procureur a beau recevoir des instructions, le juge dira le droit. Donc l’instrumentalisation politique ne peut se faire qu’à travers le procureur. On a beau instrumentaliser le procureur, comme le procès sera public, les gens ont leurs bons avocats, tout le monde suit. On ne peut pas le condamner véritablement si ce n’est pas fondé. Ce n’est pas possible. Ce qu’on voit souvent, malheureusement, c’est que les gens, au lieu d’avoir de bons avocats pour se défendre, ils politisent les dossiers. Ils essaient de sensibiliser l’opinion pensant qu’en le faisant, ils vont échapper à la condamnation de la justice. C’est perdre son temps. Donc dire ce qui se prépare, c’est contre Karim c’est être convaincu que Karim qu’il a fait quelque chose, et qu’il sera condamné. Mais ce n’est pas seulement Karim qui est concerné par ce projet de loi, mais les ministres en fonction sont aussi concernés au même titre que ceux qui étaient en fonction sous Wade et qui ont des choses à se reprocher. Pour dire que désormais, rien ne sera plus occulté. Le rapport de l’Inspection générale de l’Etat sera public. Ils sont tous concernés, les ministres actuels, les Directeurs généraux, les directeurs qui occupent des postes dans lesquelles les finances publiques ont été dépensées . Ces gens sont tous concernés. Ils devront mettre sur la balance leur ambition politique par rapport à leur éthique de gestion. Maintenant si les libéraux pensent tout cela est fait contre Karim, c’est qu’ils sont convaincus que les carottes sont cuites pour Karim.
Entretien réalisé par
Souleymane SANE
Ibrahima Sène: Le gouvernement se débrouille comme il peut. Dès 2008, au PIT, nous avons eu à tenir des journées d’études sur les inondations à Dakar. Et nous avons sortis un mémorandum qui a structuré notre vision et notre programme de lutte dans ce domaine. Nous nous sommes rendus compte que la manière dont Wade traitait les inondations ne pouvait pas aboutir à amener à une maitrise des problèmes d’eaux et d’excès d’eau dans la banlieue. Pourquoi ? Parce que le programme que Wade avait mis en œuvre, c’est faire des bassins, mettre en place des motos pommes et faire des canaux de circulation vers la mer. Il croyait, en faisant de cette manière, que le problème serait réglé. On leur avait dit que ce n’est pas possible. Pour régler un problème, il faut savoir son origine. D’accord il y a l’occupation anarchique des passages d’eaux, c’est clair, il faut dégager les passages d’eaux. Mais se limiter à ça cela veut dire, régler juste les problèmes de circulation des eaux, mais on ne règle pas l’excès d’eaux, le phénomène récurrent de l’excès d’eaux de surface. Donc il a dégagé des gens il a fait le plan «Jaxaay» pour reloger des gens. Ils étaient relogés. Or, il y a même eu même au plan « Jaxaay» des problèmes d’inondations qui se posent encore.
Annonces Hebdo: Quelle est la solution que le PIT préconise pour sortir de ces inondations ?
Ibrahima Sène: Le véritable problème, à notre sens, est très simple. La nappe phréatique, c’est l’eau du sous sol avec la reprise des pluies. L’eau du sous sol est tellement remontée à la surface que n’importe quelle petite pluie qui vient, devient un excès. Parce qu’il n’y a plus d’infiltration. (Il se répète). Cet excès là vous l’évacuez mais la nappe phréatique est toujours à la fleur de la surface. Nous avons dit que le véritable problème c’est donc faire descendre la nappe phréatique en pompant cette eau. Pourquoi le régime libéral n’a pas fait ça ? Et pourquoi le nouveau pouvoir ne l’a pas fait? Le nouveau pouvoir a continué dans la même veine avec des moyens beaucoup plus importants. Par exemple il vient de mettre 40 milliards et il projette d’en mettre 66. Donc ils mettront beaucoup plus d’argent pour faire évacuer l’eau, la pomper, mais ils ne règlent pas le fond du problème.
Annonces Hebdo: Mais il y a le plan décennal pour mettre un terme à ces inondations ?
Ibrahima Sène: Le plan décennal non non ! Tout ça c’est la même chose. C’est un plan pour faire des canaux et pour reloger les gens. Mais tant qu’ils ne feront pas l’approche que nous avons dite, il en sera toujours ainsi. L’approche de Wade et l’approche de ce nouveau régime sont les mêmes ; c’est la même façon de faire avec des moyens plus importants. En espérant qu’avec ce plan on règle le problème. On ne peut pas le régler de cette manière. La seule manière de régler le problème durablement c’est d’abord d’abaisser l’eau de la nappe phréatique et pour cela il y’a les forages de la SONES qui existent dans la zone de Dakar et qu’on avait bloqués. Pourquoi le blocage ? Parce que c’est à partir de ces forages que l’on alimentait Dakar en eau. On pompait l’eau du sous sol pour alimenter Dakar. Mais avec la sécheresse, la nappe était tellement descendue que l’eau de mer risquait d’envahir la nappe phréatique ; donc on a bloqué et on a essayé d’amener de l’eau pour alimenter Dakar du Lac de Guier. Mais la situation a changé. Les pluies sont revenues, la nappe phréatique est montée. Donc au lieu de continuer à laisser ces forages là fermer et à pomper l’eau du Lac de Guier pour alimenter Dakar et pour alimenter les besoins en eau des maraichages dans les Niayes, il faut ouvrir ces forages pour que l’eau alimente les maraichages et réserver l’eau qui vient du Lac de Guier exclusivement à l’alimentation de Dakar. Donc on aurait atténué le déficit en eau de Dakar. On aurait abaissé en même temps la nappe phréatique. Et une fois l’eau abaissée c’est tellement simple sur la terre sèche d’aménager des canaux, construire et reloger les gens.
Annonces Hebdo: Etes-vous de ceux qui disent que ce programme long termiste du nouveau régime est une solution aux inondations?
Ibrahima Sène: Tant qu’on ne fera pas comme nous l’avons réitéré. Parce que les gens doivent apprendre de l’expérience. Parce qu’on l’a dit on a fait la sourde oreille. On l’a écrit, on fait la sourde oreille. Maintenant les gens se rendent compte qu’on a beau pomper, déguerpir les gens, donné des maisons, dès que la pluie revient, ce sont les inondations. C’est un travail de Sisyphe ; voilà pourquoi nous disons que par rapport aux inondations, de toute façon, il faut véritablement une politique de rupture. Une politique de rupture qui veut dire prendre le mal à sa racine en faisant baisser la nappe phréatique. On y gagne doublement parce que tout d’abord l’eau de la nappe phréatique pompée donnée aux maraîchages diminue le coût de l’eau pour le maraichage. Donc les légumes vont coûter moins chères parce que l’eau va coûter moins chère. Ensuite, on va diminuer le déficit d’eau de Dakar, le déficit en eau potable à Dakar. Il faut bien reconnaître que le choix accès sur les canalisations, les relogements et l’assainissement sont des choix qui sont liés à des intérêts particuliers. Mais il y a des sociétés entreprises d’assainissement et d’aménagement urbains et d’habitat, qui trouvent leur compte là dans. Tant qu’il y a ces problèmes, ils gagneront des marchés et de l’argent. Vous voyez! Donc ils poussent à maintenir cette option. Une option qui coûtera beaucoup de sommes sans régler le problème, mais qui fait leur beurre chaque année.
Annonces Hebdo: Que dites-vous de l’aveu de taille du gouvernement qui a récemment fait comprendre qu’il ne peut rien contre les inondations ?
Ibrahima Sène: Mais non! Ecoute, ils se rendent compte qu’ils ont beau pomper, mais avec une petite pluie, ça revient. Le véritable problème c’est que l’option de faire circuler l’eau par les canaux et déverser dans la mer. Cette option là, encore une fois, n’a pas d’issu. Tant qu’on ne règle pas le niveau de la nappe phréatique, il n’y a pas d’issu. Regardez en Europe, les inondations y sont différentes. Là-bas, ce sont les fleuves gorgés d’eaux qui débordent. Mais ici, il n’y a pas de fleuves qui débordent. C’est le peu de pluie qui tombe qui nous crée des problèmes. C’est ça! En Europe les gens ont fait des digues, ont aménagé pour canaliser les eaux fluviales et protéger les rives des rivières. Il faut que l’eau tombe à des hauteurs exceptionnelles pour qu’elle se déverse sur la rive. C’est clair. Et ça, c’est totalement différent de ce que nous avons. Donc eux, ils ne pourront jamais régler les problèmes des inondations parce que même s’ils construisent des digues, des murs, si la pluie fait gonfler le fleuve, l’eau va se déverser. Mais ici, nous n’avons pas ce même problème. Le problème que nous avons ici, c’est la nappe phréatique.
Annonces Hebdo: On parle de rupture, de bonne gouvernance de gestion saine et vertueuse mais jusqu’à nos jours les Sénégalais sont dubitatifs sur la gestion de l’argent des téléthons des inondations de l’année dernière. Est-ce qu’il n’y a pas de paradoxe en la matière?
Ibrahima Sène: Evidemment, c’est tous les Sénégalais qui se demandent où est ce que l’argent est passé ? C’est au gouvernement de répondre parce que j’ai entendu Mbaye Ndiaye (1er ministre de l’Intérieur de Macky Sall: ndlr) dire qu’il faut demander au ministre des Finances. Le ministre des Finances dit qu’ils n’ont rien à avoir avec la gestion de cet argent. Donc, quoi qu’il en soit, il faut que le gouvernement explique aux Sénégalais où ils ont mis cet argent là. Cela a rendu un peu dubitatif les Sénégalais par rapport à notre option de bonne gouvernance et de transparence qui est réelle. Et il faut que les Sénégalais s’en rendent compte. La dernière preuve en date, c’est les travaux de l’Inspection générale de l’Etat (IGE). Ces travaux étaient toujours confidentiels, à la disposition exclusive du Chef de l’Etat. Macky a décidé de les rendre publics. Il n’y a plus de secret ; celui que l’on contrôle et qui a fait des « conneries », les sénégalais sauront. C’est clair! Non seulement les Sénégalais sauront, mais mieux, Macky a mis en place deux instruments qui permettent non seulement de traquer ceux qui ont détourné, corrompus dans le passé, mais aussi ceux qui, actuellement, sont en exercice. S’ils sont corrompus ou détournent, ils seront aussi traqués. Le premier mécanisme c’est la CREI et le deuxième c’est l’OFNAC. Ils ont même le projet d’aggraver les peines des gestionnaires de deniers publics. Donc, c'est-à-dire, que la volonté d’assainir, la volonté de transparence est bien là. Mais des manquements comme la non reddition des comptes du téléthon de 2012, va poser problème déjà. Il n’y a aucune raison que le gouvernement ne puisse s’expliquer dans ce domaine.
Annonces Hebdo: Est-ce qu’aujourd’hui la coalition «Benno bokk yaakaar» dont vous êtes membre fonctionne correctement à côté du président Macky Sall?
Ibrahima Sène: Quand les gens posent cette question je me pose des problèmes. Vous savez pourquoi? La coalition «Benno bokk yakaar» gouverne avec Macky Sall au gouvernement. Mais est-ce qu’il y a un problème au gouvernement? Mais est ce qu’il y a un problème à l’Assemblée Nationale? Mais c’est ça gouverner ! Nous gouvernons ensemble sans problème. Les concertations se font en conseil des ministres, et quand il y a des choses à voter qui arrivent à l’Assemblée, le groupe parlementaire travaille dessus, il dégage une position commune. Maintenant ce qui manque et qui fait jaser les gens, c’est qu’en dehors des institutions, il n’y a pas de concertations. Il n’y a pas de concertations entre les structures de «Benno bokk yakaar» en dehors des institutions. C’est comme ça qu’il faut poser le problème. Mais il ne faut pas dire qu’il n’y a pas de concertation dans «Benno bokk yakaar». Il y a cohésion, il y a concertation. Il faudrait renforcer cela par un mécanisme de concertation hors institution. C’est comme ça que le PIT voit le problème. Mais ce n’est pas exact de dire qu’il n’y a pas de concertation. Comment? Nos ministres qui sont dans le gouvernement, mais ils nous rendent compte, nous discutons avec eux. Nous discutons aussi avec nos députés. Il y a des positions que nous dégageons au gouvernement et à l’Assemblée nationale. Il y a concertation institutionnelle. Il faut renforcer la concertation institutionnelle par une concertation hors institutionnelle. Les principales composantes de «Benno bokk yakaar» devraient ainsi pouvoir se concerter sur les problèmes en dehors des institutions et soulever les problèmes en direction des institutions. Ce sont les gens qui exagèrent, mais il n’y a aucun problème à mon sens qui puisse alarmer les gens au point de penser que dans «Benno bokk yakaar» là-bas, les gens ne se parlent pas. Sinon le gouvernement n’aurait pas pu marcher. Il n’y aurait pas eu des lois votées à l’Assemblée nationale. Au gouvernement. «Macky 2012» est minoritaire, à l’Assemblée nationale «Macky 2012» n’a pas de majorité. S’il n’y a pas de concertation, le Conseil des Ministres ne fonctionnerait pas, et les députés ne voteraient pas les lois, l’Etat serait bloqué dans son fonctionnement. Il faut quand même que les gens reviennent à la raison.
Annonces Hebdo: Comment appréciez-vous la sortie des responsables de «Macky 2012» qui demandent votre départ du gouvernement?
Ibrahima Sène: «Macky 2012» mène un combat qu’il n’ose pas assumer. Parce qu’ils disent que «Macky 2012» n’est pas présente dans le gouvernement, ce qui n’est pas vrai. «Macky 2012» a 27% des postes du gouvernement. Et même plus, parce qu’avec le départ d’un membre de la coalition de «Benno Siggil Sénégal» qui a rejoint l’APR, «Macky 2012» a un nombre plus important que 27 % dans le gouvernement. La présence de «Macky 2012» dans le gouvernement et à l’Assemblée nationale est représentée par l’APR proprement dite , au détriment des autres composantes de coalition. Et eux, au lieu de dire que c’est ça le problème, et qu’ ils veulent que le quota de « Macky 2012» soit mieux réparti pour que les autres composantes de leur coalition soient présentes dans les institutions. Ils n’osent pas le dire ouvertement. Ils se cachent derrière leur petit doigt pour dire que ce sont les composantes de «Benno bokk yakaar» qui occupent tout à leur détriment, et qu’il faut qu’ils dégagent, pour qu’ils puissent être remplacés. Alors je dis qu’ils sont fous. Parce que si Macky casse la coalition, il faudra en ce moment qu’il casse le gouvernement et qu’il casse la majorité à l’Assemblée nationale. Est ce qu’il va le faire? Il va s’allier avec le PDS pour avoir une majorité. Mais s’il le fait, je dis bien les Sénégalais qui l’ont élu ne l’accepteront pas. Le Sénégal serait ingouvernable. Donc, ces gens là, la manière dont ils abordent leur problème qu’ils n’osent pas assumer, est malsaine. Au lieu de dire à Macky : Ecoutez, nous sommes dans «Macky 2012», elle a un quota, il faut aussi qu’on soit dans le quota. Cependant, il faut d’abord remarquer qu’au début, avec le premier gouvernement, il y avait la présence des autres composantes de «Macky 2012». Mais quand Macky s’est rendu compte que ces gens là sont incompétents, il les a dégagés. Il n’a pas seulement dégagé des gens hors APR dans «Macky 2012», il a même dégagé deux membres importants de l’APR pour incompétence. Donc ça, c’est un problème interne à «Macky 2012» qu’il faut qu’il règle, et non pas polluer l’atmosphère en faisant croire que c’est à cause des autres composantes de «BBY» qu’ils sont marginalisés, qu’ils n’occupent pas les places qu’il faut. Non, on n’a rien à voir là dans. Ils ont un problème, ils n’ont pas eu le courage politique de l’aborder concrètement. Ils polluent l’atmosphère pour rien. Or Mack les a avertis en leur disant solennellement : Laissez mes alliés tranquilles. Tout dernièrement, le président Macky Sall a dit à son parti de travailler en collaboration avec ses alliés. Parce que Macky est lucide. Mais oui, on ne joue pas avec un pouvoir qu’on a.
Annonces Hebdo: L’IGE a remis son rapport de 2008 au chef de l’Etat publiquement. Qu’est ce que cela vous fait?
Ibrahima Sène: J’ai applaudi des deux mains. Le rapport de 2008 n’est vraiment estampillé « confidentiel » ou « secret ». Dans le passé le rapport de l’IGE était ultra secret, seul le président pouvait en user. Et Wade en a usé pour faire chanter les gens. S’il voit que tu as fait des choses, au lieu de transmettre le dossier à la justice, il te fait chanter, et après il fait de toi ce qu’il veut. Mais maintenant, ce n’est plus possible. Tous ceux qui ont été épinglés par l’Inspection générale de l’Etat sont connus. C’est à la place publique. La CREI fera son travail, l’OFNAC fera son travail. Ils ont tous, le pouvoir d‘auto saisine. Ils n’auront pas besoin des instructions du Chef de l’Etat. Et c’est extraordinaire. Je sais vraiment… (il arrête puis continue) vraiment Macky est très bien inspiré d’avoir fait cela.
Annonces Hebdo: Que dites-vous de la modification du code pénal qui est agitée ces temps ci? Pour le camp libéral, c’est Karim Wade qui est visé.
Ibrahima Sène: Les gens se sont mis en tête cela, c’est parce qu’ils sont conscients que Karim Wade a fait quelque chose, qu’il va être condamné. Evidemment il est concerné par cette mesure, mais ceux qui disent que Karim Wade est innocent, ne devraient pas penser qu’il est spécialement visé. Il faut qu’il démontre au tribunal que ce dont il est accusé n’est pas fondé, pour que le droit soit dit.
Annonces Hebdo: Ils craignent que la justice soit instrumentalisée dans cette affaire. Qu’en pensez-vous?
Ibrahima Sène: Attends, attends! La justice a beau être instrumentalisée, mais si tu as de bons avocats, tel que Karim Wade en a, et avec un procès public dont il a droit, il devrait pouvoir se faire justice. Ce n’est pas un procès privé. Dans ces conditions, le procureur a beau recevoir des instructions, le juge dira le droit. Donc l’instrumentalisation politique ne peut se faire qu’à travers le procureur. On a beau instrumentaliser le procureur, comme le procès sera public, les gens ont leurs bons avocats, tout le monde suit. On ne peut pas le condamner véritablement si ce n’est pas fondé. Ce n’est pas possible. Ce qu’on voit souvent, malheureusement, c’est que les gens, au lieu d’avoir de bons avocats pour se défendre, ils politisent les dossiers. Ils essaient de sensibiliser l’opinion pensant qu’en le faisant, ils vont échapper à la condamnation de la justice. C’est perdre son temps. Donc dire ce qui se prépare, c’est contre Karim c’est être convaincu que Karim qu’il a fait quelque chose, et qu’il sera condamné. Mais ce n’est pas seulement Karim qui est concerné par ce projet de loi, mais les ministres en fonction sont aussi concernés au même titre que ceux qui étaient en fonction sous Wade et qui ont des choses à se reprocher. Pour dire que désormais, rien ne sera plus occulté. Le rapport de l’Inspection générale de l’Etat sera public. Ils sont tous concernés, les ministres actuels, les Directeurs généraux, les directeurs qui occupent des postes dans lesquelles les finances publiques ont été dépensées . Ces gens sont tous concernés. Ils devront mettre sur la balance leur ambition politique par rapport à leur éthique de gestion. Maintenant si les libéraux pensent tout cela est fait contre Karim, c’est qu’ils sont convaincus que les carottes sont cuites pour Karim.
Entretien réalisé par
Souleymane SANE