Dans son milieu, on le surnommait «lynx». Il avait la réputation d’être au courant de tout ce qui se passait dans le milieu interlope. Agé de 40 ans à l’époque, il était marié et père de 5 enfants. Il était un dealer connu, mais les forces de répression peinaient toujours à le confondre. Malgré les incessantes descentes de la police et de la gendarmerie chez lui, jamais de la drogue n’avait été trouvée par devers lui. Son secret était jalousement gardé par ses proches. Il s’était attaché les services d’une armada de revendeurs, faisait dans le social en nourrissant nombre de familles démunies avec le fruit de son trafic et s’était trouvé quelques amis haut placés.
Lors d’une de nos incessantes discussions, au détours d’une conversation, entre deux confidences, il m’avait balancé avec un brin de fierté : « j’avais un certain contrôle sur les gens».
Titulaire d’un Baccalauréat, orienté à la Faculté de Droit où il avait fait deux ans, il avait fini par «cartoucher». Diplômé par la suite en commerce et marketing, il avait fini par ranger ses diplômes dans les tiroirs pour se lancer dans le trafic de drogue. Il avait commencé au bas de l’échelon en filant des cornets et autres joints aux lycéens. «Ce petit trafic me faisait de l’argent de poche, mais j’avais toujours eu la folie des grandeurs et une ambition à toute épreuve. Alors j’avais appris les rouages du système, comme un banquier qui voulait finir en haut de l’échelle», disait-il.
Il avait alors commencé à étendre ses tentacules et avait réussi à conquérir des marchés. «J’avais appris à connaître la clientèle. Des lycéens à la recherche de nouvelles expériences, j’étais passé à la clientèle «Vip» à la recherche de substance à sniffer, jusqu’au toxicomane notoire prêt à tout pour avoir sa dose», disait-il sous le ton de la confidence. Il avait fini par arriver au sommet et s’en glorifiait : « j’avais gravi les échelons et j’avais une place avantageuse, qui me rapportait assez pour avoir une vie plus que confortable. J’avais un bon business. La drogue ça rapportait».
Lorsque je lui faisais remarquer pourquoi il ne se rendait pas compte que la drogue tue et que son activité est une infraction, il rétorquait : « oui. A l’époque, je me disais que la drogue pouvait tuer certes, la cigarette et l’alcool aussi. Vendre de la drogue rapportait tout autant, si ce n’était plus que le commerce de tabac ou de whisky. C’est un métier comme un autre». «J’étais un commerçant, tout autant que le boucher ou le libraire. Certaines personnes pouvaient me qualifier de criminel, mais les armuriers qui proposent une large gamme d’armes et qui par leur commerce sont responsables de fusillades et autres violences, ne sont-ils pas eux aussi des criminels ? », se défendait-il avec hargne. Il soutenait que la seule différence était que son commerce est illégal et lui a finalement valu un long séjour carcéral.
Lynx gérait son activité comme l’aurait fait un chef d’entreprise. «Je négociais avec des acheteurs qui voulaient de mon produit, et tout cela répondait à un marché, à un marketing. Il faut savoir mettre son produit en avant, le faire connaître auprès de la clientèle, et imposer les meilleurs prix. Le rapport qualité-prix est aussi très important dans ce domaine, un client mécontent ira directement voir un concurrent. J’ai fait des études en commerce, mon affaire était florissante, mon chiffre d’affaires ne faisait que croître. Je me considérais comme un chef d’entreprise. J’employais même quelques personnes, des vendeurs».
Lorsque je lui faisais remarquer s’il avait conscience qu’il avait fait du tort aux consommateurs et à la communauté, il répondait : «Oui. Mais avant, je pensais que les consommateurs sont libres de leur choix et que ce n’était pas ma faute s’ils finissaient en cure de désintoxication. Quand on mange trop de fast-food, on finit avec un infarctus. Quand on fume trop, on chope un cancer. Quand on se drogue trop, bonjour les convulsions. Quoi qu’on fasse, tout finit mal.».
Personne ne pouvait le convaincre qu’il faisait du mal. Lui-même pensait qu’il fait du bien, car il vendait de la drogue, payait l’électricité des mosquées de son quartier, faisait bouillir la marmite dans nombre de concessions et arrondissait les fins de mois de certains fonctionnaires mal payés. Tout cela, avec les fruits de son trafic. Il pensait qu’il était un ange alors que certains pouvaient le dépeindre comme un démon.
Malheureusement pour lui, il apprendra à ses dépens qu’il n’était pas un chef d’entreprise que dans sa tête, mais bien un dealer, une activité sévèrement réprimée par le Code pénal.
Il lui a fallu un seul moment d’inattention (ou une dénonciation anonyme, il n’a jamais su) pour qu’il soit pris la main dans le sac. Il écopera du maximum de la peine prévue : 10 ans de prison. Le trafic de drogue n’était pas encore criminalisé au Sénégal.
De Rebeuss où il était en détention provisoire, il a fini par être transféré au Camp Pénal de Liberté 6 après sa condamnation. C’est là-bas qu’il a fini de purger sa peine. C’est là-bas qu’il s’est enfin rendu compte qu’il était dans l’erreur et qu’on ne gagne jamais, en faisant du mal.
Il avait fini par payer sa dette à la société, était élargi de prison depuis une dizaine d’années et vivait une vie tranquille, quelque part à Dakar.
Il était un homme repenti et m’appelais à son chevet à chaque fois qu’il avait le moral bas. Son souhait était de se faire pardonner par Dieu après avoir payé sa dette à la société. Et je lui répondais toujours que Dieu est Amour! Dieu est miséricorde ! Que le Seigneur lui pardonne ses manquements et qu'Il l'accueille au Paradis !
Lors d’une de nos incessantes discussions, au détours d’une conversation, entre deux confidences, il m’avait balancé avec un brin de fierté : « j’avais un certain contrôle sur les gens».
Titulaire d’un Baccalauréat, orienté à la Faculté de Droit où il avait fait deux ans, il avait fini par «cartoucher». Diplômé par la suite en commerce et marketing, il avait fini par ranger ses diplômes dans les tiroirs pour se lancer dans le trafic de drogue. Il avait commencé au bas de l’échelon en filant des cornets et autres joints aux lycéens. «Ce petit trafic me faisait de l’argent de poche, mais j’avais toujours eu la folie des grandeurs et une ambition à toute épreuve. Alors j’avais appris les rouages du système, comme un banquier qui voulait finir en haut de l’échelle», disait-il.
Il avait alors commencé à étendre ses tentacules et avait réussi à conquérir des marchés. «J’avais appris à connaître la clientèle. Des lycéens à la recherche de nouvelles expériences, j’étais passé à la clientèle «Vip» à la recherche de substance à sniffer, jusqu’au toxicomane notoire prêt à tout pour avoir sa dose», disait-il sous le ton de la confidence. Il avait fini par arriver au sommet et s’en glorifiait : « j’avais gravi les échelons et j’avais une place avantageuse, qui me rapportait assez pour avoir une vie plus que confortable. J’avais un bon business. La drogue ça rapportait».
Lorsque je lui faisais remarquer pourquoi il ne se rendait pas compte que la drogue tue et que son activité est une infraction, il rétorquait : « oui. A l’époque, je me disais que la drogue pouvait tuer certes, la cigarette et l’alcool aussi. Vendre de la drogue rapportait tout autant, si ce n’était plus que le commerce de tabac ou de whisky. C’est un métier comme un autre». «J’étais un commerçant, tout autant que le boucher ou le libraire. Certaines personnes pouvaient me qualifier de criminel, mais les armuriers qui proposent une large gamme d’armes et qui par leur commerce sont responsables de fusillades et autres violences, ne sont-ils pas eux aussi des criminels ? », se défendait-il avec hargne. Il soutenait que la seule différence était que son commerce est illégal et lui a finalement valu un long séjour carcéral.
Lynx gérait son activité comme l’aurait fait un chef d’entreprise. «Je négociais avec des acheteurs qui voulaient de mon produit, et tout cela répondait à un marché, à un marketing. Il faut savoir mettre son produit en avant, le faire connaître auprès de la clientèle, et imposer les meilleurs prix. Le rapport qualité-prix est aussi très important dans ce domaine, un client mécontent ira directement voir un concurrent. J’ai fait des études en commerce, mon affaire était florissante, mon chiffre d’affaires ne faisait que croître. Je me considérais comme un chef d’entreprise. J’employais même quelques personnes, des vendeurs».
Lorsque je lui faisais remarquer s’il avait conscience qu’il avait fait du tort aux consommateurs et à la communauté, il répondait : «Oui. Mais avant, je pensais que les consommateurs sont libres de leur choix et que ce n’était pas ma faute s’ils finissaient en cure de désintoxication. Quand on mange trop de fast-food, on finit avec un infarctus. Quand on fume trop, on chope un cancer. Quand on se drogue trop, bonjour les convulsions. Quoi qu’on fasse, tout finit mal.».
Personne ne pouvait le convaincre qu’il faisait du mal. Lui-même pensait qu’il fait du bien, car il vendait de la drogue, payait l’électricité des mosquées de son quartier, faisait bouillir la marmite dans nombre de concessions et arrondissait les fins de mois de certains fonctionnaires mal payés. Tout cela, avec les fruits de son trafic. Il pensait qu’il était un ange alors que certains pouvaient le dépeindre comme un démon.
Malheureusement pour lui, il apprendra à ses dépens qu’il n’était pas un chef d’entreprise que dans sa tête, mais bien un dealer, une activité sévèrement réprimée par le Code pénal.
Il lui a fallu un seul moment d’inattention (ou une dénonciation anonyme, il n’a jamais su) pour qu’il soit pris la main dans le sac. Il écopera du maximum de la peine prévue : 10 ans de prison. Le trafic de drogue n’était pas encore criminalisé au Sénégal.
De Rebeuss où il était en détention provisoire, il a fini par être transféré au Camp Pénal de Liberté 6 après sa condamnation. C’est là-bas qu’il a fini de purger sa peine. C’est là-bas qu’il s’est enfin rendu compte qu’il était dans l’erreur et qu’on ne gagne jamais, en faisant du mal.
Il avait fini par payer sa dette à la société, était élargi de prison depuis une dizaine d’années et vivait une vie tranquille, quelque part à Dakar.
Il était un homme repenti et m’appelais à son chevet à chaque fois qu’il avait le moral bas. Son souhait était de se faire pardonner par Dieu après avoir payé sa dette à la société. Et je lui répondais toujours que Dieu est Amour! Dieu est miséricorde ! Que le Seigneur lui pardonne ses manquements et qu'Il l'accueille au Paradis !