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Il m’agace, elle m’énerve, est-ce grave ?

Rédigé par leral.net le Vendredi 3 Mars 2017 à 20:25 | | 0 commentaire(s)|

Une broutille, un reproche, et le ton monte… Tous les couples connaissent ces petits agacements quotidiens. Peuvent-ils mettre la relation en danger ? « Non, assure le sociologue Jean-Claude Kaufmann. A condition de savoir les gérer, ils sont même un signe de bonne santé. » Entretien.


Dans le couple, il y a des moments où l’on assassinerait volontiers son partenaire…pour des broutilles qui nous rendent chèvre. Il ne ferme jamais la porte du placard de la chambre ; elle égare toujours les papiers dont on a besoin ; il achète systématiquement la lessive en baril alors qu’on la veut en paquet ; elle jette les journaux avant même qu’ils n’aient été lus… La liste est interminable et surréaliste. Comment de si petites causes (en apparence) peuvent-elles produire de tels cris, ou des silences si tendus qu’ils pèsent une tonne ? Que l’on se rassure : c’est normal ! Ces petits grains de sable sont même constitutifs du couple et signent sa bonne santé. A condition, tout de même, de savoir un peu les gérer. Le sociologue de l’intime Jean-Claude Kaufmann a enquêté sur ces rages miniatures. Elles en disent long sur l’art et la difficulté de vivre à deux.

Psychologies : A vous lire, dès que deux partenaires se mettent à vivre en couple, les agacements mutuels apparaissent.

Jean-Claude Kaufmann : Même la lune de miel n’y échappe pas ! Mais au début, les agacements sont plus faiblement ressentis parce qu’ils sont niés et que chacun travaille à les refouler. Dans l’entrée en couple, il faut aller vers l’autre, vers son univers, et vers celui que l’on va construire en commun. Si l’on se crispe, c’est impossible. Il faut accepter de se mettre en mouvement. Les deux partenaires se testent et évaluent ce à quoi ils peuvent renoncer et ce qu’ils peuvent accepter chez l’autre. Les agacements mutuels sont tout simplement l’indice que le processus d’unification s’est mis en branle. Plus la relation est intime et confine au fusionnel, plus les risques d’irritation se manifestent. Jusqu’à ce que les repères communs se mettent en place. Les émotions négatives n’éclatent plus alors qu’à l’occasion de dysfonctionnements persistants.

Ces agacements tournent beaucoup autour des objets, de leur place dans la maison, mais aussi des manières de l’autre, de son rapport au temps… Au fond, il s’agit des habitudes de chacun.

La plupart de nos gestes quotidiens sont des automatismes – inconscients donc. Enregistrés dans notre mémoire implicite, ils résultent de notre histoire personnelle. De fait, chacun a la sienne et chacun a ses propres automatismes. Sur l’organisation, le rangement, etc., il n’y a pas deux personnes qui agissent de la même manière. Lui repassera ses chemises sur la table de cuisine en commençant par les manches, elle utilisera la planche à repasser et débutera par le dos. La conséquence ? Un agacement mutuel. Vivre en couple, c’est le choc des microcultures de chacun. Or, le couple est une machine à produire une culture commune. L’agacement surgit donc au moment où l’autre révèle ses différences.

Dans votre enquête, les femmes semblent s’agacer plus facilement. Les hommes seraient-ils plus tolérants ?

Je dirais plutôt que les hommes expriment moins leur agacement. De manière générale, les hommes s’expriment moins sur les questions relationnelles et intimes. En réalité, quand eux-mêmes sont agacés, leur technique majeure, c’est l’esquive – ce qui, d’ailleurs, agace les femmes !Essayer de faire comme si de rien n’était, attendre que ça passe : c’est la grande stratégie masculine. Un des hommes qui a répondu à mon enquête dit de sa compagne : « Elle m’agace, mais surtout, elle me fatigue. »Le mot est différent et le ressenti aussi. Il y a un jeu de rôle qui s’installe alors dans le couple : les femmes, en première ligne, sont extrêmement impliquées, elles se battent pour le couple, la famille. Derrière, l’homme n’est jamais à la hauteur, souvent assimilé à un enfant, d’ailleurs.

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psychologies