Je me suis réveillé ce matin, triste. Empli d’une lourdeur qui m’était jusque là, inconnue. Je me posais des questions : serais-je malade ? Ou bien est-ce le stress d’une longue journée de travail ponctuée de réunions qui m’attendait ? Je ne comprenais pas.
Je décidai alors de prendre une bonne douche, de porter mon plus beau costard, de mettre mes écouteurs, de marcher, jusqu’au bureau, la tête au vent et le cour bercé par les notes revigorantes d’un Youssou Ndour au meilleur de sa forme.
Je me disais que ma cure était imparable. Que mon état qui, à bien des égards, me rappelait ce spleen de Baudelaire allait passer. Oui, marcher le matin, la bonne musique collée aux oreilles, l’air frais du matin et les jambes dégourdies, ne me feraient qu’un grand bien.
Hélas !
Mon mal était plus profond. De la mélancolie tout au fond de moi !
Je croisais une vieille dame, qui souvent me demandait l’aumône… que je lui refusais. Cette fois-ci, je ne pus. Je tâtais furtivement mes poches, ne trouvais que deux pièces : une de 25 et une autre de 500. Et me disais que l’un était trop peu et l’autre…trop importante. Je me surpris à me voir si apte à raisonner, en ce jour, pourtant, sans.
Une visite plus fouillée, et les 200 francs du consensus furent trouvés. Et donnés. Je me disais que l’aumône attendrirait ma peine. Peine perdue.
Je ne marchai plus ; j’errai.
Je ne pensai plus ; je me perdais dans mes pensées. Sans comprendre le pourquoi du comment de cet état ; de mon état.
Quelques pas de plus, et la devanture d’un marchand de journaux. Mon regard se fixe et mon corps suit. Figés tous les deux par ce titre Verlaino-Baudelairien qu’on choisi mes amis du quotidien L’Observateur : « il pleure sur Sangalkam ». Subitement, le sang, dans mes veines coula plus fort. Mon cœur s’accéléra et les larmes envahirent mon visage. Je me mettais à pleurer, dans la rue. Comme un fou, comme un con. Tout mon corps en sanglots. Je me cachai quelque part, changeais de lunettes pour mettre celles de soleil pour mieux contenir mes larmes, maîtriser les spasmes de mon corps et tenter de marcher. Dignement. Jusqu’ à mon bureau. Là, enfermé, je me lâchai.
Je compris que mon mal avait à voir avec le mal de toute une ville. Il pleure sur Sangalkam ; il pleure dans mon cœur.
Maître, quand vous, opposant, c’était des policiers qui mouraient. Les événements des années 90 en disent long. Et vous nous aviez promis qu’aucune grenade ne serait lancée contre des manifestants. Vous, au pouvoir, c’est des balles sensées être républicaines qui tuent. Qui tuent de pauvres jeunes innocents. Coupables d’une seule chose : de croire encore à la république. De croire à la force de leur conviction. De croire que le fait d’élever la voix, de manifester, de parler et d’agiter des brassards rouges aideraient à se faire entendre.
Maître, je vous ai tant aimé. Ma dureté n’était que de façade. Sans doute un dépit amoureux d’un jeune qui en vous croyait. Qui croit en son pays. Et qui voit que vous nous avez trahis.
Hier, l’adolescent de 17 ans que j’étais vous dédiait un poème. Dans lequel je vous nommait : « le Pèlerin ». Vous conférant des vertus quasi-messianiques. Aujourd’hui, le chroniqueur que je suis passe son temps à fixer par l’ancre les turpitudes de votre pouvoir.
Ce matin, je déchire mon poème à vous, il y a 19 ans, dédié.
Il pleure sur Sangalkam ; il pleure dans mon cœur. Il pleure, partout, partout où le sang bleu ne coule pas. Il pleure des cordes. Et vous, vous ne sentez rien. Qui êtes vous vraiment, maître ? Dites, qui êtes vous pour paraître, à tant de drames, insensible ?
Je sais. Et les enfants qui suivent les dessins animés savent. Souvent ils crient, ont peur et se cachent les yeux en voyant certains personnages dans leurs films. Heureusement pour eux, les enfants. Ils ne savent pas que ça ne se voient pas que dans les films.
Les enfants de Malick Ba donneront facilement un visage à l’horreur.
Il pleure dans leurs cœurs…
Mamadou Thiam
mamadouthiam@hotmail.com
Je décidai alors de prendre une bonne douche, de porter mon plus beau costard, de mettre mes écouteurs, de marcher, jusqu’au bureau, la tête au vent et le cour bercé par les notes revigorantes d’un Youssou Ndour au meilleur de sa forme.
Je me disais que ma cure était imparable. Que mon état qui, à bien des égards, me rappelait ce spleen de Baudelaire allait passer. Oui, marcher le matin, la bonne musique collée aux oreilles, l’air frais du matin et les jambes dégourdies, ne me feraient qu’un grand bien.
Hélas !
Mon mal était plus profond. De la mélancolie tout au fond de moi !
Je croisais une vieille dame, qui souvent me demandait l’aumône… que je lui refusais. Cette fois-ci, je ne pus. Je tâtais furtivement mes poches, ne trouvais que deux pièces : une de 25 et une autre de 500. Et me disais que l’un était trop peu et l’autre…trop importante. Je me surpris à me voir si apte à raisonner, en ce jour, pourtant, sans.
Une visite plus fouillée, et les 200 francs du consensus furent trouvés. Et donnés. Je me disais que l’aumône attendrirait ma peine. Peine perdue.
Je ne marchai plus ; j’errai.
Je ne pensai plus ; je me perdais dans mes pensées. Sans comprendre le pourquoi du comment de cet état ; de mon état.
Quelques pas de plus, et la devanture d’un marchand de journaux. Mon regard se fixe et mon corps suit. Figés tous les deux par ce titre Verlaino-Baudelairien qu’on choisi mes amis du quotidien L’Observateur : « il pleure sur Sangalkam ». Subitement, le sang, dans mes veines coula plus fort. Mon cœur s’accéléra et les larmes envahirent mon visage. Je me mettais à pleurer, dans la rue. Comme un fou, comme un con. Tout mon corps en sanglots. Je me cachai quelque part, changeais de lunettes pour mettre celles de soleil pour mieux contenir mes larmes, maîtriser les spasmes de mon corps et tenter de marcher. Dignement. Jusqu’ à mon bureau. Là, enfermé, je me lâchai.
Je compris que mon mal avait à voir avec le mal de toute une ville. Il pleure sur Sangalkam ; il pleure dans mon cœur.
Maître, quand vous, opposant, c’était des policiers qui mouraient. Les événements des années 90 en disent long. Et vous nous aviez promis qu’aucune grenade ne serait lancée contre des manifestants. Vous, au pouvoir, c’est des balles sensées être républicaines qui tuent. Qui tuent de pauvres jeunes innocents. Coupables d’une seule chose : de croire encore à la république. De croire à la force de leur conviction. De croire que le fait d’élever la voix, de manifester, de parler et d’agiter des brassards rouges aideraient à se faire entendre.
Maître, je vous ai tant aimé. Ma dureté n’était que de façade. Sans doute un dépit amoureux d’un jeune qui en vous croyait. Qui croit en son pays. Et qui voit que vous nous avez trahis.
Hier, l’adolescent de 17 ans que j’étais vous dédiait un poème. Dans lequel je vous nommait : « le Pèlerin ». Vous conférant des vertus quasi-messianiques. Aujourd’hui, le chroniqueur que je suis passe son temps à fixer par l’ancre les turpitudes de votre pouvoir.
Ce matin, je déchire mon poème à vous, il y a 19 ans, dédié.
Il pleure sur Sangalkam ; il pleure dans mon cœur. Il pleure, partout, partout où le sang bleu ne coule pas. Il pleure des cordes. Et vous, vous ne sentez rien. Qui êtes vous vraiment, maître ? Dites, qui êtes vous pour paraître, à tant de drames, insensible ?
Je sais. Et les enfants qui suivent les dessins animés savent. Souvent ils crient, ont peur et se cachent les yeux en voyant certains personnages dans leurs films. Heureusement pour eux, les enfants. Ils ne savent pas que ça ne se voient pas que dans les films.
Les enfants de Malick Ba donneront facilement un visage à l’horreur.
Il pleure dans leurs cœurs…
Mamadou Thiam
mamadouthiam@hotmail.com