Un quart d'heure avant d'entrer dans la gare de Kazan, les trains de grandes lignes ralentissent sans s'arrêter à la station Staroe Araktchino, comme pour laisser aux passagers le temps de comprendre ce qu'ils voient défiler derrière la vitre. À quelques mètres, coincé entre le chemin de fer et l'autoroute qui longe la Volga, s'élève un édifice de briques rousses et blanches, aux couleurs vives, coiffé de clochers, bulbes et dômes bariolés. Une église orthodoxe fantaisiste d'inspiration orientale, au premier regard. Sauf que dans le ciel bleu intense ne se découpent pas seulement les traditionnelles croix, mais aussi des croissants de lune et des étoiles de David... Ce que le voyageur engourdi par un long périple et par la chaleur immobile de l'été n'a que le temps d'entrevoir, c'est le «Temple universel», élevé sur les rives de la Volga par une poignée d'enthousiastes, sous l'égide d'un homme aussi étrange que charismatique. Ildar Khanov parle d'une voix douce et berçante, en assouplissant tellement les dernières syllabes qu'on les entend à peine. Regard malicieux, sourire espiègle, et une forme d'athlète, malgré ses 73 ans. Il est né ici, à l'endroit même où il construit son temple. Dans les années 1960, il a été diplômé d'une école d'art de Moscou, l'Institut Sourikov, puis est rentré au Tatarstan pour travailler.
La ville de Naberejnye Tchelny, à 225 kilomètres de Kazan, en plein essor industriel à partir de 1976, fut le premier terrain de jeu du jeune peintre-sculpteur monumentaliste. Elle porte toujours sa griffe: le centre-ville est parsemé d'immenses sculptures et fontaines mêlant la dynamique anguleuse de l'avant-gardisme du XXe siècle aux formes coulantes et rondes de l'art traditionnel tatar. «J'ai élevé des statues et des fontaines, dessiné des quartiers, tout seul ou en binôme avec mon frère», raconte Ildar. Mais avec la perestroïka, puis la chute de l'URSS, les commandes d'État se raréfient jusqu'à s'épuiser totalement. Khanov trouve alors un autre exutoire à sa folie des grandeurs et sa créativité débordante, un moyen d'utiliser tous ses savoir-faire et de satisfaire toutes ses aspirations d'architecte, de sculpteur, de peintre. En 1994, il se lance dans la construction d'un «Temple de toutes les religions». «Une nuit, le Christ m'est apparu, il m'a dit: “Tu te lèveras à l'aube, tu prendras une pelle dans la remise, et tu te mettras à construire un temple universel”», se souvient-il. «L'idée n'est pas de fondre en une toutes les religions, qui ont chacune une histoire et une nécessité culturelle propre. Mon but est de les rassembler, de leur donner un lieu de rencontre et de communication. Ce n'est pas un lieu de culte, mais de culture», prévient-il.
La ville de Naberejnye Tchelny, à 225 kilomètres de Kazan, en plein essor industriel à partir de 1976, fut le premier terrain de jeu du jeune peintre-sculpteur monumentaliste. Elle porte toujours sa griffe: le centre-ville est parsemé d'immenses sculptures et fontaines mêlant la dynamique anguleuse de l'avant-gardisme du XXe siècle aux formes coulantes et rondes de l'art traditionnel tatar. «J'ai élevé des statues et des fontaines, dessiné des quartiers, tout seul ou en binôme avec mon frère», raconte Ildar. Mais avec la perestroïka, puis la chute de l'URSS, les commandes d'État se raréfient jusqu'à s'épuiser totalement. Khanov trouve alors un autre exutoire à sa folie des grandeurs et sa créativité débordante, un moyen d'utiliser tous ses savoir-faire et de satisfaire toutes ses aspirations d'architecte, de sculpteur, de peintre. En 1994, il se lance dans la construction d'un «Temple de toutes les religions». «Une nuit, le Christ m'est apparu, il m'a dit: “Tu te lèveras à l'aube, tu prendras une pelle dans la remise, et tu te mettras à construire un temple universel”», se souvient-il. «L'idée n'est pas de fondre en une toutes les religions, qui ont chacune une histoire et une nécessité culturelle propre. Mon but est de les rassembler, de leur donner un lieu de rencontre et de communication. Ce n'est pas un lieu de culte, mais de culture», prévient-il.
À 73 ans, Ildar tient une forme olympique. Il est néanmoins secondé par des volontaires, souvent devenus des amis. Une aide indispensable pour mener son monumental projet.
Pas d'autel, pas de minaret, aucune odeur d'encens, ni son de prière. «Je voudrais créer un centre oecuménique d'histoire et de spiritualité. Une école d'art pour les enfants, un orphelinat, un centre de désintoxication, un musée d'art pictural. Nous avons déjà un théâtre actif, nous allons essayer de monter Shakespeare en sept langues cette année», récite Ildar, comme un mantra, en sautillant adroitement d'un bout de mur inachevé, sur un tas de briques, à une échelle artisanale posée sur des poutres d'acier qui soutiendront bientôt le sol d'un deuxième étage... «Nous n'en sommes qu'au début, ce ne sont que les prémices du projet.» C'est-à-dire plusieurs centaines de mètres carrés d'un édifice à l'architecture erratique («Je ne dessine pas de plans, je suis mon inspiration»), éternel chantier où les pièces achevées servent d'entrepôts de matériaux pour celles à venir. Ildar avance entre des dalles de béton, dans l'herbe haute, sur un terrain vague déjà enclos entre des murs qu'il a élevés: ici il y aura deux édifices, un orthodoxe et un juif. Le musulman est déjà construit. «Je devrais avoir des problèmes avec les autorités, car tous ces terrains ne m'appartiennent pas, mais ils voient bien que je ne fais pas ça pour moi.» Il a colonisé les parcelles voisines en grignotant autour de son lopin de terre à lui, nombril de la cité à venir. Six cents mètres carrés de jardin sur lesquels s'élevait jadis l'isba construite par son père, à la place du gourbi dans lequel la famille Khanov a vécu pendant la Seconde Guerre mondiale.
Il voit les gens en transparence et possède des dons de voyance
C'est dans cette tranchée que les deux frères d'Ildar sont morts de faim, en l'an terrible 1943. Lui-même, âgé de 3 ans, assure avoir alors expérimenté la mort clinique. «Je suis mort, et c'est alors que j'ai rencontré le Christ. Je me suis réveillé au moment où les vieilles du village étaient sur le point de commencer les procédures funéraires.» Depuis, Ildar voit les gens en transparence et possède des dons de voyance. Et se passionne pour la médecine alternative. Aujourd'hui, il pratique l'acupuncture, la médecine chinoise, la méditation. Il soigne les gens avec ses mains et avec des objets de sa fabrication. Dans une petite pièce exiguë et étouffante, encombrée d'attributs religieux de pacotille et de cartes postales décolorées, coupée par des cloisons de fortune, une dizaine de patients attendent, qui juché sur un masseur pour pieds vétuste, qui couché sur un lit. À tour de rôle, des hommes et des femmes de tous âges, certains très bien habillés, d'autres pauvrement vêtus, passent entre les mains du maître.
Pas d'autel, pas de minaret, aucune odeur d'encens, ni son de prière. «Je voudrais créer un centre oecuménique d'histoire et de spiritualité. Une école d'art pour les enfants, un orphelinat, un centre de désintoxication, un musée d'art pictural. Nous avons déjà un théâtre actif, nous allons essayer de monter Shakespeare en sept langues cette année», récite Ildar, comme un mantra, en sautillant adroitement d'un bout de mur inachevé, sur un tas de briques, à une échelle artisanale posée sur des poutres d'acier qui soutiendront bientôt le sol d'un deuxième étage... «Nous n'en sommes qu'au début, ce ne sont que les prémices du projet.» C'est-à-dire plusieurs centaines de mètres carrés d'un édifice à l'architecture erratique («Je ne dessine pas de plans, je suis mon inspiration»), éternel chantier où les pièces achevées servent d'entrepôts de matériaux pour celles à venir. Ildar avance entre des dalles de béton, dans l'herbe haute, sur un terrain vague déjà enclos entre des murs qu'il a élevés: ici il y aura deux édifices, un orthodoxe et un juif. Le musulman est déjà construit. «Je devrais avoir des problèmes avec les autorités, car tous ces terrains ne m'appartiennent pas, mais ils voient bien que je ne fais pas ça pour moi.» Il a colonisé les parcelles voisines en grignotant autour de son lopin de terre à lui, nombril de la cité à venir. Six cents mètres carrés de jardin sur lesquels s'élevait jadis l'isba construite par son père, à la place du gourbi dans lequel la famille Khanov a vécu pendant la Seconde Guerre mondiale.
Il voit les gens en transparence et possède des dons de voyance
C'est dans cette tranchée que les deux frères d'Ildar sont morts de faim, en l'an terrible 1943. Lui-même, âgé de 3 ans, assure avoir alors expérimenté la mort clinique. «Je suis mort, et c'est alors que j'ai rencontré le Christ. Je me suis réveillé au moment où les vieilles du village étaient sur le point de commencer les procédures funéraires.» Depuis, Ildar voit les gens en transparence et possède des dons de voyance. Et se passionne pour la médecine alternative. Aujourd'hui, il pratique l'acupuncture, la médecine chinoise, la méditation. Il soigne les gens avec ses mains et avec des objets de sa fabrication. Dans une petite pièce exiguë et étouffante, encombrée d'attributs religieux de pacotille et de cartes postales décolorées, coupée par des cloisons de fortune, une dizaine de patients attendent, qui juché sur un masseur pour pieds vétuste, qui couché sur un lit. À tour de rôle, des hommes et des femmes de tous âges, certains très bien habillés, d'autres pauvrement vêtus, passent entre les mains du maître.
Ildar se passionne pour la médecine alternative. Les visites ne coûtent que ce qu'on veut bien lui laisser.
Il assure recevoir jusqu'à 300 patients par jour. La salle d'attente, un vaste vestibule dans lequel on pénètre depuis la rue, est pleine de monde toute la journée, de midi à 20 heures. «C'est du bouche-à-oreille. On se passe le mot. D'abord, on vient par curiosité. Et on ne perd rien à essayer. Il ne fait rien de dangereux», explique Larissa. Elle fait souvent le voyage de sa ville de résidence, Tcheboksary, à 160 kilomètres de là. S'il ne l'a pas guérie de ses rhumatismes, Ildar ne les a pas aggravés, et c'est déjà une bonne raison de lui faire confiance. Cette fois, Larissa est venue en famille, avec sa fille et le mari américain de cette dernière. Bruce, un jeune entrepreneur de Philadelphie, s'est soumis avec obéissance au rituel médicinal. Une heure plus tard, il sort hirsute, hilare, le rouge aux joues: «Ça vaut le coup d'essayer! Au pire, il ne se passe rien ; au mieux, Ildar te guérit d'avance de toutes les maladies que tu n'as pas encore. Et tant de gens y croient tellement qu'il doit bien y avoir un truc», rigole le jeune homme.
Peindre, méditer, soigner et construire
La procédure est toujours la même, quel que soit le mal dont se plaint le malade: un massage intégral musclé à l'aide d'une ponceuse électrique où la toile cirée a remplacé le papier de verre, quelques baffes bien visées, un appareil indéfinissable à extrémité incandescente, entre le pistolet électrique et le laser, qu'Ildar enfonce soit dans les oreilles, soit dans la gorge, soit dans les cheveux - c'est selon. Le tout en quatre minutes trente-deux. Ébouriffé et assommé, le patient cède sa place au suivant, et, avant de sortir en titubant de la pièce, glisse quelques billets dans une boîte en carton, en guise de donation. «J'ai l'impression d'aller mieux, mais je n'en sais fichtre rien», avoue Galina, une femme replète d'une soixantaine d'années, en robe à fleurs. Elle a des problèmes de tension, elle a mal aux jambes, elle fait des insomnies. Les prescriptions classiques n'y font rien. La porte d'Ildar est toujours ouverte, et les visites ne coûtent que ce que chacun veut bien lui laisser. «Je pense surtout que c'est l'envie d'aller mieux et le contact avec cet homme si bon et si lumineux qui nous aident», conclut Galina, qui veut montrer qu'elle n'est pas vraiment dupe des méthodes bizarres de son guérisseur.
Il assure recevoir jusqu'à 300 patients par jour. La salle d'attente, un vaste vestibule dans lequel on pénètre depuis la rue, est pleine de monde toute la journée, de midi à 20 heures. «C'est du bouche-à-oreille. On se passe le mot. D'abord, on vient par curiosité. Et on ne perd rien à essayer. Il ne fait rien de dangereux», explique Larissa. Elle fait souvent le voyage de sa ville de résidence, Tcheboksary, à 160 kilomètres de là. S'il ne l'a pas guérie de ses rhumatismes, Ildar ne les a pas aggravés, et c'est déjà une bonne raison de lui faire confiance. Cette fois, Larissa est venue en famille, avec sa fille et le mari américain de cette dernière. Bruce, un jeune entrepreneur de Philadelphie, s'est soumis avec obéissance au rituel médicinal. Une heure plus tard, il sort hirsute, hilare, le rouge aux joues: «Ça vaut le coup d'essayer! Au pire, il ne se passe rien ; au mieux, Ildar te guérit d'avance de toutes les maladies que tu n'as pas encore. Et tant de gens y croient tellement qu'il doit bien y avoir un truc», rigole le jeune homme.
Peindre, méditer, soigner et construire
La procédure est toujours la même, quel que soit le mal dont se plaint le malade: un massage intégral musclé à l'aide d'une ponceuse électrique où la toile cirée a remplacé le papier de verre, quelques baffes bien visées, un appareil indéfinissable à extrémité incandescente, entre le pistolet électrique et le laser, qu'Ildar enfonce soit dans les oreilles, soit dans la gorge, soit dans les cheveux - c'est selon. Le tout en quatre minutes trente-deux. Ébouriffé et assommé, le patient cède sa place au suivant, et, avant de sortir en titubant de la pièce, glisse quelques billets dans une boîte en carton, en guise de donation. «J'ai l'impression d'aller mieux, mais je n'en sais fichtre rien», avoue Galina, une femme replète d'une soixantaine d'années, en robe à fleurs. Elle a des problèmes de tension, elle a mal aux jambes, elle fait des insomnies. Les prescriptions classiques n'y font rien. La porte d'Ildar est toujours ouverte, et les visites ne coûtent que ce que chacun veut bien lui laisser. «Je pense surtout que c'est l'envie d'aller mieux et le contact avec cet homme si bon et si lumineux qui nous aident», conclut Galina, qui veut montrer qu'elle n'est pas vraiment dupe des méthodes bizarres de son guérisseur.
Après avoir érudié dans une prestigieuse école d'art de Moscou, Ildar fut membre de l'Union des peintres d'URSS. Dans son oeuvre protéiforme, il cherche à traduire «la complexité philosophique et spirituelle du monde».
Les journées d'Ildar se suivent et se ressemblent, entre maçonnerie et consultations. Il peint la nuit et médite au petit matin. Les premiers patients arrivent à midi. Avant, il faut faire le tour du chantier, saluer chacun des ouvriers qui triment depuis l'aube. Vérifier le bon alignement des briques sur la tour nord-ouest. Assigner des tâches aux volontaires. Lancer sa nièce qui exécute, sous son patronage, des mosaïques rudimentaires, mais vives et gaies, tantôt pour décorer la future mosquée, tantôt pour compléter la galerie de portraits de saints chrétiens qui orne le mur nord, celui qui longe la voie ferrée. Toutes les dix minutes, un train passe dans un boucan de métal et de sirène. Mais les habitants du Temple universel ne l'entendent plus. Youri s'avance avec une brouette remplie de béton frais. Il y a six ans, désespéré, rongé par l'alcool, il est arrivé ici et s'est remis entre les mains accueillantes et thaumaturges d'Ildar. «Il m'a sauvé: par sa foi et par le travail», raconte le Tatar en plissant ses yeux clairs dans le soleil du matin. Il a une tête de sage oriental. Ou de guerrier. C'est une grande et bonne oeuvre que de construire un lieu où tout le monde peut se retrouver. Nous avons tous le même dieu, n'est-ce pas?» Youri vit à Kazan, il a retrouvé un travail. Mais tous les week-ends, et pendant ses congés, il vient ici, à Staroe Araktchino, et participe au projet de son ami Ildar.
Parmi ses projets, le plus grand mémorial de la Shoah
«Ce que vous avez visité ici, ce ne sont que trois pour cent de mon plan final», explique Khanov en s'avançant vers une maquette de un mètre sur trois fabriquée par lui il y a vingt ans et qui, à en croire l'échelle, recouvre une zone d'au moins trois kilomètres le long de la Volga. Ildar le visionnaire rêve de construire, autour de son temple, une ville nouvelle, avec un centre de réhabilitation pour les toxicomanes, un orphelinat, des écoles, des théâtres, un opéra, une station d'épuration des eaux, des galeries d'art, un conservatoire, un centre de recherche en philosophie moderne, le plus grand mémorial au monde de la Shoah... Il en est convaincu: c'est un projet universel et intemporel, qui ne s'arrêtera pas avec lui, mais sera continué par les générations futures. Et pour que les dieux - tous - lui soient cléments, il voudrait commencer par ériger un Bouddha de 20 mètres de haut dont le crâne serait muni d'un phare pour projeter, dans les nuages, des hologrammes du Christ, de Mahomet, de Bouddha, d'autres divinités... Histoire de rappeler à tous que les cieux sont habités.
Par veronika colosimo
Les journées d'Ildar se suivent et se ressemblent, entre maçonnerie et consultations. Il peint la nuit et médite au petit matin. Les premiers patients arrivent à midi. Avant, il faut faire le tour du chantier, saluer chacun des ouvriers qui triment depuis l'aube. Vérifier le bon alignement des briques sur la tour nord-ouest. Assigner des tâches aux volontaires. Lancer sa nièce qui exécute, sous son patronage, des mosaïques rudimentaires, mais vives et gaies, tantôt pour décorer la future mosquée, tantôt pour compléter la galerie de portraits de saints chrétiens qui orne le mur nord, celui qui longe la voie ferrée. Toutes les dix minutes, un train passe dans un boucan de métal et de sirène. Mais les habitants du Temple universel ne l'entendent plus. Youri s'avance avec une brouette remplie de béton frais. Il y a six ans, désespéré, rongé par l'alcool, il est arrivé ici et s'est remis entre les mains accueillantes et thaumaturges d'Ildar. «Il m'a sauvé: par sa foi et par le travail», raconte le Tatar en plissant ses yeux clairs dans le soleil du matin. Il a une tête de sage oriental. Ou de guerrier. C'est une grande et bonne oeuvre que de construire un lieu où tout le monde peut se retrouver. Nous avons tous le même dieu, n'est-ce pas?» Youri vit à Kazan, il a retrouvé un travail. Mais tous les week-ends, et pendant ses congés, il vient ici, à Staroe Araktchino, et participe au projet de son ami Ildar.
Parmi ses projets, le plus grand mémorial de la Shoah
«Ce que vous avez visité ici, ce ne sont que trois pour cent de mon plan final», explique Khanov en s'avançant vers une maquette de un mètre sur trois fabriquée par lui il y a vingt ans et qui, à en croire l'échelle, recouvre une zone d'au moins trois kilomètres le long de la Volga. Ildar le visionnaire rêve de construire, autour de son temple, une ville nouvelle, avec un centre de réhabilitation pour les toxicomanes, un orphelinat, des écoles, des théâtres, un opéra, une station d'épuration des eaux, des galeries d'art, un conservatoire, un centre de recherche en philosophie moderne, le plus grand mémorial au monde de la Shoah... Il en est convaincu: c'est un projet universel et intemporel, qui ne s'arrêtera pas avec lui, mais sera continué par les générations futures. Et pour que les dieux - tous - lui soient cléments, il voudrait commencer par ériger un Bouddha de 20 mètres de haut dont le crâne serait muni d'un phare pour projeter, dans les nuages, des hologrammes du Christ, de Mahomet, de Bouddha, d'autres divinités... Histoire de rappeler à tous que les cieux sont habités.
Par veronika colosimo