Selon une étude de la Banque mondiale, l’Uemoa subirait, en moyenne, des pertes de près d’un milliard de dollars par an sur la production de ses cultures vivrières les plus importantes dues aux sécheresses. La Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (Bceao) qui a organisé, mardi 6 février, une conférence sur le sujet veut anticiper les chocs liés au changement climatique.
Par Seydou KA
L’Afrique contribue pour moins de 5 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre, mais c’est le continent le plus affecté par les effets néfastes du changement climatique. L’agriculture, qui emploie plus de 40 % de la main-d’œuvre et contribue à 26 % au Pib de l’Uemoa, « demeure un secteur particulièrement exposé », estime le Premier ministre Amadou Ba. Il s’exprimait à l’ouverture de la conférence organisée par la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (Bceao), mardi 6 février, au Centre international de conférences Abdou Diouf de Diamniadio (Cicad), sur le thème : « Les banques centrales face aux défis du changement climatique ». Selon une étude de la Banque mondiale, l’Uemoa subirait, en moyenne, un milliard de dollars (environ 611 milliards de FCfa au cours actuel du dollar) de pertes par an sur la production de ses cultures vivrières les plus importantes dues aux sécheresses. Les industries et services sont également exposés à des « pertes notables » en zones urbaines inondables. Rappelant que le changement climatique est l’une des préoccupations majeures des décideurs en raison des effets induits sur tous les pans de la société, le Chef du Gouvernement sénégalais se félicite que les banques centrales aient pris la mesure du rôle important qu’elles sont appelées à jouer pour impulser des actions qui permettront au secteur financier de contribuer davantage aux politiques publiques déployées par les États dans la mise en œuvre de leurs engagements internationaux sur le climat. « Les banques centrales ont le pouvoir d’influencer positivement les actions nécessaires pour bâtir un système financier résilient et durable en leur qualité d’instituts d’émission, de régulateur et d’autorité de supervision », estime Amadou Ba.
La prise de conscience des banques centrales
Pour le Gouverneur de la Bceao, Jean-Claude Kassi Brou, si l’engagement des banques centrales à l’égard du changement climatique est récent, les actions qu’elles ont menées ces 10 dernières années reflètent bien la prise de conscience croissante que le changement climatique peut avoir des répercussions importantes sur le système financier et, par ricochet, sur l’économie. Ainsi, le réseau pour le verdissement du système financier dont la Bceao est membre et qui a vu le jour en 2017, est un cadre de réflexion sur le changement climatique regroupant 114 banques centrales et superviseurs financiers. En outre, ajoute le Gouverneur de la Bceao, le Comité de Bâle a récemment édité les grands principes à prendre en compte par les régulateurs et superviseurs du système financier pour la gestion du changement climatique. « Les risques climatiques sont certes des préoccupations environnementales, mais leurs effets peuvent compromettre la résilience de notre système financier dans son ensemble », constate Jean-Claude Kassi Brou. C’est pourquoi, dit-il, ces risques font l’objet d’attention accrue des banques centrales qui ont « la responsabilité de comprendre, d’évaluer et d’atténuer ces risques ». Cette conférence doit permettre de partager des expériences pour partager des solutions innovantes en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre et des transitions énergétiques justes et équitables. L’un des enjeux, à en croire le Premier ministre sénégalais, c’est de concilier les impératifs liés aux objectifs de neutralité carbone avec le droit au développement économique des pays africains. Quant au Gouverneur de la Bceao, il espère que les principaux enseignements qui seront tirés de cette conférence vont contribuer à apporter des pistes de solutions aux banques centrales africaines pour impulser les actions du secteur financier dans la lutte contre l’impact du changement climatique.
Réorienter le service de la dette au climat ?
Au Sénégal, la Contribution déterminée au niveau national (Cdn) traduit l’engagement du Gouvernement à inscrire le pays « dans une trajectoire de croissance verte en assurant la résilience de l’économie, des communautés, des infrastructures et des villes », souligne Amadou Ba. « Il s’agit d’un plan d’action climatique fort qui traduit la vision prospective du Pse », dit-il. Entre autres réalisations à l’actif de ce plan d’action, il cite, en particulier, deux projets « sobres en carbone et résilient au changement climatique », en l’occurrence le Train express régional (Ter) et le Bus rapid transit (Brt). Dans le même esprit, le Sénégal a signé, en juin 2023, un Partenariat pour une transition énergétique juste (Jetp) dont l’ambition est de porter la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique de 31 % à 40 % d’ici à 2030. Dans le cadre de ce partenariat, indique le Premier ministre, le Sénégal étudie avec le Fmi, les partenaires et le Centre mondial pour l’adaptation la possibilité de réorienter des ressources prévues pour le remboursement de la dette vers le financement de l’action climatique. Selon la Banque africaine de développement (Bad), les besoins pour la mise en œuvre de l’action sur le climat en Afrique ont été évalués entre 1300 et 1600 milliards de dollars (entre 794 625 milliards et 978 000 milliards de FCfa) sur la période 2020-2030. Certes, les partenaires financiers de l’Afrique ont pris des engagements à hauteur de 100 milliards de dollars par an pour accompagner le processus de transition, mais ces engagements ne sont pas concrétisés.
JEAN-CLAUDE KASSI BROU, GOUVERNEUR DE LA BCEAO
« Un risque systémique réel »
À l’issue de la conférence sur le thème : « Les banques centrales face aux défis du changement climatique », le Gouverneur de la Bceao, Jean-Claude Kassi Brou, a relevé, mardi 6 février, beaucoup d’idées. D’abord, avec le changement climatique, il estime qu’il y a un risque systémique réel. Ainsi, il plaide pour un cadre réglementaire permettant aux banques centrales d’avoir un impact positif. Toutefois, aux yeux du Dg de la Bceao, la lutte contre les effets du changement climatique ne doit pas remettre en cause les objectifs classiques des banques centrales, notamment la lutte contre l’inflation et la stabilité financière. Le maître mot reste la collaboration entre les différentes parties prenantes. Il est ressorti également des discussions que les banques centrales peuvent agir à travers des mesures incitatives (utilisation de garanties de refinancement, obligations vertes, réserves obligataires différenciées…). « Il y a une convergence de vues que nous devons coordonner nos actions pour parvenir à une réglementation appropriée, pour que les banques centrales puissent contribuer, de façon positive, au verdissement de nos économies », résume Jean-Claude Kassi Brou. S. KA
Source : https://lesoleil.sn/impacts-du-changement-climatiq...