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Indemnisations : Des ex détenus crachent sur les 500 000 FCfa du gouvernement

Après la présentation du Plan d’assistance pour les victimes des manifestations de 2021-2024 par le ministre de la Famille et des Solidarités, les premières voix discordantes résonnent. Dans le lot des ex-détenus, la somme de 500 mille FCfa qui leur est allouée, est jugée trop dérisoire. Certains parlent même d’une « aumône insultante », rapporte "L’Observateur".


Rédigé par leral.net le Lundi 3 Février 2025 à 10:08 | | 0 commentaire(s)|

Il semble flotter au cœur d’un tourbillon de sentiments, de reconnaissance et d’incompréhension. Sourire forcé ou plutôt préoccupé, Lamine Bara Diop, dit Diop Taif, coordonnateur communal de Pastef à Taïf, ex détenu dans la sombre période pré-électorale, rue dans les brancards. Le vaste plan d’assistance des victimes des manifestations entre 2021-2024, présenté par le ministre de la Famille et des Solidarités, Maïmouna Dièye et qui octroie un montant de dix millions (10 000 000) FCfa à chaque famille de personne décédée et une allocation forfaitaire de cinq cent mille (500 000) FCfa à toutes les personnes figurant dans la base de données établie par l’ANSD, en relation avec le ministère de la Justice, les sources policières, les représentants de victimes et ceux de la société civile, interroge au plus haut point.

"L’Observateur" souligne que Lamine et plusieurs autres détenus ne comprennent pas comment les arbitrages ont été faits. Dans la base de données de l’État, un effectif de 2172 ex détenus et autres victimes et 79 personnes décédées a déjà été enregistré. Il n’a pas de problème avec les dix millions FCfa retenus pour chaque personne décédée, mais il juge minime la somme forfaitaire de 500 mille FCfa pour les autres victimes, dont des ex détenus, rapporte encore "L’Observateur".

« 500 000 FCfa, c’est trop dérisoire pour les énormes préjudices subis », déclare Diop Taïf, citant "L’Observateur". Il ajoute : « Je salue les efforts faits par le gouvernement avec ce vaste Plan d’assistance. Ils disent que ce n’est pas une indemnisation, mais une assistance et je pense que la précision est de taille. L’État du Sénégal a porté tort à des citoyens, qu’ils soient ou non de Pastef. J’ai été arrêté trois fois, j’ai été jugé et relâché purement et simplement après un an de détention arbitraire. Ça, c’est la belle partie de l’histoire ». Il enchaîne : « Il y a eu des morts, des blessés par balles, des invalides qui sont toujours cloués au lit. Ils ont besoin d’assistance. Les victimes méritent plus que 10 millions ou 500 mille FCfa », poursuit-il dans "L’Observateur".

« D’anciens détenus qui ont longuement traîné leurs séquelles, sont morts par manque d’assistance. Est-ce que ces gens-là peuvent attendre que la loi d’amnistie soit abrogée, pour être indemnisés ? »

La réponse à sa question est sans appel : « "L’Observateur" rapporte que la somme de 500 000 FCfa est trop dérisoire. Les gens ont subi d’énormes préjudices. Plusieurs d’entre eux n’habitent pas à Dakar, ils étaient là juste pour leur travail. Ils ont eu des arriérés de location, ont perdu leur boulot. Certains étaient dans le commerce, mais ils ont tout perdu ». Le responsable de Pastef reste convaincu que c’est parce qu’il y a eu énormément de bruit autour de la question, avec les sorties parfois répétitives des familles des victimes, que l’État a décidé de la mise en œuvre de ce qu’il appelle Plan d’assistance.

"L’Observateur" critique le manque de sérieux dans le travail fait par l’État, soulignant la cacophonie qui en résulte. Diop Taïf dénonce l’échec du ministère. Les financements ne devraient pas seulement concerner les familles des personnes décédées. C’est injuste. « On parle d’urgence, donc il devrait y avoir plus d’équité », explique-t-il dans "L’Observateur". « Il y a des ex-détenus qui ont besoin de bourses familiales, de cartes d’égalité des chances. Les invalides ont besoin de plus d’assistance. Il y en a qui ont été amputés. Certains sont même devenus impuissants. Que vont-ils faire avec 500 mille FCfa ? »

« Certains ont décidé de ne pas prendre l’argent, mais j’essaie de les en dissuader. Ils doivent tenir un point de presse mardi.» "L’Observateur" rapporte que Diop Taïf continue de dénoncer la situation avec force. Dans sa compréhension des choses, « quand on veut porter assistance à une personne, on lui demande d’abord ses besoins spécifiques. Mais on ne peut pas se lever un bon jour et dire qu’on va allouer 500 mille aux victimes. Ils ont répertorié 2172 personnes, mais toutes n’ont pas fait l’objet d’une enquête. La procédure est trop lente et l’État ne peut pas attendre. Je travaillais au ministère de l’Environnement dans le programme « Xeyu Ndaw Yi », après deux mois en prison, ils ont arrêté de virer mon salaire et je suis resté 11 mois sans salaire. À ma sortie de prison, je suis parti reprendre service, ils m’ont dit que j’étais licencié et ne m’ont payé aucun droit. Depuis, je ne fais rien », rapporte L’Observateur.

Les ex ,détenus réclament un accompagnement pour leur réinsertion sociale, déclare "L’Observateur", en citant Sidy Mouhamed Moctar Kounta, membre du Collectif. Il râle : « 500 000 FCfa, c’est insuffisant au regard des préjudices subis. Les ex détenus réclament un accompagnement pour leur réinsertion sociale. Nous saluons l’initiative du gouvernement, il est évident que ce qu’il nous faut, c’est un soutien pour ces jeunes qui ont subi des sévices et des dommages incommensurables. Certains ont été détenus pendant de longues périodes et aucune réparation ne peut effacer les pertes qu’ils ont endurées ». Après tout ce qu’ils ont enduré à la prison de Rebeuss, Sidy Kounta est convaincu que durant cette période, les gens ont perdu bien plus que cette somme, entre les problèmes familiaux et professionnels. "L’Observateur" souligne qu’il est impossible de quantifier exactement ce que ces jeunes méritent.

Insistant sur le fait que ces jeunes n’étaient ni des criminels ni des voyous, mais des citoyens engagés, qui ont lutté contre une injustice pour défendre leur nation, Sidy estime qu’ils méritent une reconnaissance et davantage que cette « indemnité ». « Les 500 000 FCfa ne suffisent pas pour réparer les dommages causés par deux années d’incarcération. Ces jeunes devraient être le reflet du Projet (le référentiel des politiques publiques du pouvoir), parce qu’ils se sont battus pour ça. Les autorités devraient améliorer la somme et les aider à retrouver leur vie d’avant, car ils ont tout perdu dans ce combat », conclut Sidy Kounta, d’après "L’Observateur".

Diop Taïf, lui, n’en finit toujours pas. Sa dernière exigence : « Il faut qu’il y ait une transparence. Que l’argent soit donné aux ayants-droit et qu’il obéisse aux règles du Jub Jubal », ajoute "L’Observateur". Le message est passé.

Ousseynou Wade