Cette invitation ne s’explique que par une volonté de récupérer l’aura qui entoure le candidat élu, pour booster sa popularité au niveau de l’électorat d’origine africaine. En effet, l’identification à la leçon de maturité démocratique que le Sénégal a administrée au monde, est effective au niveau de toute la diaspora africaine. De ce point de vue, en s’affichant à coté de celui qui en est le principal symbole, Sarkozy espère faire opérer un transfert affectif qui se transformerait en vote pour lui. Dès lors, il est clair qu’en répondant à cette invitation, Macky va en campagne pour Sarkozy.
Ma conviction est que Macky devrait diplomatiquement décliner cette invitation entre autres pour les raisons suivantes :
Devoir de rupture
La volonté de rupture qui s’est exprimée à travers le rejet du régime de l’alternance, ne se limite pas à mon avis à la politique intérieure. Elle se nourrit d’une approche globale formulée à travers l’émergence d’un nouveau type de sénégalais (NTS) mais aussi d’un nouveau type de président. En termes de politique étrangère cela devrait se décliner par une rupture d’avec l’à-plat-ventrisme toujours affiché devant l’ancienne puissance coloniale, dont la dernière expression fut la mission commandée de Benghazi.
En réservant la première sortie officielle à la France, dans un contexte où les urgences nationales offrent une belle excuse de rester au pays, et où la situation sous régionale rend plus qu’opportun un premier déplacement ouest-africain, l’on ne fera que renforcer cette posture néocoloniale qui fait de la France l’horizon indépassable de notre diplomatie.
De plus, dans la mesure où la primauté semble être donnée à la diplomatie de voisinage, ainsi qu’en atteste le discours de l’IFRI, cette visite poserait un défi quant à sa cohérence d’avec la politique étrangère qui nous a été présentée.
Devoir de cohérence
Il est clairement établi que Macky Sall a pris l’option d’une diplomatie du voisinage, notamment pour le retour de la paix en Casamance. Dès lors cette option diplomatique qui est à saluer, devrait le pousser, pour garder une certaine cohérence, à réserver sa première visite officielle aux États voisins. C’est que dans la symbolique diplomatique, le choix de la première visite a des implications telles qu’elle ne devrait pas obéir à une logique de court terme, mais aux orientations stratégiques du pays en question.
Nicolas Sarkozy lui-même a réservé sa première visite à l’Allemagne, et en fera certainement de même s’il est réélu, convaincu qu’il est de la centralité de la construction d’un axe Paris-Berlin fort pour le rayonnement de la France.
Donc pour reprendre une terminologie chère à Sarkozy, une première visite doit être choisie et non subie, et dans le cas d’espèce on est plus dans le second cas.
Devoir de fierté
Il ne s’agit point aussi de faire intervenir des ressentiments, ou même de la subjectivité dans les choix diplomatiques d’un pays, mais de rappeler juste de faits qui de par leur gravité, devraient pousser à réfléchir avant d’accorder à Sarkozy l’honneur d’une première visite officielle, qui plus est dans une situation pré-électorale.
Les murs de l’Université Cheikh Anta Diop tremblent encore ; et l’odeur de souffre, pour parler comme l’autre, y est sans doute encore perceptible. En effet, c’est dans ce sanctuaire du savoir, qui porte le nom d’un illustre intellectuel qui aura consacré sa vie à rétablir la dignité bafouée de l’homme africain, que Sarkozy a prononcé les mots les plus blessants qu’il m’ait été donné d’entendre, montrant ainsi toute son inculture. A travers le discours de Dakar, Mr Sarkozy aura montré à la face du monde que les talonnettes dont il avait besoin étaient celles de l’esprit.
Non! Un homme qui a insulté l’homme africain, ne mérite pas que lui soit permis de surfer sur cette vague d’espoir que suscite l’exploit sénégalais, pour rester au sommet.
Non! Un homme qui aura montré si peu de considération pour nos parents immigrés établis en Hexagone, et dont la plupart d’ailleurs avant même ses propres parents, ne mérite pas que nos glorieuses conquêtes soient le tremplin de ses rêves personnels de grandeur.
Mr le Président, si vous ne répondez pas à ces trois devoirs, c’est sans doute parce qu’il y en aura d’autres encore plus pressants.
Serait-ce un devoir de reconnaissance, comme en attestent les propos d’Ibrahima Sene du PIT qui faisaient de vous le candidat de la France?
Serait-ce un devoir de fidélité aux milieux d’affaires proches de Sarkozy dont on dit qu’ils auraient apporté quelques pécules à votre campagne rendant possibles vos multiples pérégrinations transsénégaliennes considérées comme la raison principale de votre succès électoral?
Serait-ce un devoir d’allégeance à un pays qui vous a remis une de ses plus hautes distinctions des les premiers instants de votre descente aux enfers, vous conférant ainsi une immunité de fait, par rapport à la furie revancharde de Wade?
En tout cas voilà une belle opportunité d’apporter un beau démenti à tous ceux dont l’esprit est habité par ces doutes. Mais plus important que tout cela, voila une excellente occasion, comme pour répondre à l’autre, d’entrer dans l’histoire.
Alioune Ndiaye
Montreal – Canada
Ma conviction est que Macky devrait diplomatiquement décliner cette invitation entre autres pour les raisons suivantes :
Devoir de rupture
La volonté de rupture qui s’est exprimée à travers le rejet du régime de l’alternance, ne se limite pas à mon avis à la politique intérieure. Elle se nourrit d’une approche globale formulée à travers l’émergence d’un nouveau type de sénégalais (NTS) mais aussi d’un nouveau type de président. En termes de politique étrangère cela devrait se décliner par une rupture d’avec l’à-plat-ventrisme toujours affiché devant l’ancienne puissance coloniale, dont la dernière expression fut la mission commandée de Benghazi.
En réservant la première sortie officielle à la France, dans un contexte où les urgences nationales offrent une belle excuse de rester au pays, et où la situation sous régionale rend plus qu’opportun un premier déplacement ouest-africain, l’on ne fera que renforcer cette posture néocoloniale qui fait de la France l’horizon indépassable de notre diplomatie.
De plus, dans la mesure où la primauté semble être donnée à la diplomatie de voisinage, ainsi qu’en atteste le discours de l’IFRI, cette visite poserait un défi quant à sa cohérence d’avec la politique étrangère qui nous a été présentée.
Devoir de cohérence
Il est clairement établi que Macky Sall a pris l’option d’une diplomatie du voisinage, notamment pour le retour de la paix en Casamance. Dès lors cette option diplomatique qui est à saluer, devrait le pousser, pour garder une certaine cohérence, à réserver sa première visite officielle aux États voisins. C’est que dans la symbolique diplomatique, le choix de la première visite a des implications telles qu’elle ne devrait pas obéir à une logique de court terme, mais aux orientations stratégiques du pays en question.
Nicolas Sarkozy lui-même a réservé sa première visite à l’Allemagne, et en fera certainement de même s’il est réélu, convaincu qu’il est de la centralité de la construction d’un axe Paris-Berlin fort pour le rayonnement de la France.
Donc pour reprendre une terminologie chère à Sarkozy, une première visite doit être choisie et non subie, et dans le cas d’espèce on est plus dans le second cas.
Devoir de fierté
Il ne s’agit point aussi de faire intervenir des ressentiments, ou même de la subjectivité dans les choix diplomatiques d’un pays, mais de rappeler juste de faits qui de par leur gravité, devraient pousser à réfléchir avant d’accorder à Sarkozy l’honneur d’une première visite officielle, qui plus est dans une situation pré-électorale.
Les murs de l’Université Cheikh Anta Diop tremblent encore ; et l’odeur de souffre, pour parler comme l’autre, y est sans doute encore perceptible. En effet, c’est dans ce sanctuaire du savoir, qui porte le nom d’un illustre intellectuel qui aura consacré sa vie à rétablir la dignité bafouée de l’homme africain, que Sarkozy a prononcé les mots les plus blessants qu’il m’ait été donné d’entendre, montrant ainsi toute son inculture. A travers le discours de Dakar, Mr Sarkozy aura montré à la face du monde que les talonnettes dont il avait besoin étaient celles de l’esprit.
Non! Un homme qui a insulté l’homme africain, ne mérite pas que lui soit permis de surfer sur cette vague d’espoir que suscite l’exploit sénégalais, pour rester au sommet.
Non! Un homme qui aura montré si peu de considération pour nos parents immigrés établis en Hexagone, et dont la plupart d’ailleurs avant même ses propres parents, ne mérite pas que nos glorieuses conquêtes soient le tremplin de ses rêves personnels de grandeur.
Mr le Président, si vous ne répondez pas à ces trois devoirs, c’est sans doute parce qu’il y en aura d’autres encore plus pressants.
Serait-ce un devoir de reconnaissance, comme en attestent les propos d’Ibrahima Sene du PIT qui faisaient de vous le candidat de la France?
Serait-ce un devoir de fidélité aux milieux d’affaires proches de Sarkozy dont on dit qu’ils auraient apporté quelques pécules à votre campagne rendant possibles vos multiples pérégrinations transsénégaliennes considérées comme la raison principale de votre succès électoral?
Serait-ce un devoir d’allégeance à un pays qui vous a remis une de ses plus hautes distinctions des les premiers instants de votre descente aux enfers, vous conférant ainsi une immunité de fait, par rapport à la furie revancharde de Wade?
En tout cas voilà une belle opportunité d’apporter un beau démenti à tous ceux dont l’esprit est habité par ces doutes. Mais plus important que tout cela, voila une excellente occasion, comme pour répondre à l’autre, d’entrer dans l’histoire.
Alioune Ndiaye
Montreal – Canada