Naître en Afrique, à Mbacké, une ville au centre-ouest du Sénégal, dans une famille recomposée de 13 enfants, pourrait expliquer la capacité de Boubacar Seck à aller vers les autres. Vivre 20 ans dans un pays où la rue, utilisée comme Agora, donne la parole à tous. Où même ceux qui ne savent pas lire sont nourris par la parole qui y circule et le débat permanent qui y règne, est un héritage qu'il apportera avec lui en arrivant en France. "Les Sénégalais aiment parler", confirme l'intéressé en citant Coluche : "La démocratie c'est cause toujours. La dictature c'est ferme ta gueule". "Si la cohésion sociale tient encore au Sénégal, c'est encore par cette prise de parole vécue comme un exutoire". D'où aussi son engagement citoyen et son appétence au débat.
Rencontres,
Pour sa formation, largement ponctuée de voyages à l'étranger, il fera l'école d'architecture et de paysage de Bordeaux et, dans ce cadre là, passera un an d'étude à Stuttgart, en Allemagne. Par ordre de maitrise, Boubacar Seck parle ainsi français, allemand, wolof et anglais. Des années d'études jalonnées de rencontres multiples et marquantes, auréolées par la chance que favorisent souvent les qualités humaines. Il fera sienne la notion de "convivance" du sociologue et philosophe Edgar Morin, "une vraiment belle personne". Et fréquentera les ateliers d'écriture du poète Emmanuel Hocquard. L'écriture, qu'il aime "comme une maîtresse". Tout comme le cinéma qu'il adore et dont il aura l'occasion de parler à plusieurs reprises avec Jean Nouvel, l'architecte au crane rasé le plus renommé de France. Alors qu'il est encore étudiant, ce dernier l'invite à participer à la biennale de Venise sur le thème : "Moins d'esthétique, plus d'éthique", où ils auront des discussions sur Wim Wenders et Antonioni. " Tous mes amis m'ont détesté sur ce coup", se souvient-il en plaisantant. Puis, en Suisse, à Lucerne où ils se retrouvent pour visiter le centre culturel, l'opéra et se faire un resto.
Réalisations
Cinéma, encore. En féru du 7ème art, Boubacar Seck fréquente le festival de Cannes où il est invité par le réalisateur Haroun Mahamat Sale. Ce dernier qui cherchait un décorateur pour son film "Sexe, gombo et beurre salé", lui propose le poste. "Tu es archi, tu sauras". Le film sera diffusé en juillet 2008 sur Arte. Et Boubacar Seck figurera comme chef décorateur au générique d'une l'histoire relatant les tribulations, entre rires et larmes, d'une famille africaine installée à Bordeaux. Cinéma toujours. La création et la réflexion de notre architecte protéiforme ne se limite pas à l'hexagone. Son dernier projet, une école de cinéma, se situe à Ndjamena, au Tchad. " Un terrain de foot investi pour offrir une esplanade aux habitants. Un miroir tendu à la société tchadienne comme un objectif de caméra suspendu en porte à faux". L'occasion pour ce "regardeur professionnel", selon l'expression de Jean Nouvel, d'illustrer la vision qu'il a de son art, considéré, ne l'oublions pas, comme le premier au palmarès des 7 arts traditionnels, "L'architecture doit être généreuse. Un bâtiment public peut profiter de son envergure pour faire des cadeaux aux promeneurs, en plus du programme Une formidable opportunité d'offrir une ombre, un fil d'eau, un banc. Se référer à Bordeaux et au miracle du miroir d'eau. J'aime quand les usages sont détournés par les gens".
... et lutte contre les préjugés
Mais Boubacar Seck ne vit pas que dans un monde d'esthétique, de mots ou d'images. Dès son arrivée en France, il est confronté au regard des autres, même si, de son propre aveu, il n'a pas souffert directement de racisme. Plutôt de maladresses. Alors il s'engage. "Je ne me bats pas contre les discriminations comme noir, précise-t-il, mais comme privilégié. J'ai eu la chance d'être aimé à l'école d'archi, accueilli par des entreprises et des mentors comme Nouvel ou Jacques Hondelatte". Le moteur de cette dynamique sera le renvoi d'ascenseur. L'exemple de celui qui reçoit et qui donne, "dans la reconnaissance et la gratitude vis-à-vis d'une République gratuite". "Je crois vraiment à l'État et en la politique pour faire changer la vie. A l'action et à la nécessité de ne pas s'isoler. Je suis un homme froid qui réfléchit, y compris en pensant contre moi, pour mieux, comme dit Sartre, me méfier des évidences". Adhérent à S.O.S racisme depuis huit ans, il est, depuis 4 ans, vice-président de la fédération Gironde Aquitaine, qu'il représente souvent à Paris. Il a ainsi collaboré à un manifeste contre les discriminations dans le cadre du C2D, le conseil de développement durable de la CUB.
En attendant, Boubacar Seck, architecte citoyen, pour qui porter beau est une politesse, va endosser un smoking... Dans les jours prochains, il sera au festival de Cannes pour rejoindre son ami, le réalisateur Haroun Mahamat Saleh, membre du jury, aux côtés de Robert de Niro, Uma Thurman et Jude Law. Et si la chance est toujours avec lui, il parlera peut-être cinéma avec eux...
Photos : IC/B.Seck
Rencontres,
Pour sa formation, largement ponctuée de voyages à l'étranger, il fera l'école d'architecture et de paysage de Bordeaux et, dans ce cadre là, passera un an d'étude à Stuttgart, en Allemagne. Par ordre de maitrise, Boubacar Seck parle ainsi français, allemand, wolof et anglais. Des années d'études jalonnées de rencontres multiples et marquantes, auréolées par la chance que favorisent souvent les qualités humaines. Il fera sienne la notion de "convivance" du sociologue et philosophe Edgar Morin, "une vraiment belle personne". Et fréquentera les ateliers d'écriture du poète Emmanuel Hocquard. L'écriture, qu'il aime "comme une maîtresse". Tout comme le cinéma qu'il adore et dont il aura l'occasion de parler à plusieurs reprises avec Jean Nouvel, l'architecte au crane rasé le plus renommé de France. Alors qu'il est encore étudiant, ce dernier l'invite à participer à la biennale de Venise sur le thème : "Moins d'esthétique, plus d'éthique", où ils auront des discussions sur Wim Wenders et Antonioni. " Tous mes amis m'ont détesté sur ce coup", se souvient-il en plaisantant. Puis, en Suisse, à Lucerne où ils se retrouvent pour visiter le centre culturel, l'opéra et se faire un resto.
Réalisations
Cinéma, encore. En féru du 7ème art, Boubacar Seck fréquente le festival de Cannes où il est invité par le réalisateur Haroun Mahamat Sale. Ce dernier qui cherchait un décorateur pour son film "Sexe, gombo et beurre salé", lui propose le poste. "Tu es archi, tu sauras". Le film sera diffusé en juillet 2008 sur Arte. Et Boubacar Seck figurera comme chef décorateur au générique d'une l'histoire relatant les tribulations, entre rires et larmes, d'une famille africaine installée à Bordeaux. Cinéma toujours. La création et la réflexion de notre architecte protéiforme ne se limite pas à l'hexagone. Son dernier projet, une école de cinéma, se situe à Ndjamena, au Tchad. " Un terrain de foot investi pour offrir une esplanade aux habitants. Un miroir tendu à la société tchadienne comme un objectif de caméra suspendu en porte à faux". L'occasion pour ce "regardeur professionnel", selon l'expression de Jean Nouvel, d'illustrer la vision qu'il a de son art, considéré, ne l'oublions pas, comme le premier au palmarès des 7 arts traditionnels, "L'architecture doit être généreuse. Un bâtiment public peut profiter de son envergure pour faire des cadeaux aux promeneurs, en plus du programme Une formidable opportunité d'offrir une ombre, un fil d'eau, un banc. Se référer à Bordeaux et au miracle du miroir d'eau. J'aime quand les usages sont détournés par les gens".
... et lutte contre les préjugés
Mais Boubacar Seck ne vit pas que dans un monde d'esthétique, de mots ou d'images. Dès son arrivée en France, il est confronté au regard des autres, même si, de son propre aveu, il n'a pas souffert directement de racisme. Plutôt de maladresses. Alors il s'engage. "Je ne me bats pas contre les discriminations comme noir, précise-t-il, mais comme privilégié. J'ai eu la chance d'être aimé à l'école d'archi, accueilli par des entreprises et des mentors comme Nouvel ou Jacques Hondelatte". Le moteur de cette dynamique sera le renvoi d'ascenseur. L'exemple de celui qui reçoit et qui donne, "dans la reconnaissance et la gratitude vis-à-vis d'une République gratuite". "Je crois vraiment à l'État et en la politique pour faire changer la vie. A l'action et à la nécessité de ne pas s'isoler. Je suis un homme froid qui réfléchit, y compris en pensant contre moi, pour mieux, comme dit Sartre, me méfier des évidences". Adhérent à S.O.S racisme depuis huit ans, il est, depuis 4 ans, vice-président de la fédération Gironde Aquitaine, qu'il représente souvent à Paris. Il a ainsi collaboré à un manifeste contre les discriminations dans le cadre du C2D, le conseil de développement durable de la CUB.
En attendant, Boubacar Seck, architecte citoyen, pour qui porter beau est une politesse, va endosser un smoking... Dans les jours prochains, il sera au festival de Cannes pour rejoindre son ami, le réalisateur Haroun Mahamat Saleh, membre du jury, aux côtés de Robert de Niro, Uma Thurman et Jude Law. Et si la chance est toujours avec lui, il parlera peut-être cinéma avec eux...
Photos : IC/B.Seck