Malgré les répliques pertinentes et les questions intéressantes de l’excellent Abdoulaye Nder et ses chroniqueurs de talent, le représentant de l’État a fait preuve d'une mauvaise foi sans borne en s'aventurant dans des explications alambiquées sans lien avec les dispositions de la loi susvisée.
Finalement c’est celui qui a déclaré avec assurance dans l’émission que « ceux qui commentent n’ont pas lu la loi; ils sont passés à côté », en l’occurrence le représentant de l’État, qui n’a vraiment pas respecté les Sénégalais.
La seule explication valable et que nous avions nous-mêmes soulignée depuis notre première contribution sur la question est qu’il faut un régime d’exception différent de l’état d’urgence pour traiter les questions liées aux crises sanitaires.
Nous l’écrivions le 26 décembre dernier, en ces termes : « Décréter l’état d’urgence sur une question liée à une catastrophe naturelle ou sanitaire est quand même excessif, compte tenu de l’orientation donnée à ce régime d’exception. L’idée de prévoir un régime différent, à cet effet, est donc opportune. »
Cependant, le représentant de l’État est complètement passé à côté sur tout le reste. C’est à croire qu’il n’a pas lu la loi.
Il déclare (14 mn 50) : « Le Président a délaissé les pouvoirs que lui confère l’état d’urgence pour s’occuper d’un problème qui demande la présence de médecins, d’ambulanciers, d’hygiéniques, etc., et non de policiers ou de l'armée. »
Ah oui ? Et comment faire appliquer un couvre-feu ou la limitation des déplacements sur tout ou partie du territoire comme prévu dans la loi (art. 24 nouveau de la loi).
Le représentant de l'État de poursuivre (20 mn 50) : « Cette loi n’enlève en rien le pouvoir de contrôle de l’Assemblée nationale. L’Assemblée peut convoquer les ministres, faire des questions orales... »
Ce pouvoir de contrôle dont il parle est dans la Constitution. Ce n’est pas une loi qui va l’enlever.
Mais c’est quoi le lien ?
Ici c’est le président de la République qui agit et non les ministres. Ceux-ci ne pourront agir que dans le cadre d’une délégation (art. 25 al. 2 nouveau de la loi).
Le pouvoir de contrôle devait permettre aux députés d’apprécier l’opportunité de proroger ou pas un régime d’exception comme dans tous les pays démocratiques. Avec cette loi ce pouvoir de contrôle est écarté : le président de la République décrète seul et proroge seul pour une durée d’un mois renouvelable une fois.
D’ailleurs l’appui qu’il a reçu de la part de l’un des chroniqueurs de Jakaarlo affirmant que « les décisions que le Président de la République va prendre vont passer à l’assemblée nationale » (19 mn 10 ) ne reflète pas la réalité de la loi.
Aucune décision dans le cadre de cette loi ne passe à l’Assemblée nationale. Les décisions sont laissées à l’appréciation discrétionnaire du président de la République. (Art. 25 nouveau de la loi).
Plus loin (48 mn 54), l'invité de l'émission affirme : « (Avec) cette nouvelle gestion on n'aura pas besoin de mobiliser les policiers qu’on mobilisait dans le cadre du couvre-feu. »
Ah oui ?
La nouvelle loi prévoit explicitement le couvre-feu (art. 24 al. 2 nouveau de la loi). Qui sera alors chargé de le faire respecter sur le terrain ? Les footballeurs, les députés, les lutteurs, les enseignants, les journalistes... ?
Encore le représentant de l'État (49 mn 29) : « C’est dans la loi d’urgence que le président de la République peut interdire des choses, mais là, il ne le peut plus. »
Donc quand le président de la République limite les déplacements sur tout ou une partie du territoire, par exemple, conformément aux dispositions de cette nouvelle loi (art. 24 al. 2 nouveau), il n’interdit rien ?
Toujours le représentant de l'État (57 mn 56) : « Le budget qu’on utilise pour donner des primes et de la nourriture aux policiers et aux militaires, dans le cadre de l’état d’urgence, on peut l’investir dans le secteur de la santé et faire des avancées. »
Ah oui ?
Donc quand le couvre-feu est décrété dans cette nouvelle loi, il n’y aura plus de primes ou de nourritures ?
L'invité de Jakaarlo (58 mn 30) : « Il faut comprendre qu’une fois que le Président décrète l’état d'urgence, il n’a plus le choix. La machine est en marche. Les policiers doivent être mobilisés par force (sic) et les armes vont être changées. »
Cette explication sur l’état d’urgence est très loin de la vérité. L’état d’urgence n'impose aucune obligation au président de la République. Ce dernier apprécie et prend des mesures facultatives et non obligatoires.
De l’article 2 à l’article 13 de la loi 69-29 sur l’état d’urgence et l’état de siège la loi donne juste la possibilité et non l’obligation d’en prendre des actes. L’expression « l’autorité peut » est consacrée à cet effet.
À la question de savoir si oui ou non la loi peut permettre de faire vacciner de force les Sénégalais l'invité de Jakaarlo donne une première réponse (59 mn 50) : « Ça, je ne peux pas le dire. »
Voilà juste la preuve qu’il ne comprend pas lui-même les limites de la loi. Et que l’expression fourre-tout « mesures visant à assurer le fonctionnement normal des services publics et la protection des populations » pose problème.
Alors en quoi est-il informé de l’appréciation qui sera faite de cette loi en terme de mesures pour déclarer (14 mn 36) que le président de la République s’est délaissé de ses pouvoirs ou qu’il a moins de pouvoir que dans le cadre de l’état d’urgence ?
D’ailleurs, il confirme le caractère dangereux de cette loi lui-même en donnant une réponse moins nuancée à la même question (vaccination de force) en déclarant (1 h 00 mn 19) que « la loi a dit toutes mesures pour le fonctionnement des services publics et la protection des populations; donc s’il est avéré que quand les gens ne seront pas vaccinés il y aura un problème, ils seront vaccinés ».
Le représentant de l’État fait ainsi une interprétation scandaleuse de la loi : en prévoyant dans son interprétation la possibilité de vacciner de force les Sénégalais. Mais en réalité il n’a suivi qu’une logique d’interprétation qui ouvre toutes les possibilités au président de la République. Tout dépendra de ce qu’il décidera comme étant du domaine du fonctionnement des services publics et de la protection des populations.
Cette loi modifiant celle relative à l’état d’urgence est juste scandaleuse. Elle confère au président de la République des pouvoirs excessifs et à la limite indécents dans le cadre d'une démocratie. Vouloir l’expliquer aux populations à travers la manipulation est tout autant scandaleux.
Thierno Bocoum
President du mouvement AGIR
Finalement c’est celui qui a déclaré avec assurance dans l’émission que « ceux qui commentent n’ont pas lu la loi; ils sont passés à côté », en l’occurrence le représentant de l’État, qui n’a vraiment pas respecté les Sénégalais.
La seule explication valable et que nous avions nous-mêmes soulignée depuis notre première contribution sur la question est qu’il faut un régime d’exception différent de l’état d’urgence pour traiter les questions liées aux crises sanitaires.
Nous l’écrivions le 26 décembre dernier, en ces termes : « Décréter l’état d’urgence sur une question liée à une catastrophe naturelle ou sanitaire est quand même excessif, compte tenu de l’orientation donnée à ce régime d’exception. L’idée de prévoir un régime différent, à cet effet, est donc opportune. »
Cependant, le représentant de l’État est complètement passé à côté sur tout le reste. C’est à croire qu’il n’a pas lu la loi.
Il déclare (14 mn 50) : « Le Président a délaissé les pouvoirs que lui confère l’état d’urgence pour s’occuper d’un problème qui demande la présence de médecins, d’ambulanciers, d’hygiéniques, etc., et non de policiers ou de l'armée. »
Ah oui ? Et comment faire appliquer un couvre-feu ou la limitation des déplacements sur tout ou partie du territoire comme prévu dans la loi (art. 24 nouveau de la loi).
Le représentant de l'État de poursuivre (20 mn 50) : « Cette loi n’enlève en rien le pouvoir de contrôle de l’Assemblée nationale. L’Assemblée peut convoquer les ministres, faire des questions orales... »
Ce pouvoir de contrôle dont il parle est dans la Constitution. Ce n’est pas une loi qui va l’enlever.
Mais c’est quoi le lien ?
Ici c’est le président de la République qui agit et non les ministres. Ceux-ci ne pourront agir que dans le cadre d’une délégation (art. 25 al. 2 nouveau de la loi).
Le pouvoir de contrôle devait permettre aux députés d’apprécier l’opportunité de proroger ou pas un régime d’exception comme dans tous les pays démocratiques. Avec cette loi ce pouvoir de contrôle est écarté : le président de la République décrète seul et proroge seul pour une durée d’un mois renouvelable une fois.
D’ailleurs l’appui qu’il a reçu de la part de l’un des chroniqueurs de Jakaarlo affirmant que « les décisions que le Président de la République va prendre vont passer à l’assemblée nationale » (19 mn 10 ) ne reflète pas la réalité de la loi.
Aucune décision dans le cadre de cette loi ne passe à l’Assemblée nationale. Les décisions sont laissées à l’appréciation discrétionnaire du président de la République. (Art. 25 nouveau de la loi).
Plus loin (48 mn 54), l'invité de l'émission affirme : « (Avec) cette nouvelle gestion on n'aura pas besoin de mobiliser les policiers qu’on mobilisait dans le cadre du couvre-feu. »
Ah oui ?
La nouvelle loi prévoit explicitement le couvre-feu (art. 24 al. 2 nouveau de la loi). Qui sera alors chargé de le faire respecter sur le terrain ? Les footballeurs, les députés, les lutteurs, les enseignants, les journalistes... ?
Encore le représentant de l'État (49 mn 29) : « C’est dans la loi d’urgence que le président de la République peut interdire des choses, mais là, il ne le peut plus. »
Donc quand le président de la République limite les déplacements sur tout ou une partie du territoire, par exemple, conformément aux dispositions de cette nouvelle loi (art. 24 al. 2 nouveau), il n’interdit rien ?
Toujours le représentant de l'État (57 mn 56) : « Le budget qu’on utilise pour donner des primes et de la nourriture aux policiers et aux militaires, dans le cadre de l’état d’urgence, on peut l’investir dans le secteur de la santé et faire des avancées. »
Ah oui ?
Donc quand le couvre-feu est décrété dans cette nouvelle loi, il n’y aura plus de primes ou de nourritures ?
L'invité de Jakaarlo (58 mn 30) : « Il faut comprendre qu’une fois que le Président décrète l’état d'urgence, il n’a plus le choix. La machine est en marche. Les policiers doivent être mobilisés par force (sic) et les armes vont être changées. »
Cette explication sur l’état d’urgence est très loin de la vérité. L’état d’urgence n'impose aucune obligation au président de la République. Ce dernier apprécie et prend des mesures facultatives et non obligatoires.
De l’article 2 à l’article 13 de la loi 69-29 sur l’état d’urgence et l’état de siège la loi donne juste la possibilité et non l’obligation d’en prendre des actes. L’expression « l’autorité peut » est consacrée à cet effet.
À la question de savoir si oui ou non la loi peut permettre de faire vacciner de force les Sénégalais l'invité de Jakaarlo donne une première réponse (59 mn 50) : « Ça, je ne peux pas le dire. »
Voilà juste la preuve qu’il ne comprend pas lui-même les limites de la loi. Et que l’expression fourre-tout « mesures visant à assurer le fonctionnement normal des services publics et la protection des populations » pose problème.
Alors en quoi est-il informé de l’appréciation qui sera faite de cette loi en terme de mesures pour déclarer (14 mn 36) que le président de la République s’est délaissé de ses pouvoirs ou qu’il a moins de pouvoir que dans le cadre de l’état d’urgence ?
D’ailleurs, il confirme le caractère dangereux de cette loi lui-même en donnant une réponse moins nuancée à la même question (vaccination de force) en déclarant (1 h 00 mn 19) que « la loi a dit toutes mesures pour le fonctionnement des services publics et la protection des populations; donc s’il est avéré que quand les gens ne seront pas vaccinés il y aura un problème, ils seront vaccinés ».
Le représentant de l’État fait ainsi une interprétation scandaleuse de la loi : en prévoyant dans son interprétation la possibilité de vacciner de force les Sénégalais. Mais en réalité il n’a suivi qu’une logique d’interprétation qui ouvre toutes les possibilités au président de la République. Tout dépendra de ce qu’il décidera comme étant du domaine du fonctionnement des services publics et de la protection des populations.
Cette loi modifiant celle relative à l’état d’urgence est juste scandaleuse. Elle confère au président de la République des pouvoirs excessifs et à la limite indécents dans le cadre d'une démocratie. Vouloir l’expliquer aux populations à travers la manipulation est tout autant scandaleux.
Thierno Bocoum
President du mouvement AGIR