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«Je ne suis pas d’accord que l’on répète bêtement que le Guinéen atteint d’Ebola est un cas importé»

L’OBS – «Les médias doivent éviter de catégoriser des gens pour dédouaner le système sanitaire sénégalais ou les politiques»


Rédigé par leral.net le Mercredi 10 Septembre 2014 à 22:26 | | 16 commentaire(s)|

«Je ne suis pas d’accord que l’on répète bêtement que le Guinéen atteint d’Ebola est un cas importé»
Autour d’une table, dans une salle feutrée de l’hôtel King Fahd Palace, des journalistes sous le contrôle de Mame Less Camara organisent une riposte pour lutter contre la maladie d’Ebola. C’était hier mardi, devant des participants d’organismes nationaux et internationaux venus de différents pays d’Afrique. Le micro à qui veut le prendre, et Souleymane Niang directeur de la West Africa Democracy Radio (Ward) de s’avancer pour tirer les premières salves d’une riposte médiatique contre Ebola. En plein dans le mille…

Quel est l’intérêt pour les médias de penser à un plan de riposte contre Ebola ?

Le premier intérêt des médias, par rapport à Ebola, c’est moins la riposte que le fait qu’Ebola est un sujet d’importance qui attire naturellement l’attention des médias. C’est un sujet d’actualité, un sujet grave en ce sens que c’est une maladie méconnue, mystérieuse, qui a coûté la vie à des milliers de personnes. Je pense que tous les ingrédients sont réunis pour que les médias s’y intéressent. C’est vrai que maintenant par rapport à la riposte, je pense que tout le monde a pris conscience du rôle de la communication dans la prévention et dans la lutte contre cette maladie. Parce que l’accélérateur de cette épidémie, c’est l’ignorance, les fausses représentations, les rumeurs, les préjugés, les clichés. Et pour combattre tous ces éléments, les médias ont un rôle central à jouer. Parce que ça se passe dans la tête des gens, et il faut faire appel à des techniques, et il faut surtout une communication de masse. Et c’est là où les médias ont leur importance et jouent un rôle central dans une stratégie absolument indispensable qui est la communication, la sensibilisation et la mobilisation sociale. Bref, ce sont les médias qui construisent et déconstruisent ces clichés-là.

Qu’est-ce que les professionnels des médias peuvent faire pour ne pas tomber dans le piège des clichés ?

D’abord, il faut retourner aux fondamentaux techniques, professionnels. Comment traiter l’information ? Comment croiser l’information ? Comment la diffuser ? Après il y a une dimension éthique et déontologique qui nous pousse un peu plus dans nos valeurs. Faut-il donner la nationalité d’une personne malade ? Faut-il stigmatiser ? Faut-il catégoriser ? Cela relève non seulement de l’éthique et la déontologie, mais aussi des aspects purement juridiques. Le respect du secret médical, c’est des éléments importants qu’on doit respecter. Ebola est un révélateur, un accélérateur par rapport à ce que nous sommes, par rapport aux problématiques qui se posent à notre profession. Vraiment, il faut revenir aux fondamentaux pour ce qui n’y était pas déjà. Pour ceux qui étaient et qui y sont toujours cela ne pose aucun problème. J’ai entendu les témoignages de rédaction où les rédactions se comportent comme si de rien n’était, parce que tout simplement c’est leur routine, leur comportement par défaut.

Qu’est-ce qui fait que vous ne partagez pas l’utilisation du mot importé dans le cas du malade guinéen ?

Au plan factuel, on peut catégoriser un cas comme on le veut. Le fait que la victime soit de nationalité guinéenne, même si on l’a vérifié et que c’est vrai, c’est un fait. Que ce cas ait quitté un pays pour venir au Sénégal, si c’est vérifié, attesté, c’est un fait. Mais qu’on utilise ces deux qualificatifs pour dédouaner le système sanitaire sénégalais, le système politique sénégalais et je ne sais qui d’autre. Je pense qu’à partir de ce moment, les médias ne sont plus dans leur rôle et c’est là où je ne suis pas d’accord. Je ne suis pas d’accord qu’on répète un peu bêtement que ce cas guinéen est un cas importé, sans se poser la question de savoir ce qu’il y a derrière cette catégorisation.

Est-ce sous-entendu qu’il y a une manipulation derrière ?

Je ne sais pas s’il y a manipulation, mais nous devons être vigilants. Pourquoi ne parle-t-on pas du cas sénégalais en Allemagne, même s’il a acquis par ailleurs la nationalité allemande. Pour moi, ce sont des considérations un peu dérisoires, il y a un cas avec un risque de propagation, j’apprécie toutes les mesures qui sont prises pour éviter que le cas ne contamine d’autres personnes. C’est excellent. Faisons attention aux éléments de langage qui attisent les haines, réveillent les démons, plutôt qu’ils ne règlent les problèmes. Il ne sert à rien d’insister sur le fait que c’est un cas importé. On l’a dit une fois, mais qu’on continue à le dire, c’est suspect. Cela veut dire qu’on essaie d’installer dans l’esprit des gens, le fait que nous sommes quand même indemnes et que nous sommes protégés par je ne sais quoi. Soyons réalistes et continuons à faire face comme on le fait jusqu’à présent.

MOR TALLA GAYE obs

( Les News )