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Je provoque, donc j’existe.

Rédigé par leral.net le Samedi 30 Juin 2012 à 14:58 | | 0 commentaire(s)|

Je provoque, donc j’existe.
elon une statistique de l'année 2008, 97% des femmes au Sénégal connaissent l'orgasme. Merci qui? Eh! bien, merci les substances aphrodisiaques. La femme sénégalaise ne recule devant aucune originalité pour stimuler sa libido. Et ferrer son homme, comme on dit dans les rues de Dakar.

Y a-t-il un mode d'emploi pour faire l'amour? Si l'on en croit les pratiques et traditions sénégalaises, oui! La recherche du plaisir et la satisfaction du partenaire valent tous les détours.

Aux traditionnels jeux de danses érotiques, certaines préfèrent aujourd'hui l'utilisation des aphrodisiaques, qu'elles jugent plus stimulants et bien plus efficace. Les parties sex-toys ont également pris le dessus sur les longues séances de déhanchements en béthio (petits pagnes troués).

Exit l'image de la femme docile et soumise. Les femmes sénégalaises assument de plus en plus leur sexualité et s'essayent aux techniques les plus folles pour donner du plaisir à leur conjoint. En plus des philtres d'amour, élixirs et autres potions, les Sénégalaises disposent de tout un arsenal de séduction pour faire tomber n'importe quel mâle.

Cure-dents, gels, pastilles, savons, comprimés, mixture à base de beurre de karité sont utilisés pour faire «grimper au rideau» son homme. Comme en témoigne une jeune dame, «une fois les volets tirés et les lumières éteintes» tout est permis pour redonner un peu de couleur à la vie sexuelle.

Marché du sexe au coeur de la capitale

Dans les méandres du marché HLM de Dakar, sis au cour de la capitale, un véritable business du plaisir existe. Ici, le sexe est au cour d'une véritable industrie. Mais, on est bien loin des sex-shops des grandes capitales européennes, où les objets de désir sexuel s'exposent sans complexe.

Dans ces lieux là, rien ne laisse présager de ce commerce rose. Rien de bien attirant, à part les effluves d'encens qui vous titillent les narines à quelques mètres à la ronde.

Ramatoulaye, nom d'emprunt, est bien connue dans ce milieu.

La quinquagénaire, d'origine malienne, a blanchi sous le harnais de la vente des produits aphrodisiaques. Depuis près de 20 ans, la vieille dame est spécialisée dans le commerce de ces produits. Elle détient tous les codes et rouages pour être au top sous la couette.

Certaines femmes, trouvées dans son magasin, lui prêtent même des pouvoirs mystiques, car elle détiendrait également un pouvoir de guérison contre le mauvais oil.

«Voilà ma fille, puisque vous êtes une jeune mariée. Il faut juste utiliser ce produit que vous malaxerez sur le pénis de votre mari 30 minutes avant les rapports sexuels. Cela augmentera la taille de son sexe», susurre-t-elle à l'oreille d'une jeune fille accompagnée de sa mère.

Poursuivant son discours, la propriétaire expose son arsenal. A côté des bine-bines (perles de reins), encens et autres petits pagnes, la dame fait l'inventaire de ces différents produits:

«J'ai une mixture à base de karité que l'on applique sur la paroi vaginale et qui excite l'homme. Tu peux aussi utiliser les pastilles pour rétrécir la paroi vaginale», détaille-t-elle.

La dame explique que ces pastilles plus connues sous le nom de «Saf safal» (pimentez) procurent une jouissance inouïe aux hommes et fait ainsi durer le plaisir pour le couple.

Un peu plus loin, Mor, tient également boutique. Dans son magasin grouille, une panoplie de bouteilles, parfums, boites à l'emballage aguicheur et aux noms provocateurs, Crazy, Touch me. La boutique grouille de monde. Quatre vendeurs sont aux petits soins des clientes. Et vantent les effets des derniers produits arrivés.

Tout cela est-il sain pour la santé?

Des gels au goût de menthe, fraise ou encore banane, des sprays à la fois antiseptiques et stimulant la libido, des cure-dents, des gels pour augmenter le volume des seins, des hanches ou encore des fesses sont disponibles et même des pastilles au gout de poivre, sont proposés à la clientèle qui souhaite agrémenter leur vie intime. Excusez du peu!

La dernière trouvaille qui fait des émules: un café stimulant. «Il faut le faire boire à l'homme une heure avant les rapports sexuels pour stimuler sa libido», explique le vendeur. A moindre coût, entre 5000 Fcfa et 12.000 Fcfa (entre 7,5 et 18 euros), les femmes peuvent disposer de tous les produits nécessaires pour faire tourner la tête à n'importe quel homme. Mais à quel prix?

Bien souvent l'utilisation de ces produits est stigmatisée. Ils ne sont, en effet, soumis à aucun contrôle et par conséquent ne sont pas protégés par la Pharmacie nationale d'approvisionnement. Mais Mor rassure:

«Cela fait plus de 10 ans que je vends ces produis, et je n'ai jamais reçu de plainte de clients. Il n'y a jamais eu de problèmes avec mes produits ».

Pourtant, il y a trois semaines, la plus grande entreprise de commercialisation de produits aphrodisiaques au Sénégal, le groupe Excaf Telecom a été épinglé par la douane. Les produits, Ngora Keng et Mbir bi, vendus comme de petits pains, ont été saisis et interdits de vente. Mais, cet épisode est loin de freiner les ardeurs des utilisateurs, qui en usent et abusent. Le plus important, «est d'arriver à garder son homme», lance cette jeune femme rencontrée dans le magasin. Qu'importe les moyens!

«Je séduis donc j'existe»

Le sexe dans la société sénégalaise est souvent considéré comme un sujet tabou. Mais dans l'intimité, les femmes laissent libre cours à leurs élucubrations. Dans un ouvrage, intitulé Erotisme et Sexualité au Sénégal et en Afrique, Oumou Touré, l'auteur de l'ouvrage explique que le «jeu de la séduction permet aux femmes qui s'y adonnent d'affirmer et de sentir la consistance de leur soi féminin».

Et, écrit en ce sens «je séduis donc je suis une femme », qui est une paraphrase de la célèbre formule de Descartes, «je pense donc je suis». Mais qui dans ce sens prend une tout autre signification.

Ainsi, quoiqu'il se passe dans l'intimité des chambres, «le jeu de la séduction se raconte entre femmes mariées sur le chemin du marché, de la borne fontaine, autour du fourneau ou lors de rencontres de femmes, ces fameux tours (cérémonies de rencontre) lors desquels elles rivalisent d'arsenal et de recettes», raconte l'ouvrage. Une manière pour ces femmes de vivre une sexualité longtemps refoulée.

Dans la boutique du jeune commerçant Mor, une jeune dame, qui requiert l'anonymat se confie. «Il faut y aller mollo avec le café sinon il ne va pas s'arrêter», lance-t-elle à sa voisine, qui à son tour raconte son expérience.

«Cela m'est arrivée une fois avec les pastilles au poivre. C'était la première fois que je les utilisais et j'en ai trop mis. Malheureusement cette nuit, il ne s'était rien passé au lit. J'avais le sexe en fourmis, j'ai dû aller aux toilettes pour les retirer pour dormir tranquillement», explique-t-elle dans un éclat de rires. La discussion s'anime. Chacune y va de son expérience.

«Et toi pourquoi es-tu si timide? N'es-tu pas mariée? Parle, on est entre femmes mariées», lance une jeune dame à une jeune mariée restée silencieuse au fond du magasin. Dans un roulement des yeux, Fanta, une quinquagénaire, intervient. «Laisse-la faire sa timide. En tout cas, il faut être jongué (coquine) pour ferrer son homme, sinon il ira voir ailleurs», avertit-elle. Qui disait qu'aux jeux de la séduction et de l'érotisme tous les coups ne sont pas permis?




Lala Ndiaye
Slate Afrique