A 73 ans, Jean Ping est un homme pressé qui s’illustre par sa pugnacité et un activisme débordant dans son pays, le Gabon. Avant de tirer sa révérence, l’homme au parcours politique et administratif très honorable voudrait boucler la boucle en mettant fin à la logique de succession de père en fils, qui prend forme en Afrique de plus en plus. En Afrique centrale, au Congo Rd, au Gabon, dans l’Ouest du continent avec Faure Eyadema, héritier de son père Gnassingbé, le pouvoir semble avoir été transformé en une simple pièce de tissus qu’on se passe jusqu’à l’usure et à souhait; et cela au détriment de la démocratie et de la paix. Pour celui qui a été président de la Commission de l’Union Africaine de 2008-2012 et ancien ministre des Affaires étrangères d’Omar Bongo de 1999 à 2008, le peuple gabonais ne veut plus de ce régime familial qui dure depuis cinquante ans et dont le bilan est très négatif. Les citoyens souffrent et il est temps de changer les choses. D’abord candidat déclaré du Front de l’opposition pour l’alternance (Fopa) pour la présidentielle de 2016 au Gabon, en date du 15 janvier, le voilà, suite à une forte mésentente au sein de cette coalition, presque contraint à déclarer depuis le 13 février, sa propre candidature. Dans un pays difficile et divisé entre Pro ou contre Aly, il sait que son combat ne sera pas de tout repos. Lui-même ayant été un cacique du système Bongo. Dans cet entretien d’ailleurs, c’est fort conscient de tout cela, qu’il n’hésite pas à dénoncer les difficultés auxquelles il doit faire face durant cette campagne, marquée par des divisions au sein d’une opposition encore incapable de s’accorder sur un candidat unique.
M. Ping, le Président sortant, Ali Bongo vient d’annoncer sa candidature à la présidentielle de 2016 qui attend de confirmer une date (on parle du second semestre) et dont vous serez son principal opposant. Quelles sont vos chances réelles dans cette élection ?
Le régime actuel est tellement décrié que je pense que mes chances sont totales. Le peuple gabonais ne veut plus de ce régime familial qui dure depuis cinquante ans et dont le bilan est très négatif.
Quels sont les éléments qui vous font croire que les Gabonais rejettent la famille Bongo aujourd’hui ?
Je le constate tous les jours lors de mes visites et de mes meetings à travers tout le pays. Malheureusement, nous avons à faire à une famille qui ne veut pas quitter le pouvoir car il n’y a aucune limite de mandats présidentiels. En d’autres termes, les Bongo pensent qu’ils sont accrochés à ce pouvoir pour toujours. C’est en tout cas ce que perçoit le peuple gabonais. Et, admettons que le Gabon était bien géré, que les Gabonais mangeaient à leur faim, vivaient en toute sécurité, pouvaient se soigner aisément et envoyer leurs enfants à l’école, si les jeunes avaient du travail, alors peut-être que nos citoyens auraient accepté ces mandats à durée indéterminée. Or, ce n’est pas du tout le cas. Le Gabon est un pays qui a engrangé des sommes considérables grâce au boom du prix du baril de pétrole qui est passé en cinq ans de 25 à plus de 120 dollars, et les caisses de l’Etat étaient pleines. Mais, que reste-t-il de cette manne pétrolière ? Où s’est-t-elle volatilisée ?
«Le pays est au bord du chaos… La rue gronde»
Comment se déroule votre campagne présidentielle ?
Les conditions sont extrêmement difficiles. Il nous est interdit de nous réunir sur la place publique, dans les stades et les hôtels dont les propriétaires ont peur de nous accueillir. Nous sommes contraints de faire campagne sur des terrains vagues, des carrières ou chez des privés qui nous logent et nous nourrissent. Et ce n’est pas plus mal, car cela nous rapproche des gens.
Quel est l’impact de l’effondrement du cours du pétrole sur un pays producteur comme le Gabon ?
Il est ravageur pour l’ensemble des pays producteurs qui ont fait du pétrole leur unique source d’exportation.
Quelles sont les relations entre le pouvoir et les sociétés pétrolières ?
Elles sont mauvaises. Hormis Total, Shell et ENI, quasiment toutes ont quitté le pays car le pouvoir ne pense qu’à extorquer ces compagnies pour pouvoir se procurer de l’argent à bon compte et facilement. Aujourd’hui, les conséquences sont dramatiques au niveau de la production, qui est en baisse, et de l’emploi en raison des licenciements massifs qui se sont accélérés après la chute des cours. Avant même cette chute, les sociétés pétrolières ont licencié, par manque de stabilité et d’attractivité du Gabon. Pour produire du pétrole, il faut faire des trous; ce qui signifie investir dans la recherche. Mais, si le pays dans lequel vous voulez perforer n’est pas stable, si le régime qui le dirige ne pense qu’à vous pomper de l’argent sans investir dans son propre pays, vous n’investissez pas. Ceci est d’autant plus regrettable que le Gabon n’est pas un pays producteur mature. On le pensait, mais il ne l’est pas. Des compagnies comme ENI ont découvert du pétrole dans les couches pré-salifères de l’ultra-profond.
Sur quels appuis internationaux pouvez-vous compter aujourd’hui pour donner plus de crédit à votre candidature mais aussi au futur économique du Gabon ?
Le partenaire principal du Gabon est la France. Ce pays connait bien la situation qui prévaut sur place ; et donc, si elle la connait et si elle regarde, à ses intérêts bien compris, Paris ne peut soutenir que nous ! En tout cas nous avons des raisons d’être optimistes.
Qu’attendez-vous de l’Union Européenne ?
Les pays francophones ont des relations spéciales avec l’Ue, notamment dans le cadre des Acp. Raison pour laquelle, je viens à Bruxelles pour y rencontrer des responsables de la Commission européenne, du Service de relations extérieurs et du Parlement européen, dont les pouvoirs sont toujours plus étendus. Nous poussons les institutions européennes à faire pression sur le Gabon afin que son gouvernement soumette une demande à l’Ue pour le déploiement d’une mission d’observation électorale européenne dans mon pays. Cette demande ne peut venir que de Libreville; mais je crains que le pouvoir en place ne joue avec la montre pour soumettre sa demande à la dernière minute afin de «contraindre» l’Union Européenne à la refuser pour faute de temps. Et le temps est compté. Le gouvernement gabonais doit faire la demande maintenant !
Quel rôle pourrait jouer l’Union Africaine dont vous avez été le président de 2008 à 2012 ?
L’Ua joue un rôle majeur dans tous les pays africains. Les Etats de notre continent ont uni leur force afin que l’Afrique puisse réussir à se pacifier et à se démocratiser. Malheureusement, elle n’a pas les moyens de faire ce qu’elle doit faire. Lorsqu’une situation se détériore gravement dans un pays, il faut mettre en place une «diplomatie préventive» pour éviter qu’une crise ne dégénère en conflit.
Est-ce qu’un pays comme le Gabon, qui semble stable, est menacé par un scénario catastrophe ? Et quel en serait l’impact dans la sous-région ?
La situation est grave depuis 2009. Et, aujourd’hui, le pays est au bord du chaos. Les gens n’ont plus de travail, les enfants ne vont pas à l’école, les enseignants sont tabassés. La rue gronde. Il est donc grand temps que les organisations africaines prêtent une attention majeure au Gabon dans le cadre d’une «diplomatie préventive».
«Ce qui se passe au Burundi a forcément des répercussions au Rwanda, dans l’Est de la Rdc, en Tanzanie et en Ouganda»
Ce qui ne semble pas avoir été le cas au Burundi. Quel regard portez-vous sur cette crise ?
La crise des Grands Lacs est longue et difficile à régler. Ce qui se passe au Burundi a forcément des répercussions au Rwanda, dans l’Est de la Rdc, en Tanzanie et en Ouganda. C’est le genre de crise qui commence au niveau national et qui dégénère très vite en conflit régional. Et, lorsque l’on sait qu’il y a eu des génocides dans cette région, à commencer par celui rwandais qui a fait un million de morts en 1994 et dont les répercussions dans les pays voisins, ont été dramatiques, il faut absolument tout faire pour arrêter le feu qui se propage dans la maison du voisin. Je constate que l’Ouganda essaye de le faire avec Museveni dans le rôle de médiateur ; mais la Tanzanie est un acteur crucial dans la crise burundaise. Il faut favoriser un retour au dialogue et envisager en même temps que la situation peut empirer ; chose que je ne souhaite évidemment pas. Dans ce cas, il faut déployer les moyens qui s’imposent.
Donc, au déploiement d’une force d’interposition africaine comme la Maprobu que le régime et la récente mission de l’UA refusent de déployer…
En Afrique, quand on parle, on ne se bat pas. Mais, il faut parfois aussi bien de se parler même lorsque l’on se bat.
Jean Ping, le dernier Sommet de l’Ua a été marqué par le coup d’éclat d’un certain nombre de leaders africains qui ont invité leurs collègues à retirer leurs pays de la Cour Pénale Internationale, en l’accusant de vouloir s’acharner sur l’Afrique. Partagez-vous ce sentiment ?
Je comprends la position des pays africains. La création de la Cpi avait suscité beaucoup d’espoir et les Africains ont adhéré massivement au Traité de Rome, croyant à la justice et à l’égalité de la Cour Pénale Internationale. Mais, ils se sont progressivement aperçus que la Cpi donnait le sentiment de ne juger que les Africains. Pourquoi ne pas lancer des procédures sur l’Afghanistan, le Pakistan, le Sri Lanka, la Colombie, la Thaïlande ou le Moyen-Orient ? Il ne s’est vraiment rien passé dans ces pays et ces régions ? Pourquoi un tel acharnement sur les pays africains ? Ce problème de fond s’est considérablement aggravé lorsque l’argentin Ocampo était procureur de la CPI. Il y a ensuite un second problème à savoir qu’aucune puissance majeure n’est membre de la CPI, ni les Etats-Unis, ni la Russie, l’Inde et la Chine.
Ces pays ne veulent pas que leurs ressortissants soient jugés par cette Cour. Seuls les européens ont signé le Traité de Rome. De quel droit, les USA demandent à ce que le Président soudanais, Omar El Bashir, soit traduit en justice alors que ni Washington, ni Khartoum n’ont signé le Traité de Rome. Enfin, il y a un troisième reproche: lorsqu’un pays est en conflit, des problèmes de paix, de sécurité et de justice se posent. Pourquoi ne pas privilégier uniquement le volet justice ? Dans le cas du Soudan, la justice ne peut torpiller la paix et la sécurité. Ceci dit, la Cpi a encore un rôle à jouer; mais si rien ne change, nous jugerons nos délinquants chez-nous en Afrique. La Charte de l’Union Africaine stipule clairement qu’en cas de génocide, de crime contre l’humanité et de crime de guerre, l’Ua peut intervenir sans l’autorisation des gouvernements africains. Malheureusement, la Cour africaine de Justice n’a jamais disposé d’une Cour criminelle qui vient juste d’être instituée.
L’entretien a été réalisé depuis Bruxelles par Joshua Massarenti (Vita/Afronline, Italie) avec Le Nouveau Républicain (Niger), Le Confident (République centrafricaine), Infos Grands Lacs (RDC, Rwanda et Burundi), Sud Quotidien (Sénégal), Mutations (Cameroun), L’Autre Quotidien (Bénin)
M. Ping, le Président sortant, Ali Bongo vient d’annoncer sa candidature à la présidentielle de 2016 qui attend de confirmer une date (on parle du second semestre) et dont vous serez son principal opposant. Quelles sont vos chances réelles dans cette élection ?
Le régime actuel est tellement décrié que je pense que mes chances sont totales. Le peuple gabonais ne veut plus de ce régime familial qui dure depuis cinquante ans et dont le bilan est très négatif.
Quels sont les éléments qui vous font croire que les Gabonais rejettent la famille Bongo aujourd’hui ?
Je le constate tous les jours lors de mes visites et de mes meetings à travers tout le pays. Malheureusement, nous avons à faire à une famille qui ne veut pas quitter le pouvoir car il n’y a aucune limite de mandats présidentiels. En d’autres termes, les Bongo pensent qu’ils sont accrochés à ce pouvoir pour toujours. C’est en tout cas ce que perçoit le peuple gabonais. Et, admettons que le Gabon était bien géré, que les Gabonais mangeaient à leur faim, vivaient en toute sécurité, pouvaient se soigner aisément et envoyer leurs enfants à l’école, si les jeunes avaient du travail, alors peut-être que nos citoyens auraient accepté ces mandats à durée indéterminée. Or, ce n’est pas du tout le cas. Le Gabon est un pays qui a engrangé des sommes considérables grâce au boom du prix du baril de pétrole qui est passé en cinq ans de 25 à plus de 120 dollars, et les caisses de l’Etat étaient pleines. Mais, que reste-t-il de cette manne pétrolière ? Où s’est-t-elle volatilisée ?
«Le pays est au bord du chaos… La rue gronde»
Comment se déroule votre campagne présidentielle ?
Les conditions sont extrêmement difficiles. Il nous est interdit de nous réunir sur la place publique, dans les stades et les hôtels dont les propriétaires ont peur de nous accueillir. Nous sommes contraints de faire campagne sur des terrains vagues, des carrières ou chez des privés qui nous logent et nous nourrissent. Et ce n’est pas plus mal, car cela nous rapproche des gens.
Quel est l’impact de l’effondrement du cours du pétrole sur un pays producteur comme le Gabon ?
Il est ravageur pour l’ensemble des pays producteurs qui ont fait du pétrole leur unique source d’exportation.
Quelles sont les relations entre le pouvoir et les sociétés pétrolières ?
Elles sont mauvaises. Hormis Total, Shell et ENI, quasiment toutes ont quitté le pays car le pouvoir ne pense qu’à extorquer ces compagnies pour pouvoir se procurer de l’argent à bon compte et facilement. Aujourd’hui, les conséquences sont dramatiques au niveau de la production, qui est en baisse, et de l’emploi en raison des licenciements massifs qui se sont accélérés après la chute des cours. Avant même cette chute, les sociétés pétrolières ont licencié, par manque de stabilité et d’attractivité du Gabon. Pour produire du pétrole, il faut faire des trous; ce qui signifie investir dans la recherche. Mais, si le pays dans lequel vous voulez perforer n’est pas stable, si le régime qui le dirige ne pense qu’à vous pomper de l’argent sans investir dans son propre pays, vous n’investissez pas. Ceci est d’autant plus regrettable que le Gabon n’est pas un pays producteur mature. On le pensait, mais il ne l’est pas. Des compagnies comme ENI ont découvert du pétrole dans les couches pré-salifères de l’ultra-profond.
Sur quels appuis internationaux pouvez-vous compter aujourd’hui pour donner plus de crédit à votre candidature mais aussi au futur économique du Gabon ?
Le partenaire principal du Gabon est la France. Ce pays connait bien la situation qui prévaut sur place ; et donc, si elle la connait et si elle regarde, à ses intérêts bien compris, Paris ne peut soutenir que nous ! En tout cas nous avons des raisons d’être optimistes.
Qu’attendez-vous de l’Union Européenne ?
Les pays francophones ont des relations spéciales avec l’Ue, notamment dans le cadre des Acp. Raison pour laquelle, je viens à Bruxelles pour y rencontrer des responsables de la Commission européenne, du Service de relations extérieurs et du Parlement européen, dont les pouvoirs sont toujours plus étendus. Nous poussons les institutions européennes à faire pression sur le Gabon afin que son gouvernement soumette une demande à l’Ue pour le déploiement d’une mission d’observation électorale européenne dans mon pays. Cette demande ne peut venir que de Libreville; mais je crains que le pouvoir en place ne joue avec la montre pour soumettre sa demande à la dernière minute afin de «contraindre» l’Union Européenne à la refuser pour faute de temps. Et le temps est compté. Le gouvernement gabonais doit faire la demande maintenant !
Quel rôle pourrait jouer l’Union Africaine dont vous avez été le président de 2008 à 2012 ?
L’Ua joue un rôle majeur dans tous les pays africains. Les Etats de notre continent ont uni leur force afin que l’Afrique puisse réussir à se pacifier et à se démocratiser. Malheureusement, elle n’a pas les moyens de faire ce qu’elle doit faire. Lorsqu’une situation se détériore gravement dans un pays, il faut mettre en place une «diplomatie préventive» pour éviter qu’une crise ne dégénère en conflit.
Est-ce qu’un pays comme le Gabon, qui semble stable, est menacé par un scénario catastrophe ? Et quel en serait l’impact dans la sous-région ?
La situation est grave depuis 2009. Et, aujourd’hui, le pays est au bord du chaos. Les gens n’ont plus de travail, les enfants ne vont pas à l’école, les enseignants sont tabassés. La rue gronde. Il est donc grand temps que les organisations africaines prêtent une attention majeure au Gabon dans le cadre d’une «diplomatie préventive».
«Ce qui se passe au Burundi a forcément des répercussions au Rwanda, dans l’Est de la Rdc, en Tanzanie et en Ouganda»
Ce qui ne semble pas avoir été le cas au Burundi. Quel regard portez-vous sur cette crise ?
La crise des Grands Lacs est longue et difficile à régler. Ce qui se passe au Burundi a forcément des répercussions au Rwanda, dans l’Est de la Rdc, en Tanzanie et en Ouganda. C’est le genre de crise qui commence au niveau national et qui dégénère très vite en conflit régional. Et, lorsque l’on sait qu’il y a eu des génocides dans cette région, à commencer par celui rwandais qui a fait un million de morts en 1994 et dont les répercussions dans les pays voisins, ont été dramatiques, il faut absolument tout faire pour arrêter le feu qui se propage dans la maison du voisin. Je constate que l’Ouganda essaye de le faire avec Museveni dans le rôle de médiateur ; mais la Tanzanie est un acteur crucial dans la crise burundaise. Il faut favoriser un retour au dialogue et envisager en même temps que la situation peut empirer ; chose que je ne souhaite évidemment pas. Dans ce cas, il faut déployer les moyens qui s’imposent.
Donc, au déploiement d’une force d’interposition africaine comme la Maprobu que le régime et la récente mission de l’UA refusent de déployer…
En Afrique, quand on parle, on ne se bat pas. Mais, il faut parfois aussi bien de se parler même lorsque l’on se bat.
Jean Ping, le dernier Sommet de l’Ua a été marqué par le coup d’éclat d’un certain nombre de leaders africains qui ont invité leurs collègues à retirer leurs pays de la Cour Pénale Internationale, en l’accusant de vouloir s’acharner sur l’Afrique. Partagez-vous ce sentiment ?
Je comprends la position des pays africains. La création de la Cpi avait suscité beaucoup d’espoir et les Africains ont adhéré massivement au Traité de Rome, croyant à la justice et à l’égalité de la Cour Pénale Internationale. Mais, ils se sont progressivement aperçus que la Cpi donnait le sentiment de ne juger que les Africains. Pourquoi ne pas lancer des procédures sur l’Afghanistan, le Pakistan, le Sri Lanka, la Colombie, la Thaïlande ou le Moyen-Orient ? Il ne s’est vraiment rien passé dans ces pays et ces régions ? Pourquoi un tel acharnement sur les pays africains ? Ce problème de fond s’est considérablement aggravé lorsque l’argentin Ocampo était procureur de la CPI. Il y a ensuite un second problème à savoir qu’aucune puissance majeure n’est membre de la CPI, ni les Etats-Unis, ni la Russie, l’Inde et la Chine.
Ces pays ne veulent pas que leurs ressortissants soient jugés par cette Cour. Seuls les européens ont signé le Traité de Rome. De quel droit, les USA demandent à ce que le Président soudanais, Omar El Bashir, soit traduit en justice alors que ni Washington, ni Khartoum n’ont signé le Traité de Rome. Enfin, il y a un troisième reproche: lorsqu’un pays est en conflit, des problèmes de paix, de sécurité et de justice se posent. Pourquoi ne pas privilégier uniquement le volet justice ? Dans le cas du Soudan, la justice ne peut torpiller la paix et la sécurité. Ceci dit, la Cpi a encore un rôle à jouer; mais si rien ne change, nous jugerons nos délinquants chez-nous en Afrique. La Charte de l’Union Africaine stipule clairement qu’en cas de génocide, de crime contre l’humanité et de crime de guerre, l’Ua peut intervenir sans l’autorisation des gouvernements africains. Malheureusement, la Cour africaine de Justice n’a jamais disposé d’une Cour criminelle qui vient juste d’être instituée.
L’entretien a été réalisé depuis Bruxelles par Joshua Massarenti (Vita/Afronline, Italie) avec Le Nouveau Républicain (Niger), Le Confident (République centrafricaine), Infos Grands Lacs (RDC, Rwanda et Burundi), Sud Quotidien (Sénégal), Mutations (Cameroun), L’Autre Quotidien (Bénin)