leral.net | S'informer en temps réel

KEDOUGOU : PROCES DES « EMEUTIERS », DES PEINES ENTRE 5 ET DIX ANS, LA REGION EN SANGLOTS.

Onze des vingt et neuf prévenus sont relaxés, huit sont condamnés à cinq ans fermes, deux à sept ans et huit autres à une peine d’emprisonnement ferme de dix ans. Parmi eux, quatre étudiants, un élève et un enseignant. Suffisant pour que des voix fusent de partout pour battre en brèche le principe de l’indépendance de la justice qui, de l’avis de la plupart des habitants de la région orientale, a été encore une fois malmené.


Rédigé par leral.net le Lundi 12 Janvier 2009 à 10:53 | | 0 commentaire(s)|

KEDOUGOU : PROCES DES « EMEUTIERS », DES PEINES ENTRE 5 ET DIX ANS, LA REGION EN SANGLOTS.
« L’injustice de la justice est de loin préférée à la justice de l’injustice » pour Me Sidiki Kaba, l’un des conseils des prévenus au nombre de 29. Après un procès fleuve de près de 14 heures d’horloge, le verdict est tombé. Le tribunal relaxera 11 prévenus, condamnera 8 d’entre eux à 5 ans d’emprisonnement ferme, 2 écoperont de 7 ans fermes et 8 autres devront méditer sur leur sort une bonne décennie durant à la citadelle du silence. « Des familles sont disloquées, des carrières des pauvres et brillants étudiants sur lesquels devraient pouvoir compter toute une nation brisées, pour des droits à la vie que réclamaient les habitants de toute une région, nous sommes profondément bouleversés et ne reconnaissons plus notre justice qui semble aller à deux vitesses » clameront les membres du comité des ressortissants de Kédougou à Tambacounda.

Dans ses réquisitions, le Procureur de la République qui a parlé de » procès historique, de procès des pilleurs du siècle » a qualifiés les prévenus de » brebis égarées pas du tout représentatifs des populations de Kédougou qui sont loin d’être xénophobes comme certains laisseront l’entendre », dans la mesure où la puissance publique a mis en place un consistant plan d’investissement pour cette partie du pays, et son érection en région en est l’une des illustrations parfaites de sa volonté de mettre les populations dans des conditions d’existence les meilleures. Remontant les faits à partir du 7 décembre qui a vu des étudiants débarquer à Kédougou et mettre du feu à des pneus, tenir une série de réunions, lancer des appels à la mobilisation, créer un attroupement armé, parce qu’il y aurait dès le début de la manifestation des crépitements de balles, le procureur signifiera au tribunal que ces étudiants ont savamment et longuement concocté un plan de destruction et un autre de communication qui les disculperaient difficilement.

Sérigne Bassirou Guèye battra en brèche l’argument selon lequel c’est la mort du jeune Sina Sidibé qui les aurait surexcités. Ils ont bel et bien pillé, mis du feu à des édifices publics dont le tout nouveau et équipé tribunal départemental, blessés des éléments de la force publiques bien avant le drame. A ce sujet d’ailleurs, Mr Guèye, dira avoir la certitude, après avoir vu que la munition qui a fauché Sina Sidibé n’a pu être tirée par aucune des armes que détiennent les forces publiques, que ce ne sont pas les forces de l’ordre qui ont ouvert le feu sur la victime. Cette thèse nous a aussi été avancée par un haut gradé de l’armée qui soutiendra que les types de munitions dont disposent les militaires auraient fait sauter la tête du défunt, traverser et atteindre d’autres manifestants, bref, un débat d’initiés !

Le Procureur de la République de requérir des sanctions en fonction des quatre groupes de prévenus. La relaxe pour un premier groupe de 5 qui ont nié systématiquement les faits aussi bien durant l’enquête préliminaire, à l’interrogatoire de première comparution qu’à la barre. Il confiera aux bons soins du tribunal un second groupe de 3 pour lesquels il soutiendra douter sincèrement sur leur sort. Quant au troisième groupe de 10, le procureur dira qu’ils ont reconnu être des manifestants. Sous ce rapport, il requiert une peine d’emprisonnement ferme de 9 ans. Le quatrième et dernier groupe est, de l’avis du procureur, celui des meneurs. 10 ans fermes est la sanction qu’il proposera au tribunal. Avant lui l’agent judiciaire de l’Etat demandera curieusement le franc symbolique pour les dommages subis par l’Etat dans son âme et dans son corps, non sans avoir au préalable réaffirmé avec force le caractère unique et indivisible de l’Etat. « Vous ne pourrez vous exclure de l’Etat en le malmenant, en insultant la République et lui demander en retour plus de considération », un incroyable paradoxe, fulminera-t-il.

LA DEFENSE ENTRE DANS LA DANSE ET PARLE « DE PREUVES FORCEES ».

Mes Demba Ciré Bathily, Assane Dioma Ndiaye, Mohamed Sarr et Sidiki Kaba n’ont vraiment pas fait dans la dentelle en parlant d’abord de « plan machiavélique » tendant à détruire de pauvres innocents, « parce que l’on veut protéger des intérêts privés et masquer des débats majeurs consistant à revoir de fonds en comble la problématique des opérations minières en cours dans la région de Kédougou » posera Me Demba Ciré Bathily selon qui, les preuves brandies par le parquet sont des preuves forcées. « C’est renversant de voir tous ces corps lacérés qui illustrent parfaitement que ces pauvres ont subi des tortures et que le procureur veuillent faire remonter ces blessures à un demi siècle avant. Ceci atteste qu’il n’a aucune sorte de considération pour la dignité humaine » ajoutera Me Bathily. Pour Me Assane Dioma Ndiaye, « les éléments de preuve brandis par le parquet ne sauraient justifier les peines prononcées par le procureur. Ils sont légers. Pour la première fois dans l’histoire judiciaire de la nation, un témoin, le principal à charge qu’est le commandant de la brigade de gendarmerie de Kédougou, est également partie civile ». Outre les tortures et pour étayer ses propos, le militant des droits de l’homme s’étonnera que des déclarations de codétenus ou encore des sources anonymes puissent constituer des éléments de preuves dans un dossier aussi sérieux où l’avenir de pauvres innocents est en jeu. Me Sidiki Kaba parlera « de château de cartes » qu’il a tenté de démolir en s’interrogeant sur le fait que comment est ce qu’il est possible que dans une manifestation de plus d’un millier d’âmes, l’on puisse pointer du doigt seulement 29 personnes. « Condamnez les coupables, oui, mais ceux là ne le sont pas. Personne, à commencer par nous, ne saurait admettre que des institutions de la république soient saccagées » laissera-t-il entendre.

LA SENTENCE TOMBE, DU MONDE S’EFFONDRE.

Rolland Kaly Boubane, Jean Pierre Yéra Bindia, Aladji Bakary Cissé (un gambien en transit qui était là au mauvais moment), tous des chômeurs, ainsi que Salif Diallo, interprète au tribunal départemental de Kédougou, Douga Fainké et Amadou Diouldé Barry, étudiants, Mallé Dansokho un commerçant, Sory Keita un plombier, Koliba Cissokho chauffeur, Ibrahima Diallo et Martin Bassène d’anciens militaires seront relaxés. Fatim Bâ étudiante, Lamarana Diallo, Boubacar Médoune Diop tailleur, Dembo Bâ frigoriste, Alpha Oumar Touré sans emploi, Youssouph Sidibé chauffeur, Mady Keita marabout et Mamadou Dian Diallo mécanicien écoperont de 5 ans d’emprisonnement ferme.

Cette peine passera à 7 ans fermes pour Issa Diallo dont on dit qu’il est le président du GIE « IAMK » qui veut dire Insertion des Anciens Militaires de Kédougou et Aliou Monékhata un animateur de radio. Saloun Taouda, un blessé par balle qui n’a même pu se tenir debout à la barre, Alphousseynou Diallo un élève, Ithiar Bindia, Gérémy Bianquinch, Amadou Tidiane Diallo et Kally Sammuel Boubane, des étudiants, ainsi que Assane Diallo enseignant et Souleymane Diallo sans emploi sont condamnés à 10 ans d’emprisonnement fermes. Près de 17 millions de francs de préjudice pèseront également sur leurs dos. Suffisant pour que s’effondrent dans la salle d’audience des parents des détenus, qu’éclatent en sanglots des mères de familles ayant effectué le déplacement.

Pour Me Sidiki Kaba, « ce verdict n’est pas de nature à œuvrer dans le sens de l’apaisement ». Assane Dioma Ndiaye dira que la défense interjettera appel.

LES KEDOVINS DE TAMBACOUNDA SONNENT LA MOBILISATION GENERALE.

Loin de voir leur élan brisé par ce verdict, les ressortissants de Kédougou à Tambacounda, très en vue dans un bel élan de solidarité, se sont davantage soudés et ont appelé à la mobilisation générale des Kédovins d’ici et d’ailleurs pour combattre cette forme d’injustice et mouiller le maillot pour le développement endogène de la nouvelle région. « Ce sera par des voies légales et démocratiques, et c’est pourquoi, nous invitons tous ceux qui sont épris de paix et de justice, à se joindre à nous pour mener ce combat » dira le président Gouda Soumaré qui ajoutera » s’étonner que l’agent judiciaire de l’Etat demande le franc symbolique et que le parquet requiert des peines aussi lourdes ». Devant les gratte-papiers ce samedi, ils ont tous réaffirmé leur désarroi et leur profonde indignation face à ce qu’ils ont considéré comme étant « une justice à deux vitesses de nature à disloquer des familles, à briser des vies ».

« Sous d’autres cieux des actes aussi graves que le drapeau national brûlé à Kébémer pour une banale histoire de portefeuille ministériel, des prisonniers qui s’égarent à Touba, la vie de Talla Sylla à laquelle l’on a voulu attenter et plus récemment l’affaire dite Farba Senghor avec les locaux de certains organes de presse saccagés, les coupables connus hument toujours l’air de la liberté et plus personne n’en parle d’ailleurs » martèlera, le cœur visiblement meurtri, Bengaly Keita, un membre actif du comité des Kédovins de Tambacounda. « C’en est trop, la coupe est cette fois-ci pleine, nous ne nous laisserons guère faire et utiliserons pour ce faire tous les canaux légaux » soulignera-t-il. Le cas des étudiants a été souligné, surtout celui de la brillante Fatim Bâ en année de licence d’économie, qui aurait la malchance d’être la trésorière de l’Amicale des Elèves et Etudiants Ressortissants de Kédougou à Dakar. « Nous fondons un incommensurable espoir sur cette génie, car son espèce est rare dans son Salémata natal et dans la région. Une fille qui accepte poursuivre ses études jusqu’à ce niveau, c’est un modèle que toute une communauté perd.

C’est pourquoi, j’en appelle au soutien du réseau Siggil Jigeen, au mouvements de lutte contre les violences faites aux femmes et à toutes les associations de défense des droits de l’Homme » dira Mme Dieynaba Sidibé, membre du comité et présidente du directoire régional des femmes en élevage. Une assemblée générale des Kédovins de Tambacounda est en gestation pour définir certainement les axes de la lutte.

source sud quotidien

leral .net