Qu’est ce qui est à l’origine de ce phénomène ? L’implantation des sociétés minières, les touristes et la pauvreté en sont pour quelque chose. Sont-ils les seules raisons ? La gendarmerie fait des pieds et des mains pour stopper l’avancée fulgurante de cette prostitution, mais face à leur manque criard de logistique beaucoup reste à faire. |
Pas plus tard que le jeudi dernier, la brigade de gendarmerie avait arrêté quatre prostituées qui travaillaient de façon illégale. Les trois, des sœurs nigérianes et une Sénégalaise n’avaient pas leurs cartes et elles faisaient ce qu’on appelle du racolage à en croire l’adjudant-chef Dramé de la brigade de gendarmerie.
Ce qui illustre tout simplement ce qui se passe actuellement à Kédougou, le pays des hommes intègres en mandingue. Des choses jamais imaginées jadis. Mais depuis plus d’une décennie, démarcher une fille le premier jour et se la couler douce chez soi ou dans un hôtel de la place ou bien un campement, est devenu le fonds de commerce de très jolies perles.
Sont-elles naïves ? Ou est-ce un problème d’éducation ou de conjoncture économique ? En tout cas d’aucuns pensent que l’implantation des sociétés minières, l’arrivée des touristes et le commun vouloir du gain facile sont les principales raisons.
Notre micro trottoir dans plusieurs endroits de la ville nous a permis d’avoir une idée sur cette « vraie prostitution » qui se fait clandestinement.
« Ici à Kédougou il y a beaucoup de choses à faire. Il y a le problème des étrangers, de la drogue, de la fraude et surtout de la prostitution qui apeure tout le monde », confie d’emblée le commandant de brigade de la gendarmerie. Et de poursuivre « nous avons fiché 26 prostituées dans la commune. Mais les quatre qu’on a arrêtées la fois passée faisaient du racolage. Elles étaient sans cartes et dans un état d’ébriété sans précédent. Aujourd’hui elles sont déférées au parquet de Tambacounda ».
La position géographique de la nouvelle région de Kédougou aussi en est une des raisons à en croire l’Adjudant-Chef Dramé. Les blouses blanches, elles, aussi ne cessent d’alerter l’opinion nationale et internationale sur cette question.
« Tout le monde doit se lever pour combattre la pandémie du Vih/sida dans la région de Kédougou », indique le médecin chef de région Doudou Sène. Et de préciser « au moment où le taux de prévalence est de 0,7% au niveau national, il est de 4 % à Kédougou et de 7 % dans les zones aurifères. C’est à cause de la prostitution ».
Les parents ont également une autre part responsabilité car ils ne contrôlent pas leurs filles selon Dr Sène. Pour lui, “les filles se promènent avec des portables de dernier cri, des fringues trop chères qui ne sont pas achetés par leurs parents“.
Les jeunes eux aussi ont leur version des faits. Quelqu’un comme Papis Diallo, un vrai rat de boîtes de nuit soutient que “les filles ne sont omnibulées que par le gain facile“. Quant à son acolyte Aly Bâ il pense que “cette prostitution qui prend des ampleurs très inquiétantes a pour soubassement un manque criard d’éducation“.
Une autre fille rencontrée dans une boîte de la place, donne aussi son avis. « Je pense quand on n’a pas les moyens de porter ce que les autres camardes filles portent, on doit se contenter de ce qu’on a. Point barre ! », tonne la demoiselle qui a préféré garder l’anonymat.
Chez les travailleuses de sexe, comme dans le jargon de la santé, mais il a fallu remuer ciel et terre pour qu’elles se confient, non sans de fermes conditions.
« Je suis une prostituée et j’ai ma carte. J’ai été mariée à l’âge de treize ans à un homme qui pouvait être mon père et que je ne l’aimais. Au bout de six ou sept ans, on a eu trois enfants et je voyais les filles de mon âge qui elles n’avaient que trois enfants. Je voyais les filles de mon âge qui s’épanouissaient comme elles le voulaient », nous confie-t-elle.
Après sa première intervention, elle observe un long silence. Puis, elle se reprend. “Puisque je ne l’aimais pas, je continuais à voir mon petit ami pendant notre mariage. Quand mon mari l’a découvert, il m’a traité de tous les noms d’oiseau et m’a frappé. Ce fut le divorce. Depuis lors, je me débrouille pour nourrir mes trois enfants. Je me cachais au début, mais chemin faisant, je me suis dite qu’il fallait que je sois régulière parce que je me …prostitue », confie-t-elle les larmes aux yeux.
Elle replonge à nouveau dans un silence. Interpellée sur la somme qu’elle encaisse quand elle a un client, la dame nous confie qu’elle varie du type du client et de l’endroit où ils comptent faire la passe. « Si c’est chez moi, je demande 5000 F Cfa. Dans un hôtel, c’est 7.000 F Cfa. Si c’est chez lui, la passe s’élève à 10.000 F CFa. Maintenant quand il s’agit d’un toubab (européen) là le prix n’est pas fixe, mais on se fait des affaires ».
A côté de ces prostituées en règle, une autre horde de filles plus jeunes appelées « groupe Jakarta » coachée par une gérante d’un bar de la place défraie la chronique. Chaque jour c’est à partir de 17 heures qu’elles enfilent leurs vêtements les plus sexy et enfourchent leurs motos qui portent le nom de la capitale indonésienne Jakarta en direction les campements touristiques et les hôtels.
Leurs motos coûtent 300.000 F Cfa pièce parfois plus. Or, elles n’ont comme activité que le travail de sexe connu et au su de tous. C’est pourquoi depuis la semaine passée la brigade de gendarmerie a arrêté plus d’une dizaine de motos venant toutes de la Guinée voisine, sans pièces.
Face à ce phénomène qui surprend plus d’un, la gendarmerie mène des patrouilles les week-ends pour mieux assainir et sécuriser la ville de Kédougou.
SUD QUOTIDIEN