Le «cerveau» est de retour. Cette nouvelle n'avait rien d'évident. Crâne dégarni et visage poupin, malgré ses 61 ans, Karl Rove, que Bush surnommait «Boy Genius» (le petit génie) pour sa science de la politique sans gants de boxe, a mis du temps à se faire à Mitt Romney et à son charisme évanescent, comme d'autres poids lourds du «Grand Old Party» (GOP, Parti républicain) tels que Colin Powell ou Condoleezza Rice. Le conservatisme modéré du candidat mormon n'a jamais fait fureur au sein des cercles néoconservateurs «roviens», un néologisme inventé par la presse américaine du temps où Karl Rove faisait la pluie et le beau temps à Washington.
Mais, à présent que les fratricides primaires républicaines sont terminées, le stratège qui avait quitté la Maison-Blanche en 2007, pour embrasser une carrière de lobbyiste, ne transige plus. Ce ne sera pas Rick Santorum ou Newt Gingrich comme il l'aurait préféré, mais le Parti républicain ne peut pas perdre une seconde fois la présidentielle.
Avec son super PAC (comité d'action politique) «American Crossroads», et son pendant à but non lucratif «Crossroads GPS», Rove a d'ores et déjà investi près de 9,3 millions de dollars en publicités télévisées, destinées à combler le léger retard de Romney sur Obama dans les sondages. Cœur de cible désigné, les électeurs indécis des neuf «swing states (États-bascule)»: Colorado, Floride, Iowa, Michigan, Caroline du Nord, New Hampshire, Nevada, Ohio et Virginie. Pour les convaincre, le clip financé par Crossroads, intitulé «Écran de fumée», accuse Obama d'avoir lancé de violentes attaques contre Romney pour mieux faire oublier son «désastreux» bilan économique. «(Obama) accroît la dette publique de 4 milliards de dollars chaque jour, le chômage reste bloqué à 8 % et les revenus des ménages s'effondrent, assène la voix off. Obama ne peut pas s'en tirer avec un tel bilan.»
La manne du roi des casinos
L'influence de Karl Rove demeure largement sous les écrans radars mais elle n'en reste pas moins immense. Ouvrant son carnet d'adresses très fourni, il a commencé à passer des appels téléphoniques, dans le but d'amasser un milliard de dollars. C'est la somme jugée nécessaire pour faire d'une pierre trois coups: propulser Romney à la Maison-Blanche en novembre, conserver le contrôle de la Chambre des représentants et reconquérir le Sénat, perdu en 2010 au profit des démocrates.
Usant de son aura, Rove a commencé par séduire Sheldon Adelson, le «roi des casinos» de Las Vegas, patron des hôtels-casinos Sands. Pour un résultat spectaculaire: 31 millions de dollars au total dans la musette du candidat républicain, à charge pour Romney d'afficher une attitude résolument pro-israélienne, condition sine qua non présentée par Adelson en échange de son soutien.
Dans la cité du jeu, Rove a réussi un plus grand exploit encore: convaincre un autre milliardaire, Jeff Wynn, propriétaire des casinos du même nom, d'emboîter le pas. Wynn pointait encore il y a peu au Parti démocrate et avait soutenu Obama en 2008. Grandement déçu par le président, il rechignait cependant à placer son écot chez Romney, de peur d'être «blacklisté» par la Maison-Blanche. Karl Rove lui a garanti une discrétion absolue, Crossroads GPS n'ayant pas à dévoiler l'identité de ses bienfaiteurs. Wynn, devenu un intime de Rove à la faveur de leurs mariages respectifs célébrés tout récemment, aurait déjà donné plusieurs millions à la fondation.
Homme de réseaux, Rove a construit sa légende sur une liberté de ton sans égale et une pugnacité redoutée. Maîtrisant tous les artifices et chausse-trappes du combat politique, celui que Bush avait également affublé du charmant sobriquet de «turd blossom (fleur de fumier)» pour son aptitude à surnager, a su exploiter l'espace médiatique. Chroniqueur payé à prix d'or par la chaîne Fox News, il signe depuis son départ de la Maison-Blanche une tribune dans le quotidien Wall Street Journal, parmi les plus lues de toute la presse américaine. Romney n'échappe pas à ses critiques. «La réponse pleurnicharde de l'équipe Romney aux attaques d'Obama, regrette-t-il sans ambages, a consisté à exiger des excuses (pour les accusations de délocalisation d'emplois américains et d'évasion fiscale), ce qui gêne les militants républicains, qui commencent à se demander si Romney et son équipe sont vraiment prêts à affronter les torrents de boue qui s'annoncent.»
L'ancien «cerveau» de Bush veillera à ce que le camp républicain réponde du tac au tac à ces «coups bas» du camp démocrate, si d'aventure Romney venait à flancher. Dans la dernière ligne droite d'une campagne présidentielle, tous les moyens sont permis, ne manque jamais de rappeler le «Boy Genius». Et voilà le stratège Karl Rove redevenu indispensable.
Par Maurin Picard
Mais, à présent que les fratricides primaires républicaines sont terminées, le stratège qui avait quitté la Maison-Blanche en 2007, pour embrasser une carrière de lobbyiste, ne transige plus. Ce ne sera pas Rick Santorum ou Newt Gingrich comme il l'aurait préféré, mais le Parti républicain ne peut pas perdre une seconde fois la présidentielle.
Avec son super PAC (comité d'action politique) «American Crossroads», et son pendant à but non lucratif «Crossroads GPS», Rove a d'ores et déjà investi près de 9,3 millions de dollars en publicités télévisées, destinées à combler le léger retard de Romney sur Obama dans les sondages. Cœur de cible désigné, les électeurs indécis des neuf «swing states (États-bascule)»: Colorado, Floride, Iowa, Michigan, Caroline du Nord, New Hampshire, Nevada, Ohio et Virginie. Pour les convaincre, le clip financé par Crossroads, intitulé «Écran de fumée», accuse Obama d'avoir lancé de violentes attaques contre Romney pour mieux faire oublier son «désastreux» bilan économique. «(Obama) accroît la dette publique de 4 milliards de dollars chaque jour, le chômage reste bloqué à 8 % et les revenus des ménages s'effondrent, assène la voix off. Obama ne peut pas s'en tirer avec un tel bilan.»
La manne du roi des casinos
L'influence de Karl Rove demeure largement sous les écrans radars mais elle n'en reste pas moins immense. Ouvrant son carnet d'adresses très fourni, il a commencé à passer des appels téléphoniques, dans le but d'amasser un milliard de dollars. C'est la somme jugée nécessaire pour faire d'une pierre trois coups: propulser Romney à la Maison-Blanche en novembre, conserver le contrôle de la Chambre des représentants et reconquérir le Sénat, perdu en 2010 au profit des démocrates.
Usant de son aura, Rove a commencé par séduire Sheldon Adelson, le «roi des casinos» de Las Vegas, patron des hôtels-casinos Sands. Pour un résultat spectaculaire: 31 millions de dollars au total dans la musette du candidat républicain, à charge pour Romney d'afficher une attitude résolument pro-israélienne, condition sine qua non présentée par Adelson en échange de son soutien.
Dans la cité du jeu, Rove a réussi un plus grand exploit encore: convaincre un autre milliardaire, Jeff Wynn, propriétaire des casinos du même nom, d'emboîter le pas. Wynn pointait encore il y a peu au Parti démocrate et avait soutenu Obama en 2008. Grandement déçu par le président, il rechignait cependant à placer son écot chez Romney, de peur d'être «blacklisté» par la Maison-Blanche. Karl Rove lui a garanti une discrétion absolue, Crossroads GPS n'ayant pas à dévoiler l'identité de ses bienfaiteurs. Wynn, devenu un intime de Rove à la faveur de leurs mariages respectifs célébrés tout récemment, aurait déjà donné plusieurs millions à la fondation.
Homme de réseaux, Rove a construit sa légende sur une liberté de ton sans égale et une pugnacité redoutée. Maîtrisant tous les artifices et chausse-trappes du combat politique, celui que Bush avait également affublé du charmant sobriquet de «turd blossom (fleur de fumier)» pour son aptitude à surnager, a su exploiter l'espace médiatique. Chroniqueur payé à prix d'or par la chaîne Fox News, il signe depuis son départ de la Maison-Blanche une tribune dans le quotidien Wall Street Journal, parmi les plus lues de toute la presse américaine. Romney n'échappe pas à ses critiques. «La réponse pleurnicharde de l'équipe Romney aux attaques d'Obama, regrette-t-il sans ambages, a consisté à exiger des excuses (pour les accusations de délocalisation d'emplois américains et d'évasion fiscale), ce qui gêne les militants républicains, qui commencent à se demander si Romney et son équipe sont vraiment prêts à affronter les torrents de boue qui s'annoncent.»
L'ancien «cerveau» de Bush veillera à ce que le camp républicain réponde du tac au tac à ces «coups bas» du camp démocrate, si d'aventure Romney venait à flancher. Dans la dernière ligne droite d'une campagne présidentielle, tous les moyens sont permis, ne manque jamais de rappeler le «Boy Genius». Et voilà le stratège Karl Rove redevenu indispensable.
Par Maurin Picard