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L’APR avant les locales: La massification de tous dangers !

Pour l’APR (Alliance Pour la République) et ses dirigeants, l’heure est à la massification avec la perspective des élections locales. Mais les tendances hégémoniques du parti du président Macky Sall seront-elles acceptées sans murmures ni protestations par d’encombrants alliés qui l’ont aidé à se hisser au pouvoir ? Rien n’est moins sûr alors que l’alliance Benn Bokk Yakaar se craquelle. « Le Témoin » analyse.


Rédigé par leral.net le Dimanche 24 Mars 2013 à 13:19 | | 0 commentaire(s)|

L’APR  avant les locales: La massification de tous dangers !
De plus en plus de dirigeants de partis membres de la Coalition, comme ceux de Rewmi du maire de Thiès, Idrissa Seck, ou d’autres certes moins en vue, par exemple des seconds couteaux du Parti Socialiste ruent dans les brancards face à la volonté hégémonique de l’APR qui tente de se massifier par tous moyens, tel un éléphant dans un magasin de porcelaine.

Ces contradictions à l’intérieur de la majorité présidentielle sont la résultante d’ambitions contraires opposant les cadres du parti présidentiel à ses alliés. Certes, juste après la présidentielle, les alliés de M. Macky Sall avaient fait profil bas, laissant le Chef de l’Etat dresser à sa guise les listes pour les législatives.

En effet, pour beaucoup d’alliés, il était contre-productif, voire suicidaire, de faire cavalier seul, alors que le chef de l’Etat nouvellement élu traversait un lumineux état de grâce. En plus beaucoup attendaient les juteuses prébendes d’une position de sénateur. On connait la suite…
Au bout d’une année de pouvoir, le quatrième président de la République du Sénégal est en train de se rendre compte de la difficulté de la tâche accrue par le caractère désastreux de l’héritage. En fait, même s’il a remporté l’élection présidentielle, cette victoire est arrivée trop tôt pour Macky Sall. En effet, alors qu’il était en train de déployer son parti au plan national, de recruter et former des cadres, de s’affirmer aux plans national et international, voilà qu’il devient président de la République. Et ce alors qu’il ne s’y attendait pas de toute évidence.

Cette victoire a été un véritable appel d’air pour l’arrivée des cadres de tous horizons. Le seul drame pour l’Alliance pour la République, c’est que ses cadres ne disposent d’aucune base et sont à peine connus de l’électeur lambda.
Confronté à cet écueil majeur, le fondateur de ce parti— et ancien Premier ministre du président Abdoulaye Wade — a décliné d’abord une stratégie de fusion avec des personnalités comme Mme Aminata Tall, actuelle présidente du Conseil Economique, Social et Environnemental, Aly Ngouille Ndiaye, ministre de l’Energie et des Mines, le tonitruant Me El Hadj Diouf avec son fantomatique et squelettique Parti des Travailleurs et du Peuple et, bientôt, l’architecte Ousseynou Faye du M2R, Mouvement pour la Renaissance Républicaine. Il a aussi pris langue avec des chefs de partis comme Mme Fatoumata Zahra Iane Thiam ou Cheikh Sarr, le leader de ñaxx jariñu et par ailleurs maire de Guédiawaye. A tous, il a proposé de saborder leurs formations à l’intérieur de la sienne.
Le second volet de la stratégie présidentielle, c’était de recourir, toute honte bue, à la détestable transhumance que Me Wade avait portée au pinacle.
Or, cette désastreuse transhumance, surtout avec des personnalités décriées comme Khoureychi Thiam ou, comme l’a annoncé M. Mbaye Ndiaye, ministre d’Etat à la présidence de la République et directeur des Structures de l’APR, 35 députés PDS de l’ancienne législature, cette transhumance est non seulement inadmissible moralement, mais aussi combattue par les bases de l’APR.

Beaucoup de cadres du parti présidentiel qui piaffent d’impatience d’occuper des stations voient d’un mauvais œil non seulement les alliés, mais aussi, et a fortiori des caméléons qui, il y a à peine un an, faisaient la guerre à leur parti et à son chef.
Cette transhumance honnie risque d’être le déclencheur de graves frustrations auprès des cadres de l’APR. Ayant pressenti le danger, Me Alioune Badara Cissé, formellement numéro 2 de l’APR, sonne déjà le tocsin. Après avoir déconseillé toute structuration de ce parti à moins d’un an des locales, il : explique : « Le mécontentement risque d’être plus ample. La frustration va connaitre un niveau tellement exacerbé que mobiliser les troupes, mobiliser ceux-là qui sont laissés en rade pour les députations, les investitures locales, pour le Conseil Economique socialet environnemental (CESE) va poser problème ».

Pour l’ancien ministre des Affaires étrangères, dans la situation politique actuelle, la meilleure chose qui pourrait arriver à l’APR c’est que le Président tienne solidement la barre, comme un grand timonier. A ses yeux, en effet, « il faut continuer à donner mandat au président du Parti, lui donner les compétences pour animer le parti jusqu’aux élections locales. Me Alioune Badara Cissé ajoute : « Après les locales, le parti disposerait à ce moment de trois ans pour la prochaine élection présidentielle. A ce moment-là, on peut, par vente des cartes ou par placement, arriver à structurer le parti ».

Ce point de vue de l’ex-ministre des Affaires étrangères est proche de celui d’Abdou Mbow, le député APR en charge des jeunes de son parti. A l’encontre des boute -feux comme Moustapha Cissé Lo « el Pistolero », ou Mbaye Ndiaye, très peu politiques, le président de la République gagnerait assurément à mettre la pédale douce avec ses alliés qu’il devra d’ailleurs distinguer.

En effet, Idrissa Seck de Rewmi n’a jamais caché ses ambitions d’être le 4ème Président du Sénégal comme le déclinait son slogan en 2012,« Idy 4 Président »… Certes, même si les résultats n’ont pas été en sa faveur, il n’a jamais caché qu’il avait retenu la leçon. Comme De Gaulle face aux colons algériens leur lançait en 1958« Je vous ai compris », Idrissa Seck, en clamant qu’il allait faire une tournée nationale pour massifier son parti, peut dire la même chose aux Sénégalais. Les jeux sont clairs, même si Idrissa Seck a participé à l’hallali qui a éjecté Me Wade du pouvoir. En effet, dès les débuts du nouveau régime, il a décliné toute « station », fût-elle ministérielle ou parlementaire, pour décliner sa feuille de route qui devrait le mener à son but ultime : être le cinquième président du Sénégal. Et ce même si, tactiquement, il s’est mis dans le bloc de Benno Bok Yakaar. Sans grande illusion, il faut bien le reconnaître.

Devant le désenchantement général et les erreurs du nouveau Président, le maire de Thiès se présente comme une alternative.
Cette ambition est légitime, lorsqu’on sait que le thème de l’alternance générationnelle le fascine dans la mesure où les grands chefs de parti de Benno Bok Yakaar sont au crépuscule de leur carrière et, par conséquent, lui ouvrent un grand boulevard.
Macky Sall et son parti devraient prendre plus au sérieux leurs alliés. Par exemple, dans les scénarii du futur, il ne faut rien exclure : d’une part, les retrouvailles entre Idrissa Seck et la partie saine du PDS et, d’autre part, des alliances avec Bok Gis Gis de Pape Diop, l’a ncien président du défunt Sénat.

Au vu du déroulement de l’actualité, on est en plein dans une grande recomposition politique accélérée par la prégnance de l’Exécutif sur les autres pouvoirs, par le choc des ambitions.
Cette décantation prendra-t-elle les airs d’un repositionnement idéologique ou se fera-t-elle par des batailles de positionnement individuel ? En tous cas, les élections locales serviront de grande répétition générale avant la présidentielle de 2017. C’est pourquoi, les cadres intermédiaires des partis alliés ruent dans les brancards et se révoltent contre les états-majors. Une recomposition du paysage politique national ? Ce serait une excellente nouvelle par les temps qui courent !


IBRAHIMA MANE
« Le Témoin » N° 1117 –Hebdomadaire Sénégalais (Mars 2013)