Dix-neuf morts à Hilla. Dix-huit à Bagdad. Sept à Taji et quatre autres à Baqouba. Au total, pas moins de 29 attaques particulièrement meurtrières - dont douze à la voiture piégée - ont été perpétrées mercredi à travers l'Irak, rappelant à la communauté internationale que si les feux de l'actualité ne sont plus braqués sur l'ancienne Mésopotamie, la situation y demeure des plus fragiles, tant sur le plan sécuritaire que politique.
Toutes les cibles étaient des membres de la majorité chiite, qui célèbre l'anniversaire de la mort de Moussa al-Kazem, le septième des douze imams vénérés par les descendants d'Ali. Il faut remonter au 20 mars dernier pour trouver des attaques aussi meurtrières. Elles n'ont pas été revendiquées, mais tout porte à croire qu'elles ont été commises par des extrémistes sunnites liés à la mouvance locale d'al-Qaida. «Sa stratégie est claire, a affirmé au Wall Street Journal le vice-ministre de l'Intérieur, Ahmed al-Khafaji. Al-Qaida cherche à provoquer une guerre confessionnelle entre chiites et sunnites.»
Cette flambée de violence intervient alors que l'Irak est plongé dans une profonde crise institutionnelle. Accusé de pratiques dictatoriales dignes de Saddam Hussein, le premier ministre Nouri al-Maliki est à la merci d'un vote de défiance du Parlement, où ses nombreux adversaires veulent sa peau. Parmi ceux-ci, les 40 députés du leader chiite Moqtada al-Sadr, qui a appelé al-Maliki à «démissionner pour le bien du pays». Ce n'est sans doute pas un hasard si leur protégé a été convoqué à Téhéran la semaine dernière. Ce sont ces mêmes Iraniens qui avaient contraint les «sadristes» à soutenir al-Maliki au poste de premier ministre après les élections législatives de mars 2010.
Depuis, l'accord de partage du pouvoir, arraché en décembre suivant par les Kurdes, a volé en éclats. Le cabinet d'union nationale est inefficace dans un pays à reconstruire, où la majeure partie de la population vit toujours dans la pauvreté. Depuis le retrait militaire américain d'Irak en décembre, le gouvernement est en permanence au bord de la rupture, si bien qu'aujourd'hui Kurdes et «sadristes», alliés au bloc sunnite de l'ancien premier ministre Iyad Allaoui, ont la capacité de rassembler une majorité de députés contre al-Maliki.
Le rôle de l'Iran
Mais l'inoxydable chef du gouvernement depuis 2006 n'a pas dit son dernier mot. Face à des blocs kurde et sunnite fragmentés, il reste le seul à rassembler un tant soit peu autour de sa personne. Quitte à user de méthodes expéditives, comme en avril lorsqu'il ordonna l'arrestation du président de la commission électorale, le Kurde Faraj al-Haidari, soupçonné de corruption. D'autre part, il n'est pas dans l'intérêt du voisin iranien d'ordonner à ses amis «sadristes» de lâcher al-Maliki, au moment où un autre allié de l'Iran dans la région - la Syrie de Bachar el-Assad - vacille.
Actuellement, Téhéran a au contraire intérêt à un Irak stable. Au final, estiment de nombreux observateurs, al-Sadr pourrait utiliser cette crise pour arracher de nouvelles concessions à son rival al-Maliki sur les principaux litiges toujours pendants: le partage des pouvoirs, l'utilisation de la rente pétrolière et le sort de Kirkouk et des territoires disputés autour de la ville pétrolière du Nord.
Est-ce un hasard? Trois régiments d'artillerie viennent d'être envoyés à Kirkouk. «Pour quoi faire?», s'interroge un expert en sécurité à Bagdad. Le Parlement sera convoqué le 21 juin afin d'examiner une éventuelle motion de censure anti-al-Maliki. D'ici là, sur le terrain, la violence risque de resurgir à tout moment.
Par Georges Malbrunot
Toutes les cibles étaient des membres de la majorité chiite, qui célèbre l'anniversaire de la mort de Moussa al-Kazem, le septième des douze imams vénérés par les descendants d'Ali. Il faut remonter au 20 mars dernier pour trouver des attaques aussi meurtrières. Elles n'ont pas été revendiquées, mais tout porte à croire qu'elles ont été commises par des extrémistes sunnites liés à la mouvance locale d'al-Qaida. «Sa stratégie est claire, a affirmé au Wall Street Journal le vice-ministre de l'Intérieur, Ahmed al-Khafaji. Al-Qaida cherche à provoquer une guerre confessionnelle entre chiites et sunnites.»
Cette flambée de violence intervient alors que l'Irak est plongé dans une profonde crise institutionnelle. Accusé de pratiques dictatoriales dignes de Saddam Hussein, le premier ministre Nouri al-Maliki est à la merci d'un vote de défiance du Parlement, où ses nombreux adversaires veulent sa peau. Parmi ceux-ci, les 40 députés du leader chiite Moqtada al-Sadr, qui a appelé al-Maliki à «démissionner pour le bien du pays». Ce n'est sans doute pas un hasard si leur protégé a été convoqué à Téhéran la semaine dernière. Ce sont ces mêmes Iraniens qui avaient contraint les «sadristes» à soutenir al-Maliki au poste de premier ministre après les élections législatives de mars 2010.
Depuis, l'accord de partage du pouvoir, arraché en décembre suivant par les Kurdes, a volé en éclats. Le cabinet d'union nationale est inefficace dans un pays à reconstruire, où la majeure partie de la population vit toujours dans la pauvreté. Depuis le retrait militaire américain d'Irak en décembre, le gouvernement est en permanence au bord de la rupture, si bien qu'aujourd'hui Kurdes et «sadristes», alliés au bloc sunnite de l'ancien premier ministre Iyad Allaoui, ont la capacité de rassembler une majorité de députés contre al-Maliki.
Le rôle de l'Iran
Mais l'inoxydable chef du gouvernement depuis 2006 n'a pas dit son dernier mot. Face à des blocs kurde et sunnite fragmentés, il reste le seul à rassembler un tant soit peu autour de sa personne. Quitte à user de méthodes expéditives, comme en avril lorsqu'il ordonna l'arrestation du président de la commission électorale, le Kurde Faraj al-Haidari, soupçonné de corruption. D'autre part, il n'est pas dans l'intérêt du voisin iranien d'ordonner à ses amis «sadristes» de lâcher al-Maliki, au moment où un autre allié de l'Iran dans la région - la Syrie de Bachar el-Assad - vacille.
Actuellement, Téhéran a au contraire intérêt à un Irak stable. Au final, estiment de nombreux observateurs, al-Sadr pourrait utiliser cette crise pour arracher de nouvelles concessions à son rival al-Maliki sur les principaux litiges toujours pendants: le partage des pouvoirs, l'utilisation de la rente pétrolière et le sort de Kirkouk et des territoires disputés autour de la ville pétrolière du Nord.
Est-ce un hasard? Trois régiments d'artillerie viennent d'être envoyés à Kirkouk. «Pour quoi faire?», s'interroge un expert en sécurité à Bagdad. Le Parlement sera convoqué le 21 juin afin d'examiner une éventuelle motion de censure anti-al-Maliki. D'ici là, sur le terrain, la violence risque de resurgir à tout moment.
Par Georges Malbrunot