A l’instar de l’auteur de la pertinente lettre ouverte* adressée au président de la « Commission nationale de réforme des institutions » (Cnri), nous saluons l’appel solennel de ce dernier à « toutes les composantes de la nation » pour participer à cette concertation nationale, destinée à « recueillir leurs points de vue, leurs avis et leurs suggestions sur les changements à apporter à la Constitution pour que celle-ci reflète les sentiments et les aspirations profondes de toute la communauté nationale ». Pour la première fois depuis l’« indépendance » du Sénégal, tous les membres de « la communauté nationale » auraient donc ainsi voix au chapitre, pour dire leur mot sur le type de Constitution le plus conforme à leurs « sentiments » et « aspirations profondes ».
Pourtant, d’emblée, nous tenons à exprimer notre scepticisme quant à la pertinence d’une démarche aussi altière que celle de la Cnri, qui a estimé normal et naturel de se passer de la matière grise arabo-islamique du pays, dans sa mission de réformes de nos institutions pour une « refondation de la République du Sénégal ». Comme le fait remarquer l’auteur de ladite lettre ouverte, durant toute la funeste parenthèse coloniale puis néocoloniale, c’est essentiellement la frange intellectuelle francophone nationale, nourrie au cynisme et aux idéaux pernicieux du colonisateur français, qui a monopolisé le droit à gérer les affaires de la Cité. En réalité, cet ostracisme flagrant de l’intelligentsia francophone contre sa contrepartie arabophone islamique est symptomatique de la désinvolture et la morgue avec laquelle celle-là considère généralement celle-ci. Ceci reste valable, autant pour ce qui concerne les khalifes de confréries et les autres dignitaires musulmans, que les intellectuels arabisants, imams et autres oulémas. Or, il s’agit là des groupes sociaux qui, incontestablement, sont les plus légitimes à porter « les aspirations profondes » de plus de 97% des Sénégalais. Malheureusement, en règle générale, pour des passe-droits et autres prébendes que leur offre le pouvoir politique en place, ces derniers préfèrent déserter l’arène politique et les centres de décision où se fixent les grandes orientations et décisions afférentes à la chose publique (res publica) et la destinée nationale. Naturellement, cette posture de renoncement de l’élite arabo-islamique ne manque pas de chagriner les masses musulmanes, qui continuent à ronger leur frein et à prier pour voir celle-ci se hisser à l’avant-garde du combat politique pour la réalisation des aspirations populaires profondes.
A vrai dire, au regard du profil intellectuel et professionnel de la quasi totalité des membres de la Cnri, l’on est fondé à avoir de sérieuses appréhensions quant à leur détermination et leur aptitude idéologique à piloter un projet de refondation républicaine d’un pays à plus de 97% musulman. Faire abstraction de la ressource intellectuelle nationale experte en Théologie, en Economie et en Droit musulman, au profit de professeurs de Philosophie acquis à des idéaux maçonniques et féministes, de magistrats et professeurs de Droit droits-de-l’hommistes libres-penseurs, cela est pour le moins troublant pour l’immense majorité des Sénégalais aspirant aux idéaux de l’Islam. Car, disons-le, pour une concertation nationale digne de ce de ce nom, au lieu de la seule élite intellectuelle francophone, lesdites masses musulmanes s’attendaient à voir de légitimes représentants des khalifes des confréries musulmanes (Mourides, Layènes, Tidjanes, Khadirs, etc.) ainsi que des oulémas et intellectuels arabo-islamiiques, figurer dans l’équipe de pilotage de travaux censés devoir mener à des réformes institutionnelles pour une « refondation de la République du Sénégal ».
En réalité, quand on sait qu’au nombre des objectifs à atteindre, déclinés dans l’avant projet des termes de référence de la Cnri, figure le raffermissement de la laïcité de l’Etat, l’on comprend mieux l’ostracisme dont l’élite arabophone islamique est victime dans la définition des orientations étatiques et la conduite des affaires de la nation sénégalaise. Et voilà qui nous plonge au cœur de la problématique de la nature de notre régime politique, ainsi que la question de la Constitution et de la gouvernance politique. Sur ce point central, l’on ne peut assurément pas continuer à faire l’économie du débat national sur la question préjudicielle, de savoir si la préférence des Sénégalais porte sur une législation positive laïque ou une législation religieuse d’orientation islamique, s’ils veulent vivre dans une « société sécularisée », à l’occidental, ou une « société religieuse », musulmane en l’occurrence. Or, il s’agit de notions essentielles quasi inséparables, sans la compréhension desquelles il est impossible d’avoir une position avisée dans une quelconque « refondation de la République du Sénégal », pays à plus de 97% musulman. Au demeurant, c’est bien ce principe de laïcité qui fut l’argument principal brandi par le pouvoir politique précédent contre les Musulmans sénégalais qui dénonçaient le monstrueux Monument de la Renaissance africaine. Rappelons-le, le principe de laïcité de l’Etat trouve son fondement dans l’article premier de la Constitution de la République du Sénégal, qui dispose : « La République du Sénégal est laïque (…) » !
On le sait, depuis la proclamation de l’indépendance du Sénégal jusqu’à ce jour, notre charte fondamentale n’a jamais fait l’objet d’une concertation nationale, ni de débats publics. Notamment, en ce qui concerne ce bancal « article premier », qui fait de ce pays une « République laïque » et du Français sa langue officielle. Il n’est donc que temps de réparer cette iniquité. Aussi, en vue d’une « refondation de la République », c’est la moindre des justices que donner aux Sénégalais la latitude de se prononcer librement et clairement sur le type de régime politique qui les agrée, une « république constitutionnelle laïque », une « république islamique », une « république catholique » une « almamiyya parlementaire », une « dameliyya constitutionnelle », etc. Ou encore, de se prononcer sur le type de Droit et la nature de la législation qui doit régir leur vie : une législation positive laïque, séparant la « société civile » de la « société religieuse » dans l’Etat, ou une législation religieuse globalisante, d’orientation catholique ou islamique ?
A vrai dire, s’entêter à évacuer toute référence à l’Islam de la Constitution d’un peuple se réclamant à plus de 97% de cette religion et aspirant profondément à pouvoir la vivre pleinement et totalement, c’est une grotesque imposture, mais c’est aussi un incontestable signe de myopie politique. Car, qu’on l’admette ou non, c’est bien l’Islam qui constitue la sève nourricière - religieuse, spirituelle, culturelle et morale - de la vie de cette écrasante majorité des Sénégalais. L’enjeu national et le véritable débat, c’est moins d’affirmer l’islamité de notre peuple et de la mentionner fièrement dans notre charte fondamentale, que de garantir un État de droit et d’assurer à tous les citoyens la justice sociale, l’équité et les libertés fondamentales.
Comme le rappelle l’auteur de la lettre ouverte, cette proclamation de la laïcité constitutionnelle de la République du Sénégal fut le hold-up originel funeste sur la souveraineté de choix du peuple sénégalais. Car, elle résulta d’une vaste imposture infligée à la nation sénégalaise par son élite apostate francophone, alliée et suppôt de la France néocoloniale, dont elle devait pérenniser les intérêts. Jamais il n’y eut d’assemblée constituante pour consacrer la souveraineté de ce peuple, seul habilité à choisir, librement et en connaissance de cause, le modèle sociétal qui lui convient. Mais, pour rendre justice à l’histoire, il faut souligner que ce coup de force constitutionnel n’aurait jamais prospéré sans la complicité tacite, parfois agissante, d’une certaine élite arabo-islamique ainsi que de certains califes et chefs de confrérie. Au demeurant, c’est aussi du fait de la perfidie de certains de ces derniers, que le « Code de la famille » fut imposé aux Musulmans sénégalais sous le régime du président Léopold Sédar Senghor, qui avait gagé qu’à défaut de faire des Sénégalais des Chrétiens, il en ferait de « mauvais Musulmans » !
On le sait, par ses manœuvres diaboliques, basées essentiellement sur la corruption financière et l’attribution de prébendes et d’avantages matériels, ce dernier avait finalement réussi à faire éclater le fameux « Front uni », qui réunissait alors les chefs et dignitaires des confréries islamiques, opposés à ce nouveau Code. Ces derniers avaient d’ailleurs diffusé, le 03 janvier 1972, une Déclaration publique d’une vingtaine de pages dénonçant ce Code dont nombre de ses dispositions étaient contraires à la Charia. Mais, pendant que le chef d’Etat-missionnaire de l’Eglise bénéficiait de la perfide complicité de certains de ces chefs et dignitaires musulmans, de dignes héritiers des gloires islamiques du Sénégal montèrent au créneau et dénoncèrent la forfaiture avalisée par des députés musulmans à la solde de ce dernier. A ce propos, c’est avec joie qu’on se rappelle au bon souvenir de l’un d’entre eux, Serigne Cheikh Gaïndé Fatma, premier petit-fils de Cheikh Ahmadou Bamba, qui consigna son libelle intitulé « kalimatu Allâhi hiya-l-‘ulyâ », titre tiré du verset 40 de la sourate 9, qui dit : « (…) la parole d'Allah eut le dessus. (…) » !
En vérité, comme le prouve une longue tradition de refus et de dénonciation – depuis le « Conseil Supérieur Islamique » en 1959, jusqu’au « Gipralis » en 2000, en passant par le « Front Uni » en 1968 et les Associations Islamiques des années 80 – il s’est toujours trouvé un large front de Sénégalais, se dressant avec le peuple profond pour dénoncer la forfaiture constitutionnelle de la laïcité. Rappelons que le « Conseil Supérieur Islamique » mourut de sa belle mort, suite aux coups de boutoir pernicieux et incessants du chef d’Etat-missionnaire de l’Eglise. Ce dernier recourut notamment aux mêmes manœuvres diaboliques de division, qui lui permirent de venir à bout dudit « Front Uni » et d’imposer le sinistre « Code de la famille ». Ce Conseil - qui avait à sa tête El Hadj Seydou Nourou Tall, Serigne Fallou Mbacké, Mouhammad al-Bachir Mbacké, avec comme secrétaires Cheikh Ahmad Mbacké et Cheikh Ibrahima Niass, et comme trésorier El Hadj Abdoul Aziz Sy - avait comme objectif principal de veiller à ce que la nouvelle Constitution du Sénégal ne soit en rien contraire aux Lois de l’Islam. C’est donc dans la droite ligne de ladite tradition de refus et de dénonciation, que les jeunes du « Gipralis » (« Groupe d’Initiative Populaire pour le Référendum sur l’Application de la Loi Islamique »), interpellèrent le tombeur d’Abdou Diouf à l’occasion du référendum de janvier 2001 qui devait déterminer le nouveau régime constitutionnel de la République. Notamment, avec le document de profession de foi intitulé « DECLARATION SUR LA LAICITE DE L’ETAT », où ces jeunes en appelaient à une abrogation des articles 1 et 3 de la Constitution.
A la suite de l’auteur de la lettre ouverte, nous lançons un vibrant appel à toutes les forces vives du Sénégal se réclamant de l’Islam, d’être partie prenante de cette consultation nationale. Nous leur recommandons notamment de mentionner sur les questionnaires qui leur seront remis, leur aspiration profonde à adapter les lois et règlements de leur pays à l’Islam. L’Islam qui n’est point une simple « religion », au sens occidental du terme, mais une vision du monde intangible et un mode de vie complet, basé sur un système englobant le religieux, le moral, le spirituel, l’économique, le social, le juridique, le militaire, etc.
Naturellement, nous prions pour que les résultats de cette consultation nationale ne soient voués aux placards du palais présidentiel.
*Texte intégral disponible en ligne sur le site : papacheikh-jimbirasakho.com
Babacar Diop
Dr. en sciences politiques.
Courriel : babacar7474@hotmail.fr
Pourtant, d’emblée, nous tenons à exprimer notre scepticisme quant à la pertinence d’une démarche aussi altière que celle de la Cnri, qui a estimé normal et naturel de se passer de la matière grise arabo-islamique du pays, dans sa mission de réformes de nos institutions pour une « refondation de la République du Sénégal ». Comme le fait remarquer l’auteur de ladite lettre ouverte, durant toute la funeste parenthèse coloniale puis néocoloniale, c’est essentiellement la frange intellectuelle francophone nationale, nourrie au cynisme et aux idéaux pernicieux du colonisateur français, qui a monopolisé le droit à gérer les affaires de la Cité. En réalité, cet ostracisme flagrant de l’intelligentsia francophone contre sa contrepartie arabophone islamique est symptomatique de la désinvolture et la morgue avec laquelle celle-là considère généralement celle-ci. Ceci reste valable, autant pour ce qui concerne les khalifes de confréries et les autres dignitaires musulmans, que les intellectuels arabisants, imams et autres oulémas. Or, il s’agit là des groupes sociaux qui, incontestablement, sont les plus légitimes à porter « les aspirations profondes » de plus de 97% des Sénégalais. Malheureusement, en règle générale, pour des passe-droits et autres prébendes que leur offre le pouvoir politique en place, ces derniers préfèrent déserter l’arène politique et les centres de décision où se fixent les grandes orientations et décisions afférentes à la chose publique (res publica) et la destinée nationale. Naturellement, cette posture de renoncement de l’élite arabo-islamique ne manque pas de chagriner les masses musulmanes, qui continuent à ronger leur frein et à prier pour voir celle-ci se hisser à l’avant-garde du combat politique pour la réalisation des aspirations populaires profondes.
A vrai dire, au regard du profil intellectuel et professionnel de la quasi totalité des membres de la Cnri, l’on est fondé à avoir de sérieuses appréhensions quant à leur détermination et leur aptitude idéologique à piloter un projet de refondation républicaine d’un pays à plus de 97% musulman. Faire abstraction de la ressource intellectuelle nationale experte en Théologie, en Economie et en Droit musulman, au profit de professeurs de Philosophie acquis à des idéaux maçonniques et féministes, de magistrats et professeurs de Droit droits-de-l’hommistes libres-penseurs, cela est pour le moins troublant pour l’immense majorité des Sénégalais aspirant aux idéaux de l’Islam. Car, disons-le, pour une concertation nationale digne de ce de ce nom, au lieu de la seule élite intellectuelle francophone, lesdites masses musulmanes s’attendaient à voir de légitimes représentants des khalifes des confréries musulmanes (Mourides, Layènes, Tidjanes, Khadirs, etc.) ainsi que des oulémas et intellectuels arabo-islamiiques, figurer dans l’équipe de pilotage de travaux censés devoir mener à des réformes institutionnelles pour une « refondation de la République du Sénégal ».
En réalité, quand on sait qu’au nombre des objectifs à atteindre, déclinés dans l’avant projet des termes de référence de la Cnri, figure le raffermissement de la laïcité de l’Etat, l’on comprend mieux l’ostracisme dont l’élite arabophone islamique est victime dans la définition des orientations étatiques et la conduite des affaires de la nation sénégalaise. Et voilà qui nous plonge au cœur de la problématique de la nature de notre régime politique, ainsi que la question de la Constitution et de la gouvernance politique. Sur ce point central, l’on ne peut assurément pas continuer à faire l’économie du débat national sur la question préjudicielle, de savoir si la préférence des Sénégalais porte sur une législation positive laïque ou une législation religieuse d’orientation islamique, s’ils veulent vivre dans une « société sécularisée », à l’occidental, ou une « société religieuse », musulmane en l’occurrence. Or, il s’agit de notions essentielles quasi inséparables, sans la compréhension desquelles il est impossible d’avoir une position avisée dans une quelconque « refondation de la République du Sénégal », pays à plus de 97% musulman. Au demeurant, c’est bien ce principe de laïcité qui fut l’argument principal brandi par le pouvoir politique précédent contre les Musulmans sénégalais qui dénonçaient le monstrueux Monument de la Renaissance africaine. Rappelons-le, le principe de laïcité de l’Etat trouve son fondement dans l’article premier de la Constitution de la République du Sénégal, qui dispose : « La République du Sénégal est laïque (…) » !
On le sait, depuis la proclamation de l’indépendance du Sénégal jusqu’à ce jour, notre charte fondamentale n’a jamais fait l’objet d’une concertation nationale, ni de débats publics. Notamment, en ce qui concerne ce bancal « article premier », qui fait de ce pays une « République laïque » et du Français sa langue officielle. Il n’est donc que temps de réparer cette iniquité. Aussi, en vue d’une « refondation de la République », c’est la moindre des justices que donner aux Sénégalais la latitude de se prononcer librement et clairement sur le type de régime politique qui les agrée, une « république constitutionnelle laïque », une « république islamique », une « république catholique » une « almamiyya parlementaire », une « dameliyya constitutionnelle », etc. Ou encore, de se prononcer sur le type de Droit et la nature de la législation qui doit régir leur vie : une législation positive laïque, séparant la « société civile » de la « société religieuse » dans l’Etat, ou une législation religieuse globalisante, d’orientation catholique ou islamique ?
A vrai dire, s’entêter à évacuer toute référence à l’Islam de la Constitution d’un peuple se réclamant à plus de 97% de cette religion et aspirant profondément à pouvoir la vivre pleinement et totalement, c’est une grotesque imposture, mais c’est aussi un incontestable signe de myopie politique. Car, qu’on l’admette ou non, c’est bien l’Islam qui constitue la sève nourricière - religieuse, spirituelle, culturelle et morale - de la vie de cette écrasante majorité des Sénégalais. L’enjeu national et le véritable débat, c’est moins d’affirmer l’islamité de notre peuple et de la mentionner fièrement dans notre charte fondamentale, que de garantir un État de droit et d’assurer à tous les citoyens la justice sociale, l’équité et les libertés fondamentales.
Comme le rappelle l’auteur de la lettre ouverte, cette proclamation de la laïcité constitutionnelle de la République du Sénégal fut le hold-up originel funeste sur la souveraineté de choix du peuple sénégalais. Car, elle résulta d’une vaste imposture infligée à la nation sénégalaise par son élite apostate francophone, alliée et suppôt de la France néocoloniale, dont elle devait pérenniser les intérêts. Jamais il n’y eut d’assemblée constituante pour consacrer la souveraineté de ce peuple, seul habilité à choisir, librement et en connaissance de cause, le modèle sociétal qui lui convient. Mais, pour rendre justice à l’histoire, il faut souligner que ce coup de force constitutionnel n’aurait jamais prospéré sans la complicité tacite, parfois agissante, d’une certaine élite arabo-islamique ainsi que de certains califes et chefs de confrérie. Au demeurant, c’est aussi du fait de la perfidie de certains de ces derniers, que le « Code de la famille » fut imposé aux Musulmans sénégalais sous le régime du président Léopold Sédar Senghor, qui avait gagé qu’à défaut de faire des Sénégalais des Chrétiens, il en ferait de « mauvais Musulmans » !
On le sait, par ses manœuvres diaboliques, basées essentiellement sur la corruption financière et l’attribution de prébendes et d’avantages matériels, ce dernier avait finalement réussi à faire éclater le fameux « Front uni », qui réunissait alors les chefs et dignitaires des confréries islamiques, opposés à ce nouveau Code. Ces derniers avaient d’ailleurs diffusé, le 03 janvier 1972, une Déclaration publique d’une vingtaine de pages dénonçant ce Code dont nombre de ses dispositions étaient contraires à la Charia. Mais, pendant que le chef d’Etat-missionnaire de l’Eglise bénéficiait de la perfide complicité de certains de ces chefs et dignitaires musulmans, de dignes héritiers des gloires islamiques du Sénégal montèrent au créneau et dénoncèrent la forfaiture avalisée par des députés musulmans à la solde de ce dernier. A ce propos, c’est avec joie qu’on se rappelle au bon souvenir de l’un d’entre eux, Serigne Cheikh Gaïndé Fatma, premier petit-fils de Cheikh Ahmadou Bamba, qui consigna son libelle intitulé « kalimatu Allâhi hiya-l-‘ulyâ », titre tiré du verset 40 de la sourate 9, qui dit : « (…) la parole d'Allah eut le dessus. (…) » !
En vérité, comme le prouve une longue tradition de refus et de dénonciation – depuis le « Conseil Supérieur Islamique » en 1959, jusqu’au « Gipralis » en 2000, en passant par le « Front Uni » en 1968 et les Associations Islamiques des années 80 – il s’est toujours trouvé un large front de Sénégalais, se dressant avec le peuple profond pour dénoncer la forfaiture constitutionnelle de la laïcité. Rappelons que le « Conseil Supérieur Islamique » mourut de sa belle mort, suite aux coups de boutoir pernicieux et incessants du chef d’Etat-missionnaire de l’Eglise. Ce dernier recourut notamment aux mêmes manœuvres diaboliques de division, qui lui permirent de venir à bout dudit « Front Uni » et d’imposer le sinistre « Code de la famille ». Ce Conseil - qui avait à sa tête El Hadj Seydou Nourou Tall, Serigne Fallou Mbacké, Mouhammad al-Bachir Mbacké, avec comme secrétaires Cheikh Ahmad Mbacké et Cheikh Ibrahima Niass, et comme trésorier El Hadj Abdoul Aziz Sy - avait comme objectif principal de veiller à ce que la nouvelle Constitution du Sénégal ne soit en rien contraire aux Lois de l’Islam. C’est donc dans la droite ligne de ladite tradition de refus et de dénonciation, que les jeunes du « Gipralis » (« Groupe d’Initiative Populaire pour le Référendum sur l’Application de la Loi Islamique »), interpellèrent le tombeur d’Abdou Diouf à l’occasion du référendum de janvier 2001 qui devait déterminer le nouveau régime constitutionnel de la République. Notamment, avec le document de profession de foi intitulé « DECLARATION SUR LA LAICITE DE L’ETAT », où ces jeunes en appelaient à une abrogation des articles 1 et 3 de la Constitution.
A la suite de l’auteur de la lettre ouverte, nous lançons un vibrant appel à toutes les forces vives du Sénégal se réclamant de l’Islam, d’être partie prenante de cette consultation nationale. Nous leur recommandons notamment de mentionner sur les questionnaires qui leur seront remis, leur aspiration profonde à adapter les lois et règlements de leur pays à l’Islam. L’Islam qui n’est point une simple « religion », au sens occidental du terme, mais une vision du monde intangible et un mode de vie complet, basé sur un système englobant le religieux, le moral, le spirituel, l’économique, le social, le juridique, le militaire, etc.
Naturellement, nous prions pour que les résultats de cette consultation nationale ne soient voués aux placards du palais présidentiel.
*Texte intégral disponible en ligne sur le site : papacheikh-jimbirasakho.com
Babacar Diop
Dr. en sciences politiques.
Courriel : babacar7474@hotmail.fr