Les politiques et les investisseurs ont poussé un soupir de soulagement jeudi, quand la BCE a fait savoir qu'elle pourrait recourir à l'artillerie lourde sur les marchés pour sauver l'Espagne et l'Italie. Mais, comme à la roulette russe, tout risque d'être remis en question dès aujourd'hui avec deux décisions, l'une constitutionnelle, l'autre électorale, dans deux pays qui sont des créanciers vitaux pour l'euro: l'Allemagne et les Pays-Bas.
À 10 heures ce matin, le travail du banquier central de Francfort pourrait être annulé d'un trait de plume par les seize juges de la Cour fédérale de Karlsruhe. Ce n'est pas le pronostic le plus courant, mais un refus allemand de valider le Mécanisme européen de stabilité (MES) démolirait le savant travail de reconstruction européenne entrepris depuis trois ans. Sans la caution du MES, l'Espagne et l'Italie ne pourraient plus compter sur les «rachats illimités» de dette publique promis par Mario Draghi.
L'élan européen pourrait aussi souffrir, douze heures plus tard, de la sanction des urnes au soir des résultats des élections législatives anticipées aux Pays-Bas. Les sondages ont confirmé le recul de l'extrême droite europhobe de Geert Wilders et, surtout, l'affaissement d'un outsider inattendu: la gauche «dure» d'un parti socialiste proche des idées de Jean-Luc Mélenchon. Tout porte à croire que les Néerlandais reviennent vers le centre. Pourtant, la composition d'une majorité gouvernementale s'annonce délicate, ajoutant de l'instabilité au panorama européen.
Si la journée s'achève sur deux bonnes nouvelles, l'Europe et l'euro ne seront pas pour autant sortis du bois. Quel que soit le verdict final, les juges allemands et les électeurs néerlandais auront illustré le fossé qui sépare les opinions nationales, lasses de payer et tentées par le repli, de leurs élites, poussées à plus d'intégration européenne par les nécessités de la crise.
L'Allemagne, premier créancier de l'euro, en fournit l'exemple. C'est Angela Merkel qui a fixé le cap à ses pairs, en liant toute avancée de la solidarité européenne à une vraie centralisation des pouvoirs. Mais à chaque décision, ce sont des Allemands qui ont renâclé: le patron de la Bundesbank, Jens Weidmann, face à Mario Draghi jeudi, les juges de Karlruhe aujourd'hui face à un engagement pourtant validé par un sommet européen. L'opinion publique allemande penche dans le même sens.
Ce mercredi matin, précisément, José Manuel Barroso, europhile par fonction, doit appeler les dirigeants des vingt-sept pays de l'UE à montrer la voie, plutôt que de suivre les sondages. Devant le Parlement européen, ce sera à Strasbourg son discours «sur l'état de l'Union», modelé avec beaucoup d'ambition sur l'exercice annuel du président des États-Unis. Le chef de la Commission en a déjà livré les grandes lignes: «La crise peut mettre en péril la fondation du projet européen lui-même. (…) La perte de confiance des citoyens oblige l'Europe à définir une réponse politique.»
Le contrôle de 6000 banques
Cette réponse devrait être un feu vert de l'exécutif bruxellois à une révision des traités, autrement dit à de nouveaux transferts de compétences nationales vers l'UE. Trois ans à peine après la ratification de la dernière mouture - le traité de Lisbonne -, Angela Merkel juge la réécriture indispensable pour avancer vers les quatre «unions» monétaire, budgétaire, bancaire et bien sûr politique. Le discours de Strasbourg devrait donc signaler le ralliement du président Barroso aux vœux de la chancelière.
Dans la foulée, le chef de la Commission devrait officialiser les propositions du commissaire Michel Barnier pour un contrôle centralisé des 6000 banques de la zone euro. C'est un test grandeur nature, en attendant l'éventuelle révision des traités: d'ici à la fin de l'année, les 17 capitales devraient céder à la BCE leur souveraineté sur toutes les banques privées et publiques.
Par Jean-Jacques Mevel
À 10 heures ce matin, le travail du banquier central de Francfort pourrait être annulé d'un trait de plume par les seize juges de la Cour fédérale de Karlsruhe. Ce n'est pas le pronostic le plus courant, mais un refus allemand de valider le Mécanisme européen de stabilité (MES) démolirait le savant travail de reconstruction européenne entrepris depuis trois ans. Sans la caution du MES, l'Espagne et l'Italie ne pourraient plus compter sur les «rachats illimités» de dette publique promis par Mario Draghi.
L'élan européen pourrait aussi souffrir, douze heures plus tard, de la sanction des urnes au soir des résultats des élections législatives anticipées aux Pays-Bas. Les sondages ont confirmé le recul de l'extrême droite europhobe de Geert Wilders et, surtout, l'affaissement d'un outsider inattendu: la gauche «dure» d'un parti socialiste proche des idées de Jean-Luc Mélenchon. Tout porte à croire que les Néerlandais reviennent vers le centre. Pourtant, la composition d'une majorité gouvernementale s'annonce délicate, ajoutant de l'instabilité au panorama européen.
Si la journée s'achève sur deux bonnes nouvelles, l'Europe et l'euro ne seront pas pour autant sortis du bois. Quel que soit le verdict final, les juges allemands et les électeurs néerlandais auront illustré le fossé qui sépare les opinions nationales, lasses de payer et tentées par le repli, de leurs élites, poussées à plus d'intégration européenne par les nécessités de la crise.
L'Allemagne, premier créancier de l'euro, en fournit l'exemple. C'est Angela Merkel qui a fixé le cap à ses pairs, en liant toute avancée de la solidarité européenne à une vraie centralisation des pouvoirs. Mais à chaque décision, ce sont des Allemands qui ont renâclé: le patron de la Bundesbank, Jens Weidmann, face à Mario Draghi jeudi, les juges de Karlruhe aujourd'hui face à un engagement pourtant validé par un sommet européen. L'opinion publique allemande penche dans le même sens.
Ce mercredi matin, précisément, José Manuel Barroso, europhile par fonction, doit appeler les dirigeants des vingt-sept pays de l'UE à montrer la voie, plutôt que de suivre les sondages. Devant le Parlement européen, ce sera à Strasbourg son discours «sur l'état de l'Union», modelé avec beaucoup d'ambition sur l'exercice annuel du président des États-Unis. Le chef de la Commission en a déjà livré les grandes lignes: «La crise peut mettre en péril la fondation du projet européen lui-même. (…) La perte de confiance des citoyens oblige l'Europe à définir une réponse politique.»
Le contrôle de 6000 banques
Cette réponse devrait être un feu vert de l'exécutif bruxellois à une révision des traités, autrement dit à de nouveaux transferts de compétences nationales vers l'UE. Trois ans à peine après la ratification de la dernière mouture - le traité de Lisbonne -, Angela Merkel juge la réécriture indispensable pour avancer vers les quatre «unions» monétaire, budgétaire, bancaire et bien sûr politique. Le discours de Strasbourg devrait donc signaler le ralliement du président Barroso aux vœux de la chancelière.
Dans la foulée, le chef de la Commission devrait officialiser les propositions du commissaire Michel Barnier pour un contrôle centralisé des 6000 banques de la zone euro. C'est un test grandeur nature, en attendant l'éventuelle révision des traités: d'ici à la fin de l'année, les 17 capitales devraient céder à la BCE leur souveraineté sur toutes les banques privées et publiques.
Par Jean-Jacques Mevel