À New York
L'inspecteur général spécial pour la reconstruction de l'Afghanistan (SIGAR), John Sopko, a révélé dimanche dans un rapport préliminaire remis au secrétaire américain à la Défense, Leon Panetta, que les factures relatives à 475 millions de dollars d'achat de carburant, essentiellement du diesel et du kérosène pour l'armée nationale afghane (ANA), étaient purement et simplement «introuvables» entre octobre 2006 et février 2011. À l'issue d'une enquête remontant six ans en arrière dans la comptabilité de la mission d'assistance de l'Otan, Sopko s'est ému des réponses lapidaires de ses interlocuteurs militaires à ses demandes de précisions. La moitié des factures sur la période allant de février 2011 à mars 2012 seraient elles aussi introuvables.
L'affaire ne pouvait plus mal tomber, à quatre mois de la passation de pouvoir pour la logistique des forces internationales à la jeune armée afghane, avant le départ définitif des dernières unités combattantes de l'Otan à l'horizon 2014.
Le spectre des talibans
Les déficiences pointées du doigt par Sopko, récemment nommé par Barack Obama avec mission d'identifier les comportements criminels ainsi que les fraudes et gaspillages au sein des projets contribuant à la reconstruction de l'Afghanistan, semblent multiples: le commandement allié en charge de l'entraînement des forces afghanes (CSTC-A, pour Combined Security Transition Command-Afghanistan) se serait avéré incapable de préciser si le carburant fourni à l'ANA a été utilisé ou stocké. Pis, certains cadres du CSTC-A, placé sous les ordres du général américain Daniel Bolger, auraient «broyé» des piles de factures, sans que l'enquête ait pu déterminer s'il s'agit de malveillance ou d'incompétence.
Derrière ces stocks de carburant volatilisés se profile le spectre des talibans, qui auraient largement infiltré l'ANA pour mieux la disloquer de l'intérieur lorsqu'elle prendra la relève progressive des forces de l'Otan à compter du 1er janvier prochain.
Le CSTC-A, qui aurait dépensé 480 millions de dollars en carburant en 2011-2012 et 1,1 milliard au total depuis 2007, a néanmoins demandé que ces frais soient portés à 555 millions de dollars d'ici à 2014. «Dans l'attente des justificatifs manquants, il est impératif de limiter ces dépenses à 306 millions de dollars par an», a répondu John Sopko, frappé par la sourde hostilité des officiers de ce commandement. Ceux-ci ont invoqué la montée en puissance des forces de sécurité afghanes, censées attendre un record de 352 000 hommes à la fin de l'année, ainsi que l'arrivée de 25 000 nouveaux véhicules et générateurs, arguant qu'une limitation de ces dépenses entraînerait une chute de 37 % dans la disponibilité opérationnelle de l'ANA.
Par Maurin Picard
L'inspecteur général spécial pour la reconstruction de l'Afghanistan (SIGAR), John Sopko, a révélé dimanche dans un rapport préliminaire remis au secrétaire américain à la Défense, Leon Panetta, que les factures relatives à 475 millions de dollars d'achat de carburant, essentiellement du diesel et du kérosène pour l'armée nationale afghane (ANA), étaient purement et simplement «introuvables» entre octobre 2006 et février 2011. À l'issue d'une enquête remontant six ans en arrière dans la comptabilité de la mission d'assistance de l'Otan, Sopko s'est ému des réponses lapidaires de ses interlocuteurs militaires à ses demandes de précisions. La moitié des factures sur la période allant de février 2011 à mars 2012 seraient elles aussi introuvables.
L'affaire ne pouvait plus mal tomber, à quatre mois de la passation de pouvoir pour la logistique des forces internationales à la jeune armée afghane, avant le départ définitif des dernières unités combattantes de l'Otan à l'horizon 2014.
Le spectre des talibans
Les déficiences pointées du doigt par Sopko, récemment nommé par Barack Obama avec mission d'identifier les comportements criminels ainsi que les fraudes et gaspillages au sein des projets contribuant à la reconstruction de l'Afghanistan, semblent multiples: le commandement allié en charge de l'entraînement des forces afghanes (CSTC-A, pour Combined Security Transition Command-Afghanistan) se serait avéré incapable de préciser si le carburant fourni à l'ANA a été utilisé ou stocké. Pis, certains cadres du CSTC-A, placé sous les ordres du général américain Daniel Bolger, auraient «broyé» des piles de factures, sans que l'enquête ait pu déterminer s'il s'agit de malveillance ou d'incompétence.
Derrière ces stocks de carburant volatilisés se profile le spectre des talibans, qui auraient largement infiltré l'ANA pour mieux la disloquer de l'intérieur lorsqu'elle prendra la relève progressive des forces de l'Otan à compter du 1er janvier prochain.
Le CSTC-A, qui aurait dépensé 480 millions de dollars en carburant en 2011-2012 et 1,1 milliard au total depuis 2007, a néanmoins demandé que ces frais soient portés à 555 millions de dollars d'ici à 2014. «Dans l'attente des justificatifs manquants, il est impératif de limiter ces dépenses à 306 millions de dollars par an», a répondu John Sopko, frappé par la sourde hostilité des officiers de ce commandement. Ceux-ci ont invoqué la montée en puissance des forces de sécurité afghanes, censées attendre un record de 352 000 hommes à la fin de l'année, ainsi que l'arrivée de 25 000 nouveaux véhicules et générateurs, arguant qu'une limitation de ces dépenses entraînerait une chute de 37 % dans la disponibilité opérationnelle de l'ANA.
Par Maurin Picard