Le Sénégal, « c’est l’un des pays modèles en termes de mise en œuvre des mesures de prévention du Covid-19 et ils en ont récolté les fruits », a récemment reconnu un responsable pour l’Afrique de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), Nsenga Ngoy. Ce sont les « interventions humaines » comme le port du masque ou la distanciation sociale qui ont marché et continueront à jouer un rôle « capital », insiste-t-il.
Les mesures de prévention prises rapidement au Sénégal n’expliquent peut-être pas à elles seules le fort recul du Covid-19, estiment des responsables sénégalais, qui se demandent si une immunité collective aurait discrètement vu le jour.
Le pays ouest-africain de 16 millions d’habitants enregistre, au 27 novembre, 15 960 cas de contamination et 331 décès dus au Covid-19. Seule une poignée de malades sont en soins intensifs, selon le ministère de la Santé. Si l’épidémie avait suivi les courbes de l’Europe, le Sénégal aurait compté environ 100 fois plus de morts.
« Immunité croisée »
Pour Abdoulaye Bousso, un des responsables de la riposte au Sénégal, ce sont effectivement les stratégies d’endiguement qui, dans un premier temps au moins, ont permis au système de santé sénégalais de ne pas s’effondrer. Mais depuis, une « fatigue » s’est installée et plus grand monde ne porte le masque.
Les Sénégalais ont célébré fin juillet la Tabaski et, deux mois après, le Magal, autre grande fête musulmane brassant les foules. Or, ces rassemblements n’ont pas déclenché de vagues de contamination, et c’est donc « peut-être la question de l’immunité qu’il faut mettre en avant », estime le docteur Bousso.
« On se rend bien compte qu’en Afrique en général et au Sénégal en particulier, on n’a pas les morts qu’on aurait dû avoir », confirme un spécialiste de terrain, Massamba Sassoum Diop, président de l’organisation SOS Médecins Sénégal.
L’urgentiste avance qu’une « immunité croisée » a vu le jour au Sénégal. Il l’explique par les infections respiratoires qui sévissent régulièrement à travers la population en mai-juin et septembre, périodes où les climatisations tournent au maximum.
Relativement bénignes, elles sont dues à quatre types de coronavirus. Les résidents du Sénégal développeraient donc une immunité contre cette famille de virus, qui se serait également montrée efficace lorsque le nouveau coronavirus est apparu en mars, estime le docteur Diop.
Le nouveau coronavirus se serait ensuite répandu massivement, d’avril à août, au sein d’une population majoritairement jeune et qui n’a généralement pas développé de symptômes graves.
Sans faire de bruit, « environ 60 % de la population » aurait acquis cette immunité, dit-il.
Le fait de vivre en Afrique a joué un rôle bien plus prééminent que l’origine ethnique ou la génétique, dit-il. Il en veut pour preuve que les populations noires meurent de manière disproportionnée en Europe ou aux Etats-Unis, tandis que les Européens, Libanais ou Chinois vivant au Sénégal meurent beaucoup moins que dans leur pays d’origine.
« L’hypothèse pessimiste »
L’immunité croisée ou collective a « un support scientifique en virologie et en immunologie ». Elle demeure cependant une hypothèse non encore prouvée, admet-il. Une étude sérologique en cours devrait fournir de premières indications sur sa validité dans les prochaines semaines, dit-il.
Le ministre de la Santé, Abdoulaye Diouf Sarr, se veut plus réservé. Si les chiffres sont si bas, « nous pouvons dire sans risque de nous tromper que c’est dû à l’efficacité de la riposte parce que l’immunité collective ne peut pas être une stratégie de riposte. Si l’immunité collective était LA stratégie de riposte, le corollaire serait un nombre de morts extrêmement important parce qu’on ne ferait rien », tempère-t-il.
Pour les spécialistes sénégalais, comme pour l’Organisation mondiale de la santé (OMS), pas question en tout cas de céder à l’euphorie qui pointe dans les médias locaux, ne serait-ce que parce qu’on ignore la durée d’une immunité, si tant est qu’elle existe.
Transposer l’hypothèse à des régions où les populations sont plus âgées et plus à risque, est dangereux. « Si on l’applique directement en Europe, c’est 3 ou 4 millions de morts supplémentaires, et aux Etats-Unis, peut-être 8 à 10 millions », avertit Massamba Diop.
En attendant, le ministre exhorte à rester vigilant. Les recherches à sa disposition laissent penser que le Sénégal sera épargné par une deuxième vague de contaminations, « mais nous travaillons toujours dans ce qu’on appelle l’hypothèse pessimiste ».
Le Monde
Les mesures de prévention prises rapidement au Sénégal n’expliquent peut-être pas à elles seules le fort recul du Covid-19, estiment des responsables sénégalais, qui se demandent si une immunité collective aurait discrètement vu le jour.
Le pays ouest-africain de 16 millions d’habitants enregistre, au 27 novembre, 15 960 cas de contamination et 331 décès dus au Covid-19. Seule une poignée de malades sont en soins intensifs, selon le ministère de la Santé. Si l’épidémie avait suivi les courbes de l’Europe, le Sénégal aurait compté environ 100 fois plus de morts.
« Immunité croisée »
Pour Abdoulaye Bousso, un des responsables de la riposte au Sénégal, ce sont effectivement les stratégies d’endiguement qui, dans un premier temps au moins, ont permis au système de santé sénégalais de ne pas s’effondrer. Mais depuis, une « fatigue » s’est installée et plus grand monde ne porte le masque.
Les Sénégalais ont célébré fin juillet la Tabaski et, deux mois après, le Magal, autre grande fête musulmane brassant les foules. Or, ces rassemblements n’ont pas déclenché de vagues de contamination, et c’est donc « peut-être la question de l’immunité qu’il faut mettre en avant », estime le docteur Bousso.
« On se rend bien compte qu’en Afrique en général et au Sénégal en particulier, on n’a pas les morts qu’on aurait dû avoir », confirme un spécialiste de terrain, Massamba Sassoum Diop, président de l’organisation SOS Médecins Sénégal.
L’urgentiste avance qu’une « immunité croisée » a vu le jour au Sénégal. Il l’explique par les infections respiratoires qui sévissent régulièrement à travers la population en mai-juin et septembre, périodes où les climatisations tournent au maximum.
Relativement bénignes, elles sont dues à quatre types de coronavirus. Les résidents du Sénégal développeraient donc une immunité contre cette famille de virus, qui se serait également montrée efficace lorsque le nouveau coronavirus est apparu en mars, estime le docteur Diop.
Le nouveau coronavirus se serait ensuite répandu massivement, d’avril à août, au sein d’une population majoritairement jeune et qui n’a généralement pas développé de symptômes graves.
Sans faire de bruit, « environ 60 % de la population » aurait acquis cette immunité, dit-il.
Le fait de vivre en Afrique a joué un rôle bien plus prééminent que l’origine ethnique ou la génétique, dit-il. Il en veut pour preuve que les populations noires meurent de manière disproportionnée en Europe ou aux Etats-Unis, tandis que les Européens, Libanais ou Chinois vivant au Sénégal meurent beaucoup moins que dans leur pays d’origine.
« L’hypothèse pessimiste »
L’immunité croisée ou collective a « un support scientifique en virologie et en immunologie ». Elle demeure cependant une hypothèse non encore prouvée, admet-il. Une étude sérologique en cours devrait fournir de premières indications sur sa validité dans les prochaines semaines, dit-il.
Le ministre de la Santé, Abdoulaye Diouf Sarr, se veut plus réservé. Si les chiffres sont si bas, « nous pouvons dire sans risque de nous tromper que c’est dû à l’efficacité de la riposte parce que l’immunité collective ne peut pas être une stratégie de riposte. Si l’immunité collective était LA stratégie de riposte, le corollaire serait un nombre de morts extrêmement important parce qu’on ne ferait rien », tempère-t-il.
Pour les spécialistes sénégalais, comme pour l’Organisation mondiale de la santé (OMS), pas question en tout cas de céder à l’euphorie qui pointe dans les médias locaux, ne serait-ce que parce qu’on ignore la durée d’une immunité, si tant est qu’elle existe.
Transposer l’hypothèse à des régions où les populations sont plus âgées et plus à risque, est dangereux. « Si on l’applique directement en Europe, c’est 3 ou 4 millions de morts supplémentaires, et aux Etats-Unis, peut-être 8 à 10 millions », avertit Massamba Diop.
En attendant, le ministre exhorte à rester vigilant. Les recherches à sa disposition laissent penser que le Sénégal sera épargné par une deuxième vague de contaminations, « mais nous travaillons toujours dans ce qu’on appelle l’hypothèse pessimiste ».
Le Monde