Les couples mixtes euro-africains utilisent toute la palette des moyens de communication pour pallier la distance.
Aby est Sénégalaise (1). Esteban est Espagnol. Depuis bientôt deux ans, ils vivent leur amour à distance. Aby, 34 ans, vit à Banjul, en Gambie, où elle est secrétaire. Esteban, sémillant quadra, est un commercial qui fait des va-et-vient entre l’Espagne et la France. Aby ne remplit pas les conditions nécessaires pour obtenir le visa Schengen. Alors c’est l’amour à distance. Il en va de même pour Alexandre, informaticien togolais de 28 ans contraint à une liaison virtuelle avec Marie, documentaliste française.
Ces deux situations sont assez emblématiques de celles que connaissent de nombreux couples mixtes euro-africains. Avant le virtuel, il y a eu le réel. C’était les débuts. Aby se souvient de sa première rencontre avec Esteban dans une rame du métro lyonnais. Elle était en France pour le mariage d’une nièce. « On a discuté comme si on se connaissait depuis toujours, se souvient-elle. Il m’a tout de suite dit qu’il était divorcé et père d’un garçon de 13 ans, et ça m’a plu. » Ils passent près d’un mois ensemble. Mais le visa touristique d’Aby arrivant à son terme, elle se doit de rentrer au pays. Esteban ne peut pas la rejoindre tout de suite. « Nous nous sommes promis de garder le contact et que le premier qui le pourrait rejoigne l’autre », raconte Aby.
« Quand la connexion plante, c’est la panique »
Marie et Alexandre, eux, se rencontrent au Maroc, en septembre 2013 : « On travaillait ensemble. Il était informaticien, et moi, documentaliste. J’avais souvent besoin de ses services. Très vite, on a tout fait ensemble. On était inséparables ! », s’exclame Marie. Mais au bout de trois mois de vie quasi commune, Marie doute et rentre en France, histoire de prendre un peu de recul. « Alex me cachait des choses et je le sentais », explique-t-elle. Elle ne rompt pas pour autant.
Commence, en décembre 2013, pour les amants, une idylle virtuelle entre Lomé, où Alexandre est rentré se ressourcer, et Paris. Malgré la lenteur désespérante de l’Internet au Togo, les amoureux entretiennent la flamme sur Skype, par téléphone et emails : « On est ultra-connectés. Tous les jours ou presque. Souvent la nuit. On supporte difficilement la séparation… Et on excelle dans la jouissance à distance ! », confie Marie, soudain plus légère. Sextos, tchat sexy, sex-tapes en direct, sex-mails, téléphone rose, photos sexy ou plus explicites, ils utilisent toute la palette des moyens de communication pour satisfaire leurs envies.
« Quand on est au bord de l’orgasme et que la connexion plante, c’est la panique ! Il court réenclencher le routeur ou chercher du crédit téléphonique. Bien souvent, je tente de rappeler aussi, mais il y a beaucoup de problèmes de connexion au Togo. Tout ça nous rend dingues. Quand on arrive à se re-joindre enfin, on reprend notre échange là où on l’avait laissée, survoltés, et après on rit beaucoup », détaille Marie. « Ce n’est pas facile pour moi, cette vie loin d’elle », assure Alexandre qui se fait un point d’honneur de contacter Marie au moins une fois par jour, quitte à squatter le cybercafé à minuit.
« La suite serait qu’on arrête d’être à distance »
Depuis septembre 2013, Aby et Esteban ne ratent aucun de leurs rendez-vous virtuels. L’éloignement ? « On ne le sent pas, assure Aby. C’est comme s’il était toujours à côté de moi ». Mais les mots ne suffisent pas. « On s’envoie des photos. Aujourd’hui, on a déjà échangé trois emails. Je lui ai montré ma nouvelle coupe de cheveux », ajoute-t-elle. Et puis… parfois, il y a des surprises. « Il m’envoie des photos de lui dans des pauses sexy… ne m’en demande pas plus, j’ai envie de faire l’amour rien que d’en parler ! », s’écrie Aby en riant. Bien sûr, elle lui renvoie la pareille.
L’été dernier, le couple hispano-sénégalais s’est retrouvé en France. Aby a obtenu un visa pour un court séjour. « Il m’a présentée à sa mère. J’avais déjà eu l’occasion de rencontrer sa sœur et son fils », raconte la jeune femme. Durant ce séjour, les amoureux ont décidé de tout mettre en œuvre pour vivre ensemble. En attendant, Esteban doit la rejoindre bientôt pour quelques jours. « Notre projet, c’est de fonder un foyer. Mais il faut d’abord qu’on définisse où nous vivrons. C’est aussi pour cela qu’il vient au Sénégal et en Gambie », ajoute Aby, confiante.
Marie, elle, pense à rejoindre Alexandre au Togo… finalement. « Il a demandé quatre fois un visa pour un court séjour. On y a cru, en vain », dit-elle, résignée. Alors, un visa long séjour, ils ne l’envisagent même pas ! Alexandre : « La suite, pour moi, ce serait qu’on arrête d’être à distance et qu’on fasse tout pour ne plus se séparer. Si elle tient vraiment à moi, ce sera le sacrifice qu’elle fera ». Marie ne cache pas être anti-mariage et n’est pas non plus très motivée par une expatriation au Togo. « Pour l’instant, je pense qu’elle n’est pas prête », entrevoit le jeune Togolais, lucide. Il ajoute : « Cette situation ne peut pas durer, et elle le sait. J’espère qu’elle m’aime assez. »
Anne Frintz
(1) prénoms modifiés pour préserver l’anonymat
Aby est Sénégalaise (1). Esteban est Espagnol. Depuis bientôt deux ans, ils vivent leur amour à distance. Aby, 34 ans, vit à Banjul, en Gambie, où elle est secrétaire. Esteban, sémillant quadra, est un commercial qui fait des va-et-vient entre l’Espagne et la France. Aby ne remplit pas les conditions nécessaires pour obtenir le visa Schengen. Alors c’est l’amour à distance. Il en va de même pour Alexandre, informaticien togolais de 28 ans contraint à une liaison virtuelle avec Marie, documentaliste française.
Ces deux situations sont assez emblématiques de celles que connaissent de nombreux couples mixtes euro-africains. Avant le virtuel, il y a eu le réel. C’était les débuts. Aby se souvient de sa première rencontre avec Esteban dans une rame du métro lyonnais. Elle était en France pour le mariage d’une nièce. « On a discuté comme si on se connaissait depuis toujours, se souvient-elle. Il m’a tout de suite dit qu’il était divorcé et père d’un garçon de 13 ans, et ça m’a plu. » Ils passent près d’un mois ensemble. Mais le visa touristique d’Aby arrivant à son terme, elle se doit de rentrer au pays. Esteban ne peut pas la rejoindre tout de suite. « Nous nous sommes promis de garder le contact et que le premier qui le pourrait rejoigne l’autre », raconte Aby.
« Quand la connexion plante, c’est la panique »
Marie et Alexandre, eux, se rencontrent au Maroc, en septembre 2013 : « On travaillait ensemble. Il était informaticien, et moi, documentaliste. J’avais souvent besoin de ses services. Très vite, on a tout fait ensemble. On était inséparables ! », s’exclame Marie. Mais au bout de trois mois de vie quasi commune, Marie doute et rentre en France, histoire de prendre un peu de recul. « Alex me cachait des choses et je le sentais », explique-t-elle. Elle ne rompt pas pour autant.
Commence, en décembre 2013, pour les amants, une idylle virtuelle entre Lomé, où Alexandre est rentré se ressourcer, et Paris. Malgré la lenteur désespérante de l’Internet au Togo, les amoureux entretiennent la flamme sur Skype, par téléphone et emails : « On est ultra-connectés. Tous les jours ou presque. Souvent la nuit. On supporte difficilement la séparation… Et on excelle dans la jouissance à distance ! », confie Marie, soudain plus légère. Sextos, tchat sexy, sex-tapes en direct, sex-mails, téléphone rose, photos sexy ou plus explicites, ils utilisent toute la palette des moyens de communication pour satisfaire leurs envies.
« Quand on est au bord de l’orgasme et que la connexion plante, c’est la panique ! Il court réenclencher le routeur ou chercher du crédit téléphonique. Bien souvent, je tente de rappeler aussi, mais il y a beaucoup de problèmes de connexion au Togo. Tout ça nous rend dingues. Quand on arrive à se re-joindre enfin, on reprend notre échange là où on l’avait laissée, survoltés, et après on rit beaucoup », détaille Marie. « Ce n’est pas facile pour moi, cette vie loin d’elle », assure Alexandre qui se fait un point d’honneur de contacter Marie au moins une fois par jour, quitte à squatter le cybercafé à minuit.
« La suite serait qu’on arrête d’être à distance »
Depuis septembre 2013, Aby et Esteban ne ratent aucun de leurs rendez-vous virtuels. L’éloignement ? « On ne le sent pas, assure Aby. C’est comme s’il était toujours à côté de moi ». Mais les mots ne suffisent pas. « On s’envoie des photos. Aujourd’hui, on a déjà échangé trois emails. Je lui ai montré ma nouvelle coupe de cheveux », ajoute-t-elle. Et puis… parfois, il y a des surprises. « Il m’envoie des photos de lui dans des pauses sexy… ne m’en demande pas plus, j’ai envie de faire l’amour rien que d’en parler ! », s’écrie Aby en riant. Bien sûr, elle lui renvoie la pareille.
L’été dernier, le couple hispano-sénégalais s’est retrouvé en France. Aby a obtenu un visa pour un court séjour. « Il m’a présentée à sa mère. J’avais déjà eu l’occasion de rencontrer sa sœur et son fils », raconte la jeune femme. Durant ce séjour, les amoureux ont décidé de tout mettre en œuvre pour vivre ensemble. En attendant, Esteban doit la rejoindre bientôt pour quelques jours. « Notre projet, c’est de fonder un foyer. Mais il faut d’abord qu’on définisse où nous vivrons. C’est aussi pour cela qu’il vient au Sénégal et en Gambie », ajoute Aby, confiante.
Marie, elle, pense à rejoindre Alexandre au Togo… finalement. « Il a demandé quatre fois un visa pour un court séjour. On y a cru, en vain », dit-elle, résignée. Alors, un visa long séjour, ils ne l’envisagent même pas ! Alexandre : « La suite, pour moi, ce serait qu’on arrête d’être à distance et qu’on fasse tout pour ne plus se séparer. Si elle tient vraiment à moi, ce sera le sacrifice qu’elle fera ». Marie ne cache pas être anti-mariage et n’est pas non plus très motivée par une expatriation au Togo. « Pour l’instant, je pense qu’elle n’est pas prête », entrevoit le jeune Togolais, lucide. Il ajoute : « Cette situation ne peut pas durer, et elle le sait. J’espère qu’elle m’aime assez. »
Anne Frintz
(1) prénoms modifiés pour préserver l’anonymat