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L’après COVID-19: « Demain, dès l’aube...»

Rédigé par leral.net le Jeudi 30 Juillet 2020 à 18:29 | | 0 commentaire(s)|

18 heures quarante cinq, avril, Dakar : jamais le crépuscule n’aura autant eu des allures de tombée de la nuit. Dans les rues, pas un chat ou presque pas, silence de cathédrale, quelques véhicules qui roulent en trombe, les rares individus que l’on croise sont des forces de l’ordre.

C’est le Ramadan, c’est le couvre-feu….

Dans le Coran, sourate 42 : As Sura (la consultation) il est dit : « Vous ne pouvez pas échapper à la puissance d’Allah sur terre ».

Pour tous ceux qui ont la chance de croire en Dieu, de guetter et d’analyser ses signes, du plus ténu au plus manifeste, la configuration dans laquelle nous nous sommes trouvés, à jeuner confinés, ressemble fortement à un rappel.

Elle est une chance pour les musulmans, pour les croyants en général, une invite à croire plus fort, à réfléchir plus, à méditer.

Assurément, Dieu nous aura montré Sa Force.

Tout d’abord l’énigmatique coronavirus met le monde à ses pieds et après nous avoir pris au dépourvu, nous réduit au confinement.

Le confinement et son caractère soudain, nous ont amenés à retrouver le chemin de la maison bon an, mal an.

Et puis, situation ô combien inédite, nous avons passé un Ramadan dans le confinement.

Avec l’état d’urgence, nous sommes revenus au Ramadan dans sa forme la plus minimaliste, la plus pure : la prière, la sobriété, le partage et la compassion pour autrui.

Les longues files d’attente dans les supermarchés ont découragé la plupart de dévaliser les rayons alimentation. La porte-monnaie s’en est trouvé quelque peu soulagé.

Le ballet de mets multicolores et souvent exagérément riches, a cessé.
Bon nombre de Sénégalais n’ont pas commandé un énième boubou chez le tailleur. Ils sont nombreux à ne pas avoir acquis de nouvelles babouches.

Point de ndogou à l’orientale avec dégustation de mille et un plats. Fini de manger jusqu’à plus que satiété et jusqu’au bout de la nuit. Plus de ripailles coupables. Fini de se coucher avec la peau du ventre bien tendue. Nafilas bâclées, terminé.

Les ndogou ont eu lieu en cercle restreint, laissant ainsi du temps pour prier dans la ferveur.

Y avait-il vraiment lieu de se plaindre d’être confiné en période de Ramadan, de devoir renoncer à festoyer ?

Nous avons été nombreux à entonner la complainte du confiné.

Mais les vrais confinés ne sont-ils pas ces hommes et ces femmes qui vivent dans la rue, bravant les intempéries, l’insalubrité, la faim, l’incertitude, avec pour tout logis, des cartons…naturellement confinés en somme ? Et qui pour certains…jeunent toute l’année.

A y regarder de près, quelle magnifique aubaine que de cultiver notre vie intérieure à l’intérieur. Notre jardin secret en secret.

Certes la prière de Korité a eu lieu dans les maisons. Mais elle a eu lieu. Sans tambours ni trompettes.

Nous étions insatisfaits du bonheur d’avant Coronavirus. On réalise aujourd’hui, un peu tard, que ce n’était pas si mal. Le soleil, les fleurs, les embrassades, les visites aux êtres chers, quelques cacahuètes achetées chez la marchande du coin, etc. Tous ces petits bonheurs-là, n’étaient ils pas le bonheur ?

Avons-nous su sublimer ce que Dieu nous offrait déjà en abondance ? Avions-nous conscience que nous n’étions pas à plaindre ?
Osons le dire: le confinement a du bon. Plus de discipline, plus de salubrité, moins de bouchons, moins de pollution etc.

Fin mai : un certain brouhaha a repris, les marchands ambulants recommencent à chasser le client, la circulation a recommencé à être dense.

Un certain assouplissement a été noté. Il a été voulu.

Aujourd’hui, le déconfinement est en marche.

Il faut déconfiner, il faut que l’économie redémarre, que le chauffeur de taxi, que la marchande de cacahuètes, que le cireur de chaussures fassent leurs recettes. Que la dépense quotidienne de gorgorlu soit au rendez- vous.

Mais de grâce, ne retournons pas dans la situation d’avant COVID.
Pas question de se réveiller d’un long sommeil, groggy, titubant, les yeux bouffis.

Nous devons nous élancer vers l’action. Car il est grand temps d’agir, de construire, de reconstruire, d’inventer.

S’élancer n’est pas se précipiter. Renouer avec le désordre et les mauvaises habitudes de l’avant COVID. Nous ne sommes pas des lions sortis d’une cage. Nous étions confinés et non pas en détention.

La nostalgie de la fête est compréhensible, humaine. Mais faut-il pour autant prendre d’assaut les plages, fast-food, cafés et autres lieux de détente ? Au point d’en faire de véritables repères à COVID ?

La Tabaski pointe son nez. L’angoisse se lit sur les visages. La plupart des chefs de ménage ont perdu le sommeil et s’interrogent : aurai-je mon bélier à un million, ma parure en or à deux millions pour madame, des boubous Getzner pour toute la famille ?

Est-ce bien raisonnable cette ruée vers les marchés et les boutiques ? Sans masque, sans respect aucun de la distanciation commandée par la pandémie ?

Il ne s’agit pas de faire la Tabaski et….trépasser. La Tabaski ne doit pas être un catalyseur de COVID-19.

En outre, c’est peut-être l’occasion de faire le sacrifice d’Abraham dans sa forme la plus minimaliste.

Et si nous en profitions pour changer de mentalité ?

Ayons le cœur à l’ouvrage, approprions-nous la bonne marche de la société, les beaux chantiers, la préservation de la discipline et la question de l’insalubrité. Faisons preuve collectivement de maturité. A bien y réfléchir, les gestes barrières sanitaires ne sont que des pratiques que tout individu doté d’un minimum de sens de l’hygiène, aurait dû faire siennes bien avant la pandémie.

Certes, il existe des ministres responsables en dernier ressort des grandes questions qui concernent le devenir de la Nation. Mais prenons-nous en main. Ne soyons pas attentistes. Notre Sénégal nous appartient. Il sera ce que nous voulons qu’il soit.

Et si nous retenions le meilleur de cette vie quasi monacale qu’a été le confinement ?! Avec le confinement, nous avons presque relevé le défi de la vie à la japonaise : être heureux et épanoui dans un espace réduit. Cultiver un attachement pour la famille, le groupe social. Combiner spiritualité et efficacité. Avoir le goût de l’effort. Etre animé de cet irrésistible besoin d’être le meilleur. Tout ceci avec un fort penchant pour l’organisation et la discipline.

N’est ce pas cela « apprendre à vivre avec le virus »?

L’après Covid commande des comportements nouveaux. Plus de rationalité, plus de travail, plus de civisme. La foi qui déplace les montagnes. Il nous appartient de construire le pays dans lequel nous souhaitons que nos enfants, les prochaines générations, grandissent et s’épanouissent.

Le Sénégal c’est nous.

Et si on inventait demain ? Une autre manière de vivre, un monde avec plus d’amour, plus d’attention aux autres, plus de tolérance, de solidarité, moins de pollution. Un monde dans lequel chacun vit selon ses moyens.

Un monde dans lequel tous, quelle que soit leur condition, seraient heureux de vivre ?

Tout ceci en continuant d’avancer masqués…..

Puisqu’à cœur vaillant, rien d’impossible.

Yacine BA SALL
Directrice Générale de l’Institut BDA
Email : yacine.ba.sall@institutbda.com