De notre envoyée spéciale à Brest
Comment franchir la zone de turbulences actuelle sans briser l'outil de défense français? Comment préserver pour l'avenir l'équilibre des armées et les succès des industries nationales malgré la crise? Comment réconcilier les deux faces d'un même aimant: l'impératif de restriction budgétaire et la nécessité de réinventer une vision pour le futur? C'est l'équation difficile que devront résoudre avant la fin décembre les participants à la commission de révision du livre blanc de la défense, le document stratégique de référence, dont l'édition 2008 a été rendue en grande partie caduque par les évolutions nationales et internationales.
Le contexte géopolitique a changé. Le précédent texte n'avait intégré ni les révolutions arabes, ni la montée en puissance d'Aqmi dans le Sahel. «Nous assistons au grand retour de l'Afrique, la grande oubliée du livre blanc de 2008», souligne l'amiral Guillaud, chef d'état-major des armées, intervenant à la dixième université d'été de la Défense à Brest.
Les États-Unis ont confirmé le déplacement de leurs intérêts vers l'Asie et le Pacifique. En matière de budgets de défense, l'écart s'est encore creusé entre l'Europe d'une part, les États-Unis et l'Asie de l'autre. «Jamais le monde n'a été si interdépendant et discordant à la fois», résume Michel Foucher, directeur des études de l'IHEDN.
Les contraintes financières, ensuite, ont modifié la donne. «Si le budget de la défense n'a pas été considéré comme une variable d'ajustement en 2013, il n'a pas non plus été sanctuarisé», prévient Jean-Marie Guéhenno, qui préside la commission du livre blanc.
La mission confiée par le nouveau chef de l'État aux experts et responsables politiques et militaires est d'autant plus périlleuse que le militaire n'est pas un domaine comme les autres. Les décisions prises aujourd'hui engageront les choix stratégiques de la France pendant les quinze ou vingt prochaines années. «Il faut gérer le court terme, l'immédiat, tout en préparant l'avenir, le long terme», explique Olivier Darrason, le directeur de la société de conseil en stratégie CEIS. En jeu, la souveraineté de la France, sa sécurité, sa place et son rôle dans le monde.
Responsabilités
«Les choix seront cornéliens», prévient un industriel. Les armées ont déjà été très atteintes par les réformes et les restrictions budgétaires précédentes. «Elles sont à l'os», résume un officier, qui redoute un déclassement stratégique. Pour conserver l'indépendance et l'influence de la France, ses capacités opérationnelles et son savoir-faire industriel, la commission du livre blanc doit tout remettre à plat. Sauf la dissuasion nucléaire, sanctuarisée pour l'instant par François Hollande.
«Il faut se demander où aller, pour faire quoi, avec qui et avec quels moyens?» résume Patricia Adam, la présidente socialiste de la commission de la défense à l'Assemblée nationale. En tant que membre permanent du Conseil de sécurité de l'ONU, acteur majeur de l'Union européenne et de l'Otan, la France a des responsabilités. Jean-Marie Guéhenno le sait bien: «Ce serait une grave erreur de penser que nous allons nous laver les mains de ce qu'il se passe dans le monde.»
Par Isabelle Lasserre
Comment franchir la zone de turbulences actuelle sans briser l'outil de défense français? Comment préserver pour l'avenir l'équilibre des armées et les succès des industries nationales malgré la crise? Comment réconcilier les deux faces d'un même aimant: l'impératif de restriction budgétaire et la nécessité de réinventer une vision pour le futur? C'est l'équation difficile que devront résoudre avant la fin décembre les participants à la commission de révision du livre blanc de la défense, le document stratégique de référence, dont l'édition 2008 a été rendue en grande partie caduque par les évolutions nationales et internationales.
Le contexte géopolitique a changé. Le précédent texte n'avait intégré ni les révolutions arabes, ni la montée en puissance d'Aqmi dans le Sahel. «Nous assistons au grand retour de l'Afrique, la grande oubliée du livre blanc de 2008», souligne l'amiral Guillaud, chef d'état-major des armées, intervenant à la dixième université d'été de la Défense à Brest.
Les États-Unis ont confirmé le déplacement de leurs intérêts vers l'Asie et le Pacifique. En matière de budgets de défense, l'écart s'est encore creusé entre l'Europe d'une part, les États-Unis et l'Asie de l'autre. «Jamais le monde n'a été si interdépendant et discordant à la fois», résume Michel Foucher, directeur des études de l'IHEDN.
Les contraintes financières, ensuite, ont modifié la donne. «Si le budget de la défense n'a pas été considéré comme une variable d'ajustement en 2013, il n'a pas non plus été sanctuarisé», prévient Jean-Marie Guéhenno, qui préside la commission du livre blanc.
La mission confiée par le nouveau chef de l'État aux experts et responsables politiques et militaires est d'autant plus périlleuse que le militaire n'est pas un domaine comme les autres. Les décisions prises aujourd'hui engageront les choix stratégiques de la France pendant les quinze ou vingt prochaines années. «Il faut gérer le court terme, l'immédiat, tout en préparant l'avenir, le long terme», explique Olivier Darrason, le directeur de la société de conseil en stratégie CEIS. En jeu, la souveraineté de la France, sa sécurité, sa place et son rôle dans le monde.
Responsabilités
«Les choix seront cornéliens», prévient un industriel. Les armées ont déjà été très atteintes par les réformes et les restrictions budgétaires précédentes. «Elles sont à l'os», résume un officier, qui redoute un déclassement stratégique. Pour conserver l'indépendance et l'influence de la France, ses capacités opérationnelles et son savoir-faire industriel, la commission du livre blanc doit tout remettre à plat. Sauf la dissuasion nucléaire, sanctuarisée pour l'instant par François Hollande.
«Il faut se demander où aller, pour faire quoi, avec qui et avec quels moyens?» résume Patricia Adam, la présidente socialiste de la commission de la défense à l'Assemblée nationale. En tant que membre permanent du Conseil de sécurité de l'ONU, acteur majeur de l'Union européenne et de l'Otan, la France a des responsabilités. Jean-Marie Guéhenno le sait bien: «Ce serait une grave erreur de penser que nous allons nous laver les mains de ce qu'il se passe dans le monde.»
Par Isabelle Lasserre