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L’histoire jamais racontée de Fara Thial Thial

Rédigé par leral.net le Mardi 5 Août 2014 à 13:39 | | 0 commentaire(s)|

Décédé lundi dernier, Malick Ndiaye «Fara Thial Thial», était une véritable icône du théâtre sénégalais où il est entré par effraction. Natif de Louga, il a eu une vie riche en enseignements. L’Observateur vous retrace son parcours…


L’histoire jamais racontée de Fara Thial  Thial
Il a rejoint sa dernière demeure, le cimetière «Toll Pero» de Louga, sa ville natale. C’est le jour de la Korité alors que les cœurs étaient en fête, que le comédien, Malick Ndiaye «Fara Thial Thial» a été enterré. L’artiste a ainsi rejoint sa douce moitié Goumel Cissé dans l’au-delà. De son vivant, il a marqué d’une belle empreinte, le théâtre sénégalais. Et dire que son entrée dans la comédie, était une pure intrusion. A en croire ses proches, «Mame Malick» comme l’appelaient affectueusement la population de Louga, par respect pour son homonyme, Mame Malick Sall (un grand érudit), n’était pas partie pour devenir comédien. Comme la plupart des jeunes de son époque, ce disciple de la confrérie Tidiane, a très tôt maitrisé le Coran, avant de se lancer dans l’apprentissage d’un métier. A l’âge de 14 ans (il est né en 1939), il ouvre son premier atelier de couture : «Malick Ndiaye faisait partie des meilleurs tailleurs de Louga. Son atelier ne désemplissait jamais. Il pouvait tout gagner avec ce métier», témoigne Youssou Mbargane Mbaye, président national du théâtrale populaire et cousin du défunt.

Une courte carrière de footballeur

Homme aux talents multiples, Malick Ndiaye avait aussi de réelles prédispositions pour devenir un grand footballeur. Sociétaire de l’Asc Espoirs (une équipe navétane créée vers les années 70), Malick Ndiaye a brillé sous les couleurs de l’équipe de quartier. Ses amis avec qui il était de la même génération se souviennent encore de ses prouesses sur le terrain. «Il jouait au poste d’attaquant et savait marquer des buts. De plus, il savait dribler, mieux que quiconque et était doué d’une vitesse et d’une bonne force de frappe», témoignent-ils. En dehors du football, les équipes de Louga devaient faire des compétitions théâtrales. Malick qui avait un mental de gagneur, alliait le sport et le théâtre pour le compte de son équipe. C’est comme ça qu’il a chopé le virus de l’art», se rappelle avec nostalgie, M. Mbaye, une mémoire vivante du théâtre lougatois. Malick Ndiaye a fini par comprendre qu’il venait de réveiller un véritable talent de comédien. Il se fixe alors, une obligation de réussite. Seulement, son patelin, ne pouvait pas lui permettre de l’atteindre. Nous sommes en 1975. L’artiste-ouvrier ferme son atelier et décide de rallier la capitale. Il dépose ses baluchons à Dakar. Comme tout début, ce n’était pas tendre. Toutefois, à force de persévérance et de rigueur, il a fini par se faire un nom en intégrant la troupe Diamonay Tay. Pour marquer la différence et se forger une identité, il s’est inventé le sobriquet, «Fara Thial Thial», qu’il lui colla à la peau, jusqu’à sa tombe. La pièce «Aïda Souka», qu’il a jouée au début des années 1980, sera assez déterminante pour lui. C’est elle qui a mis le Ndiambour-ndiambour sous les feux de la rampe. Devenu célèbre, le succès ne lui est tout de même pas monté à la tête…

Déboires sentimentaux…

En revanche, ce qui lui prenait la tête, c’était sans aucun doute, ses déceptions sentimentales. Loin d’être du jeu, elles ont émaillé la vie du défunt comédien. Il en a compilé comme ses nombreux téléfilms. Marié pour la première fois, avant l’âge de 30 ans avec une femme domiciliée à Saint-Louis, il n’a pas beaucoup savouré les délices de cette union. Le mariage a fait long feu et a volé en éclats. Sans se décourager, il a de nouveau épousé une autre femme native de la ville de Koungheul. D’ailleurs, cette dernière vivait à Louga chez les parents de son mari. Ce deuxième mariage a aussi duré le temps d’une rose. Malick Ndiaye, certainement «incompris» par les femmes, épouse cette fois-ci, une comédienne comme lui. Goumel Cissé sera l’élue de son cœur. Le père fondateur de la troupe Libidor, qui était pourtant aux anges avec ce 3e mariage, va vite déchanter. La grande faucheuse a sans crier gare, emporté son âme sœur. «Après, la mort de Goumel, il avait juré la main sur le cœur, qu’il n’allait plus jamais se remarier. Cette femme était plus exemplaire à ses yeux et représentait tout pour lui. Qui plus est, elle le comprenait», confie son ancien compagnon.

Dénuement…

Malick Ndiaye «Fara Thial Thial» a tout donné au théâtre, mais il n’a pas été récompensé à la hauteur de ses sacrifices. Malgré ses distinctions, il menait une vie difficile. «Lors de la première édition du Fesfop (un festival annuel qui se tient à Louga), tous les artistes de Louga étaient conviés à prendre part à l’ouverture. Malick Ndiaye qui avait pris en location un taxi de Dakar à Louga n’avait pas les moyens de le payer. En public il a été pris au collet par le chauffeur qui voulait rentrer dans ses fonds. Finalement de bonnes volontés se sont cotisées afin qu’il ne soit pas humilié», témoigne, un acteur culturel. Suffisant pour prouver, combien l’artiste était en proie à des ennuis financiers. Par ailleurs, ses proches ne lui connaissent aucun bien, ni maison, ni voiture. Cruel destin !

ABDOU MBODJ

L'OBSERVATEUR