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L'internationale socialiste se penche sur la crise mondiale et propose des solutions: Discours inaugurale de Ousmane Tanor Dieng

Monsieur le Secrétaire général,
Messieurs les Premiers ministres,
Chers camarades délégués,
Messieurs les leaders des Partis membres de Bennoo Siggil Senegaal
Chers invités, Chers amis,
Mes Chers camarades,

En mon nom personnel et au nom de tous les responsables et militants du Parti socialiste du Sénégal, je voudrais vous exprimer toute notre gratitude pour avoir accepté de répondre à notre invitation. Aussi, en vous souhaitant la bienvenue sur cette terre sénégalaise d’Afrique, je voudrais vous dire notre plaisir d’accueillir la réunion annuelle du Comité Afrique de l’Internationale Socialiste sur la terre natale du Président Léopold Sédar SENGHOR.


Rédigé par leral.net le Vendredi 19 Juin 2009 à 15:56 | | 0 commentaire(s)|

L'internationale socialiste se penche sur la crise mondiale et propose des solutions: Discours inaugurale de Ousmane Tanor Dieng
Oui, chers camarades, je ne pouvais manquer, en pareille circonstance, d’évoquer le souvenir de mon illustre prédécesseur, à la tête du Parti socialiste du Sénégal et du Comité Afrique de l’Internationale Socialiste. Car, au-delà du rituel qui s’attache à nos réunions annuelles, je vois dans la tenue de cette rencontre, ici au Sénégal, un hommage que les socialistes d’Afrique rendent à un de leurs camarades, à un des plus illustres socialistes africains.

En sacrifiant à cet impératif mémoriel, avec un plaisir renouvelé, je veux aussi rendre un hommage vibrant à un homme d’une dimension exceptionnelle. Un homme qui a mené de front une vie faite d’interaction dynamique entre l’inspiration poétique et l’engagement politique. Un homme qui a consacré l’essentiel de son combat à la critique du capitalisme, considéré comme le vecteur d’un ordre économique injuste.

Tout au long de sa vie, le Président Léopold Sédar SENGHOR n’a cessé de dénoncer la détérioration des termes de l’échange, l’endettement des pays pauvres, l’égoïsme des pays riches, la recherche effrénée des valeurs matérielles et du profit : toutes choses que le système capitaliste entrevoit paradoxalement comme simples conséquences de la libre entreprise et de la concurrence, au détriment des valeurs humaines.
Du haut de toutes les tribunes internationales, il s’est toujours battu pour l’instauration d’un nouvel ordre économique mondial.
Aux différents congrès de l’Internationale Socialiste, d’abord à Genève en 1976, puis à Vancouver en 1978 et enfin à Madrid en 1980, il a, avec insistance, défendu la thèse selon laquelle le nouvel ordre économique mondial suppose la justice et la solidarité.
Dans sa mémorable allocution à l’Assemblée générale des Nations Unies, Léopold Sédar SENGHOR avait défendu la réforme du système monétaire international afin de donner aux pays du tiers monde un rôle plus important dans ce domaine. Il préconisait également la multiplication des relations commerciales entre ces mêmes pays du tiers-monde, ainsi que des efforts plus soutenus d’intégration économique régionale.
En définitive, nous retiendrons du Président Léopold Sédar SENGHOR, ses mises en garde répétées contre la méprise suicidaire des grands décideurs du monde, qui ont cru que la paix et la stabilité étaient compatibles avec un ordre économique mondial qui ignorait la justice sociale et la solidarité.
Il faut avoir le cran de le reconnaître : Léopold Sédar SENGHOR a eu raison sur notre époque puisqu’il a fallu l’onde de choc de la crise du marché immobilier américain pour démontrer la vulnérabilité du monde libéral et la fragilité de toutes ses prétendues valeurs.
J’ai voulu, en lui rendant hommage devant ses camarades socialistes d’Afrique, mettre en exergue la justesse de son combat et la pertinence de ses analyses d’une actualité frappante à la lumière de la crise financière internationale qui secoue en ce moment les bases du système libéral. En effet, à force d’avoir oublié l’implacable déterminisme des valeurs humaines dans sa folle course pour le profit, le monde libéral a fini par s’écrouler comme un château de cartes, entraînant l’humanité dans une impasse absolue.
Les images qui nous viennent du monde entier suscitent craintes et angoisse : crises financières récurrentes, faillite du système bancaire, récession de l’économie mondiale, multiplication des fermetures d’entreprises, pertes massives d’emplois, exacerbation des inégalités nationales et internationales, croissance de la pauvreté, peuples ballotés entre résignation et stratégies de survie.
Dans cette séquence inédite que traverse l’humanité, l’erreur serait d’abdiquer en appréhendant la crise comme une fatalité imparable. Au contraire, s’il y a un enseignement à en tirer, c’est qu’elle offre à la politique une nouvelle chance de renouer, j’allais dire, de se réconcilier avec l’humain et de consacrer un système fondé sur les valeurs humaines.

Par ces moments de doute et de crainte pour les peuples, il devient urgent de chercher de nouveaux leviers pour hisser la politique à hauteur des espérances de l’homme. Je reste persuadé, que c’est la responsabilité historique des socialistes, de reprendre le mouvement en marchant, pour convaincre définitivement de la légitimité d’un combat, fondé sur notre foi en la personne humaine et sur les valeurs affirmées de progrès, de justice sociale et de solidarité.
Nous avons d’autant plus de raison de nous y engager que les libéraux du monde entier, à commencer par les plus radicaux, se bousculent aux portes du socialisme démocratique pour solliciter ses méthodes, pour appliquer ses remèdes et pour appeler à l’intervention de l’Etat, à la nationalisation des banques, des compagnies d’assurance et à la protection des épargnants. De partout, ces appels se font incessants et pressants pour organiser le sauvetage du capitalisme par le socialisme.
Chers camarades, Chers invités,
En inscrivant notre action dans cette perspective exclusivement humaniste, nous avons à opérer, ensemble, des ruptures décisives, à partir du socle de nos valeurs communes, profondément sociales et démocratiques.
Dans le fond, cette crise nous place devant l’impératif d’un changement d’ère et devant l’impératif d’inaugurer le nouvel âge de l’humanité, en assumant l’audace d’un regard neuf sur le monde. A partir de là, il sera possible de bâtir un partenariat fécond, irrigué par nos convictions communes, ouvert d’emboitements entre les différentes régions, et orienté vers une coopération d’inclusion sociale où l’action politique sera au service du progrès humain.
Voilà qui donne sens au thème principal de notre réunion « D’une époque de crise à une nouvelle ère de partenariat inclusif ». Il nous donne l’occasion de réfléchir, comme nous le faisons chaque année, sur les grandes questions qui intéressent notre continent, avec la particularité pour cette année que toutes ces questions s’insèrent dans un environnement international de crise.

Sous cet angle, l’ordre du jour de notre réunion nous permet de mesurer l’impact de la crise financière internationale en Afrique en formulant une réponse adaptée aux orientations économiques et aux urgences sociales de nos pays.

A cet égard, il me semble particulièrement important d’accorder, dans nos débats, une attention soutenue aux Accords de Partenariat Economique qui, avant même la crise financière mondiale, soulevaient des réserves de fond, à l’origine de désaccords profonds entre les pays africains et l’Union européenne. En effet, dans une économie mondiale aujourd’hui dominée, j’allais dire, laminée par la logique ultralibérale, les Accords de Partenariat Economique, en prônant l’ouverture intégrale des marchés, soumettent au même système concurrentiel des économies inégalement développées et inégalement intégrées, avec le danger de les déstructurer et de désintégrer le tissu social des pays africains.

Il devient, dès lors, impératif d’engager une réflexion, à partir des valeurs du socialisme démocratique, afin de trouver et de formuler une alternative capable de substituer à ces accords un système plus équitable qui sert la finalité du partenariat. L’analyse de la question des APE exige une perception claire des enjeux, la mesure conséquente des impacts économiques et sociaux, l’identification des mesures d’accompagnement, le tout dans le but de parvenir, par leur cohérence et par leur pertinence, à des accords commerciaux mutuellement bénéfiques pour préserver les économies africaines ainsi que les communautés nationales.
Chers camarades, chers invités,
C’est autour des mêmes enjeux de préservation de la cohésion nationale qu’il faut analyser l’état de la démocratie en Afrique, avec en lame de fond une impasse inquiétante dans laquelle s’enlise progressivement le projet démocratique. Sur notre continent, la démocratie est confrontée à une crise formelle qui affecte principalement les normes démocratiques. En effet, une des plus grandes faiblesses de la démocratie sur le continent africain reste encore l’instabilité normative, avec une frénésie sans précédent dans la manipulation politicienne des normes d’accession et de dévolution du pouvoir, dans la perversion des référents démocratiques sans compter la tentation monarchique et la résurgence des coups de force militaires.

Cette régression tragique du processus démocratique se retrouve également dans une crise fonctionnelle de la démocratie qu’illustre parfaitement la panne des processus électoraux, malgré l’institution de structures chargées de pallier les carences des gouvernements dans la gestion des opérations électorales. La situation est si grave que les élections, considérées comme une voie privilégiée de résolution des crises et d’expression du pluralisme, se voient attribuer, aujourd’hui et par un curieux paradoxe, la responsabilité des tensions et voire des ruptures de consensus qui affectent la vie politique en Afrique et la stabilité de nos Etats.

En ces temps de montée du péril despotique, il devient impératif de porter un coup d’arrêt décisif aux pratiques actuelles de liquidation des normes démocratiques. Il y a même urgence à renouer avec les valeurs universelles de la démocratie par des mécanismes qui permettent de bâtir un consensus irréversible autour des invariants démocratiques.

Dans notre pays, ce mouvement est en marche depuis juin 2008 à travers les Assises Nationales. Leur conception et leur format constituent, je dois le rappeler, le fruit d’initiatives politiques et citoyennes formulées et partagées par les différents segments de la Nation sénégalaise : partis politiques, organisations socio professionnelles, société civile, personnalités indépendantes emblématiques.

A ce stade, vous me permettrez de rendre un hommage appuyé à toutes les parties prenantes et parmi elles, au Président Amadou Mactar MBOW qui a magistralement dirigé ces concertations pour la réussite desquelles il s’est pleinement investi, en ayant pour seul souci l’intérêt du Sénégal.



De notre point de vue, l’expérience inédite des Assises Nationales a été un franc succès en ce qu’elles ont permis d’aboutir à des conclusions consensuelles, touchant tous les secteurs de la vie nationale. Je suis persuadé que si nous parvenons à les mettre en œuvre, par la dynamique et la volonté conjuguées de toute la Nation sénégalaise, nous ouvrirons à notre pays une ère nouvelle en matière de gouvernance, de démocratie et de stratégies de développement.

Dans ce sens, la Charte de gouvernance démocratique, adoptée par les parties prenantes, constitue un instrument qui, j’en suis convaincu, peut garantir la viabilité de l’Etat, la pérennité de la République, la crédibilité de notre système démocratique et l’efficacité des politiques publiques.

Les Assises Nationales nous ont également permis de renouer avec une tradition de dialogue consolidée et renforcée par mon autre illustre prédécesseur à la tête du Parti socialiste du Sénégal et du Comité Afrique de l’Internationale Socialiste, le Président Abdou DIOUF. En effet, il s’est toujours illustré par une constante disponibilité au dialogue de sorte que nous pouvons considérer aujourd’hui que le Président Abdou DIOUF est le lointain inspirateur des Assises Nationales.

Je voudrais, en saluant la présence parmi nous des leaders des Partis membres de la Coalition Bennoo Siggil Senegaal, me réjouir de l’autre expérience en cours. Je veux, bien entendu, parler de la Coalition Bennoo Siggil Senegaal dont la constitution a permis à l’opposition significative de remporter les élections locales du 22 mars 2009. Au-delà de l’attachement que nous portons à l’unité de cette coalition et à sa consolidation, je veux réaffirmer la disponibilité du Parti socialiste à travailler à son élargissement à toutes les forces politiques et sociales et à l’engager dans une jonction salutaire avec le mouvement populaire, afin de créer les conditions de l’inéluctable défaite du camp adverse dès la prochaine échéance électorale.

Chers camarades, chers invités,
Avant de conclure, je voudrais souligner la nécessité d’étendre notre réflexion à la gouvernance mondiale qui montre des signes d’essoufflement, sur fond de crise du système international. En effet, à l’échelle du système international, on peut légitimement mettre en débat l’adéquation et la pertinence du modèle de gouvernance mondiale actuelle. Il n’est plus acceptable, face à de nouveaux paradigmes et à des défis devenus plus complexes par les enjeux de survie qu’ils charrient, d’ignorer la voix de l’Afrique dans l’élaboration et la mise en œuvre de mécanismes fiables et de solutions viables à des crises dont les premières victimes sont recensées parmi les populations africaines.
De mon point de vue, et je sais que cette opinion est largement partagée sur le continent, la gouvernance mondiale actuelle, conçue pour des relations entre Etats nationaux souverains et datant de plus de soixante ans, a besoin de respiration démocratique et, pour ce faire, il est indispensable de la réformer pour gagner en légitimité et en efficacité. Cette réforme, qui concerne aussi bien l’ONU que les institutions de Bretton Woods, doit reposer sur une approche inclusive fondée sur un système démocratique, transparent et équitable entre Etats jouissant des mêmes droits et des mêmes prérogatives et intégrant les acteurs non étatiques dans l’élaboration, l’animation et le contrôle de la gouvernance mondiale autour, notamment des questions politiques, économiques, financières, du défi énergétique, du changement climatique et de la paix mondiale. Il me semble indispensable de repenser le système international pour en faire « le lieu de production et d’échange publics d’arguments sur les affaires » du monde pour rependre l’expression de Jurgen HABERMAS ; un espace qui rend possible une communication pouvant aboutir à des synergies positives au profit exclusif de l’humain. C’est dans cette mesure que la gouvernance mondiale pourra s’inscrire dans un futur durable.
Chers camarades délégués, Chers invités,
Je vais conclure en insistant sur l’impérieuse nécessité de fournir une réponse africaine à la crise financière, des solutions à l’impasse des négociations commerciales entre l’Europe et l’Afrique et à la crise du projet démocratique ; des solutions dont la mise en œuvre pourrait être utile à une Afrique, impliquée et responsabilisée dans la marche du monde.
Je reste persuadé qu’au cours de ces deux jours d’intenses discussions, nous arriverons, en tant que socialistes, à formuler des réponses pertinentes à toutes ces interrogations majeures qui défient notre identité et croisent notre action politique.
C’est avec cet espoir qui n’est pas seulement le mien, mais celui de tout un continent que je déclare ouverte la réunion du Comité Afrique de Dakar en vous renouvelant mes vœux de bienvenue et en souhaitant plein succès à nos travaux.
Je vous remercie de votre attention./-

Pape Alé Niang