LE FIGARO.- Les chrétiens syriens doivent-ils craindre l'après Bachar-el-Assad?
Salam KAWAKIBI. - Le régime et une partie du clergé font tout pour provoquer cette crainte. L'opposition politique, elle, ne cesse de produire des textes qui rassurent toutes les communautés. Le seul problème, c'est que les opposants ont évité la question religieuse pendant des mois, en voulant s'adresser à l'ensemble des Syriens.
Les hiérarchies des Églises chrétiennes continuent-elles à soutenir le régime?
Il faut d'abord savoir que la nomination des évêques par Rome ou par l'Église orthodoxe doit être approuvée par le pouvoir. Certains sont allés très loin dans le soutien au président. Mais aujourd'hui les prélats mettent de l'eau dans leur vin. Ils insistent davantage sur la nécessité de préserver la sécurité de leurs fidèles. Quelques-uns d'entre eux ont choqué en parlant des chrétiens comme d'une communauté étrangère, qui devait rester à l'écart du conflit. Mais les fidèles sont loin de tous éprouver ce sentiment. Tout récemment, les responsables chrétiens ont fait passer un message: refuser les offres du pouvoir de porter les armes. Les plus audacieux sont les jeunes prêtres, plus engagés auprès des contestataires.
Les chrétiens sont-ils attentistes?
Des chrétiens se sont impliqués dès le début de la révolution dans les manifestations aussi bien que dans la production intellectuelle et la contestation, comme Georges Sabra, membre du CNS, très actif bien avant la révolution. Aujourd'hui, à Alep, les jeunes chrétiens s'engagent dans le secours aux blessés et aux déplacés. Partout, les prêtres et les fidèles font un travail remarquable de liaison entre les communautés.
La comparaison avec l'Irak est-elle pertinente?
L'histoire récente de la Syrie est très différente de celle de l'Irak. La communauté chrétienne syrienne a été très présente dans la guerre d'indépendance, dans la construction de l'État-nation, dans la fondation des partis politiques de gauche ou de droite. Je ne crois pas qu'il y ait une quelconque rancœur entre les communautés.
Y a-t-il toutefois un élément confessionnel dans le conflit?
Aujourd'hui, on dénonce la présence d'al-Qaida. Mais elle est très limitée. L'Armée syrienne libre est consciente du danger. Il y a quelques jours, elle a libéré de façon musclée deux journalistes, un Britannique et un Néerlandais, capturés par des éléments djihadistes près d'Alep. Toutes les tentatives de transformer la contestation en confrontation religieuse ont échoué jusqu'à maintenant. Mais la religion est un élément bien présent. Les projecteurs portés sur les mouvements djihadistes risquent de les encourager à parasiter la révolution.
Par Pierre Prier
Salam KAWAKIBI. - Le régime et une partie du clergé font tout pour provoquer cette crainte. L'opposition politique, elle, ne cesse de produire des textes qui rassurent toutes les communautés. Le seul problème, c'est que les opposants ont évité la question religieuse pendant des mois, en voulant s'adresser à l'ensemble des Syriens.
Les hiérarchies des Églises chrétiennes continuent-elles à soutenir le régime?
Il faut d'abord savoir que la nomination des évêques par Rome ou par l'Église orthodoxe doit être approuvée par le pouvoir. Certains sont allés très loin dans le soutien au président. Mais aujourd'hui les prélats mettent de l'eau dans leur vin. Ils insistent davantage sur la nécessité de préserver la sécurité de leurs fidèles. Quelques-uns d'entre eux ont choqué en parlant des chrétiens comme d'une communauté étrangère, qui devait rester à l'écart du conflit. Mais les fidèles sont loin de tous éprouver ce sentiment. Tout récemment, les responsables chrétiens ont fait passer un message: refuser les offres du pouvoir de porter les armes. Les plus audacieux sont les jeunes prêtres, plus engagés auprès des contestataires.
Les chrétiens sont-ils attentistes?
Des chrétiens se sont impliqués dès le début de la révolution dans les manifestations aussi bien que dans la production intellectuelle et la contestation, comme Georges Sabra, membre du CNS, très actif bien avant la révolution. Aujourd'hui, à Alep, les jeunes chrétiens s'engagent dans le secours aux blessés et aux déplacés. Partout, les prêtres et les fidèles font un travail remarquable de liaison entre les communautés.
La comparaison avec l'Irak est-elle pertinente?
L'histoire récente de la Syrie est très différente de celle de l'Irak. La communauté chrétienne syrienne a été très présente dans la guerre d'indépendance, dans la construction de l'État-nation, dans la fondation des partis politiques de gauche ou de droite. Je ne crois pas qu'il y ait une quelconque rancœur entre les communautés.
Y a-t-il toutefois un élément confessionnel dans le conflit?
Aujourd'hui, on dénonce la présence d'al-Qaida. Mais elle est très limitée. L'Armée syrienne libre est consciente du danger. Il y a quelques jours, elle a libéré de façon musclée deux journalistes, un Britannique et un Néerlandais, capturés par des éléments djihadistes près d'Alep. Toutes les tentatives de transformer la contestation en confrontation religieuse ont échoué jusqu'à maintenant. Mais la religion est un élément bien présent. Les projecteurs portés sur les mouvements djihadistes risquent de les encourager à parasiter la révolution.
Par Pierre Prier