LE FIGARO. - Quelle est la ligne idéologique actuelle d'Ennahda?
Faouzi MARROUCHI. - Ennahda est en train d'enlever le chapeau de la religion pour s'avancer vers une adhésion à un État «civique». Il y a deux clans dans ce parti: le clan anglophone, représenté par des personnalités telles que Rached Ghannouchi, longtemps exilé en Angleterre, et qui tente de concilier droits de l'homme et héritage islamique ; l'autre clan est composé des nahdaouis qui étaient en prison ou sous contrôle administratif en Tunisie. Ces derniers sont plus conservateurs, ils cherchent à adapter les valeurs musulmanes, mais sans heurter les valeurs positivistes de la société tunisienne. Du temps de la dictature, il y avait un double conseil consultatif du parti (la choura), l'un à l'étranger, l'autre, clandestin, en Tunisie. Pour la première fois après ce congrès, la choura sera réunifiée.
Ne pas inscrire la charia dans la Constitution, est-ce un recul tactique ou un vrai aggiornamento?
Ennahda a seulement ajourné cette controverse, car elle divise profondément la société tunisienne. Quand je regarde l'article Ier hérité de la Constitution de 1959, rappelant que l'islam est la religion de la Tunisie, je m'interroge: est-ce parler du rapport de l'homme à Dieu ou s'agit-il de définir les relations entre personnes, les rapports quotidiens, le vivre-ensemble? Dans cette seconde hypothèse, la sphère privée sera touchée et cela modifiera profondément le mode de vie des Tunisiens.
Quelle est la réalité de l'ouverture proposée par Ennahda?
C'est de la stratégie. L'intérêt d'Ennahda est d'élargir son alliance (deux petits partis de gauche sont associés au pouvoir, NDLR) pour mieux fragmenter le bloc moderniste. Ennahda cherchera sans doute à créer ou à soutenir des partis islamistes proches et, simultanément, à s'élargir vers le centre. Ennahda propose une coalition extensive, pour l'instant refusée par le Parti républicain et l'Appel de la Tunisie de Béji Caïd Essebsi. Ce qui devrait conduire, lors des prochaines élections, à une confrontation entre le bloc conservateur, qu'Ennahda veut incarner, et le bloc moderniste.
Par Thierry Portes
Faouzi MARROUCHI. - Ennahda est en train d'enlever le chapeau de la religion pour s'avancer vers une adhésion à un État «civique». Il y a deux clans dans ce parti: le clan anglophone, représenté par des personnalités telles que Rached Ghannouchi, longtemps exilé en Angleterre, et qui tente de concilier droits de l'homme et héritage islamique ; l'autre clan est composé des nahdaouis qui étaient en prison ou sous contrôle administratif en Tunisie. Ces derniers sont plus conservateurs, ils cherchent à adapter les valeurs musulmanes, mais sans heurter les valeurs positivistes de la société tunisienne. Du temps de la dictature, il y avait un double conseil consultatif du parti (la choura), l'un à l'étranger, l'autre, clandestin, en Tunisie. Pour la première fois après ce congrès, la choura sera réunifiée.
Ne pas inscrire la charia dans la Constitution, est-ce un recul tactique ou un vrai aggiornamento?
Ennahda a seulement ajourné cette controverse, car elle divise profondément la société tunisienne. Quand je regarde l'article Ier hérité de la Constitution de 1959, rappelant que l'islam est la religion de la Tunisie, je m'interroge: est-ce parler du rapport de l'homme à Dieu ou s'agit-il de définir les relations entre personnes, les rapports quotidiens, le vivre-ensemble? Dans cette seconde hypothèse, la sphère privée sera touchée et cela modifiera profondément le mode de vie des Tunisiens.
Quelle est la réalité de l'ouverture proposée par Ennahda?
C'est de la stratégie. L'intérêt d'Ennahda est d'élargir son alliance (deux petits partis de gauche sont associés au pouvoir, NDLR) pour mieux fragmenter le bloc moderniste. Ennahda cherchera sans doute à créer ou à soutenir des partis islamistes proches et, simultanément, à s'élargir vers le centre. Ennahda propose une coalition extensive, pour l'instant refusée par le Parti républicain et l'Appel de la Tunisie de Béji Caïd Essebsi. Ce qui devrait conduire, lors des prochaines élections, à une confrontation entre le bloc conservateur, qu'Ennahda veut incarner, et le bloc moderniste.
Par Thierry Portes