On l’aura tous vu, depuis l’éviction du président nigérien, le 18 février dernier, la junte au pouvoir à Niamey parcourt la sous- région ouest-africaine, pour une mission d’explication. Normal, il lui revient de faire comprendre aux pays voisins les vraies motivations qui l’ont conduite à mettre un frein définitif aux agissements décidément autoritaires d’un Mamadou Tandja qui avait fini par se faire une obsession de ses fameux chantiers qu’il lui fallait, coûte que coûte, terminer. La délégation de cette junte, naturellement, fera l’escale de Dakar où elle sera reçue par maître Wade himself.
La délégation, forte de 18 membres, après avoir expliqué au chef d’Etat sénégalais les raisons de la prise du pouvoir par le CSRD, tout naturellement , sollicitera son soutien, en vue du rétablissement d’un régime civil, et ce, sur les bases des principes démocratiques normaux. Jusque-là, rien que du très normal. C’est plutôt la réponse d’Abdoulaye Wade qui laisse pantois. Qu’il soit "convaincu de la sincérité des intentions formulées" peut déjà être suspect, mais passe encore. Cependant le maître ne s’en tient pas là. Il pousse l’audace jusqu’à inviter les institutions africaines et internationales à "faciliter la mise en oeuvre de ce processus" en levant les sanctions appliquées contre le Niger depuis la révision de la Constitution de ce pays par l’ancien président. C’est là où le bât blesse. Maître Wade va certainement
vite en besogne à tel point qu’il convient de se demander s’il n’a pas perdu, ici, une excellente occasion de se taire. "Patience et longueur de temps font plus que force ni que rage", enseigne le dicton. Il est certes indéniable que la junte au pouvoir à Niamey, depuis qu’elle s’est installée à la tête de l’Etat, force l’admiration par la pondération de sa démarche. Elle donne l’image d’une équipe qui ne tâtonne pas et qui réfléchit longuement avant de prendre ses décisions. Soit ! Elle bénéficie de la sympathie des Nigériens ainsi que de celle de la communauté internationale. A vrai dire, il y a de quoi. Le président évincé, Mamadou Tandja, avait fini par irriter tout le monde par sa superbe ainsi que son orgueil hypertrophiés qui narguaient et ses pairs africains et les instances internationales. Au point qu’à sa chute, hypocrisie mise à part, on ne peut pas dire que beaucoup aient versé à son endroit, des larmes de compassion. La junte se présente donc en sauveur et, jusqu’à présent, donne des raisons de croire qu’elle est sincère et qu’on a de sérieuses raisons de compter sur sa bonne foi.
Mais, de là à demander une levée immédiate des sanctions appliquées au Niger, il y a tout de même comme un immense abîme. Malheureusement, le président sénégalais le franchit avec une aisance et un empressement qui étonnent, mieux, qui inquiètent. La prudence commande d’accompagner cette junte. Les condamnations des instances africaines et internationales, même si elles sont de principe, participent d’une volonté avérée de voir une restauration de l’ordre normal des choses dans ce pays. Les sanctions ne prêchent pas autre chose. Elles constituent autant de pressions qui sont autant de garde-fous qui canalisent l’action de la nouvelle junte au pouvoir. Les lui supprimer peut conduire à la faire basculer.
La junte d’ailleurs, le sait très bien, elle qui, dans sa démarche, vient de décider de la mise en place d’un conseil consultatif qui aura pour charge d’élaborer le calendrier de la transition.
Cette junte, même si à présent on a des raisons de l’apprécier positivement, il convient de la juger sur pièces avant de lui accorder des bonus faciles. Car, enfin, elle détient entre ses mains la destinée de toute une nation. On n’a pas le droit de prendre certaines décisions à la légère. Et puis, comparaison n’est pas raison, il est vrai, mais plus d’un se souvient de gages et promesses faites en Guinée par un Dadis Camara à qui, à l’époque, beaucoup donnaient le bon Dieu sans confession. Maître Wade, d’ailleurs, s’honora du vocable affectueux de "père" de l’enfant terrible de Conakry. On a vu ce qu’il en a résulté. Et puis, on finit par se demander ce qui pousse le président sénégalais à toujours donner son avis sur tout.
A l’issue de chaque sommet auquel le maître prend part, il est celui vers lequel les chasseurs de scoop se ruent volontiers : ils n’en retournent jamais bredouilles, le "vieux" a toujours quelque chose à dire. On se rappelle qu’il a été le premier chef d’Etat africain à soutenir ouvertement Dadis "le terrible". Suite à l’attentant perpétré contre ce "fils" par son lieutenant Toumba, Wade, encore lui, s’empressera d’expédier un avion à Conakry pour ramener le capitaine président à Dakar aux fins de le faire soigner. Un aéroplane burkinabè lui sera préféré. Plus récemment, lors du drame que provoqua le séisme à Haïti, on l’entendra formuler une proposition des plus inattendues : ramener les Haïtiens à la mère patrie, le continent africain. A présent, c’est la junte nigérienne qu’il souhaite voir adouber par les
instances africaines et internationales. Tout le monde se souvient de l’escale de Wade à Niamey pour rendre visite à un Tandja vomi par les Nigériens et l’ensemble de la communauté internationale. Qu’est-ce à dire ? Hier seulement consolateur de Tandja, aujourd’hui sympathisant de la junte qui l’a renversé ? Quelque part, ça manque de constance et de logique. Et puis quoi encore ? A croire que le chef d’Etat sénégalais s’agite et manifeste tant de frénésie parce que visiblement il trouve qu’on ne lui reconnaît pas assez de valeur, de compétence et de savoir-faire. Il court alors et recherche de lui-même le leadership qui lui manque pour briller de mille feux dans la sous-région.
Il faut souhaiter que pour ce cas de la junte nigérienne, ses pairs africains ainsi que la communauté internationale refusent de suivre le maître. Car, de toute évidence, il ne montre pas ici, la bonne direction. Au moment où tout le monde croise les doigts dans le but de voir aboutir un processus de sortie de crise dans l’ouest-africain, il n’est nul besoin de compliquer la chose en y introduisant de l’imprudence et de l’empressement. "Qui va lentement, va sûrement", assure l’adage. Lorsqu’il s’agit de reconstruire une nation, on se doit, raisonnablement, d’éviter de faire dans l’inutile précipitation.
"Le Pays" lefaso.net
La délégation, forte de 18 membres, après avoir expliqué au chef d’Etat sénégalais les raisons de la prise du pouvoir par le CSRD, tout naturellement , sollicitera son soutien, en vue du rétablissement d’un régime civil, et ce, sur les bases des principes démocratiques normaux. Jusque-là, rien que du très normal. C’est plutôt la réponse d’Abdoulaye Wade qui laisse pantois. Qu’il soit "convaincu de la sincérité des intentions formulées" peut déjà être suspect, mais passe encore. Cependant le maître ne s’en tient pas là. Il pousse l’audace jusqu’à inviter les institutions africaines et internationales à "faciliter la mise en oeuvre de ce processus" en levant les sanctions appliquées contre le Niger depuis la révision de la Constitution de ce pays par l’ancien président. C’est là où le bât blesse. Maître Wade va certainement
vite en besogne à tel point qu’il convient de se demander s’il n’a pas perdu, ici, une excellente occasion de se taire. "Patience et longueur de temps font plus que force ni que rage", enseigne le dicton. Il est certes indéniable que la junte au pouvoir à Niamey, depuis qu’elle s’est installée à la tête de l’Etat, force l’admiration par la pondération de sa démarche. Elle donne l’image d’une équipe qui ne tâtonne pas et qui réfléchit longuement avant de prendre ses décisions. Soit ! Elle bénéficie de la sympathie des Nigériens ainsi que de celle de la communauté internationale. A vrai dire, il y a de quoi. Le président évincé, Mamadou Tandja, avait fini par irriter tout le monde par sa superbe ainsi que son orgueil hypertrophiés qui narguaient et ses pairs africains et les instances internationales. Au point qu’à sa chute, hypocrisie mise à part, on ne peut pas dire que beaucoup aient versé à son endroit, des larmes de compassion. La junte se présente donc en sauveur et, jusqu’à présent, donne des raisons de croire qu’elle est sincère et qu’on a de sérieuses raisons de compter sur sa bonne foi.
Mais, de là à demander une levée immédiate des sanctions appliquées au Niger, il y a tout de même comme un immense abîme. Malheureusement, le président sénégalais le franchit avec une aisance et un empressement qui étonnent, mieux, qui inquiètent. La prudence commande d’accompagner cette junte. Les condamnations des instances africaines et internationales, même si elles sont de principe, participent d’une volonté avérée de voir une restauration de l’ordre normal des choses dans ce pays. Les sanctions ne prêchent pas autre chose. Elles constituent autant de pressions qui sont autant de garde-fous qui canalisent l’action de la nouvelle junte au pouvoir. Les lui supprimer peut conduire à la faire basculer.
La junte d’ailleurs, le sait très bien, elle qui, dans sa démarche, vient de décider de la mise en place d’un conseil consultatif qui aura pour charge d’élaborer le calendrier de la transition.
Cette junte, même si à présent on a des raisons de l’apprécier positivement, il convient de la juger sur pièces avant de lui accorder des bonus faciles. Car, enfin, elle détient entre ses mains la destinée de toute une nation. On n’a pas le droit de prendre certaines décisions à la légère. Et puis, comparaison n’est pas raison, il est vrai, mais plus d’un se souvient de gages et promesses faites en Guinée par un Dadis Camara à qui, à l’époque, beaucoup donnaient le bon Dieu sans confession. Maître Wade, d’ailleurs, s’honora du vocable affectueux de "père" de l’enfant terrible de Conakry. On a vu ce qu’il en a résulté. Et puis, on finit par se demander ce qui pousse le président sénégalais à toujours donner son avis sur tout.
A l’issue de chaque sommet auquel le maître prend part, il est celui vers lequel les chasseurs de scoop se ruent volontiers : ils n’en retournent jamais bredouilles, le "vieux" a toujours quelque chose à dire. On se rappelle qu’il a été le premier chef d’Etat africain à soutenir ouvertement Dadis "le terrible". Suite à l’attentant perpétré contre ce "fils" par son lieutenant Toumba, Wade, encore lui, s’empressera d’expédier un avion à Conakry pour ramener le capitaine président à Dakar aux fins de le faire soigner. Un aéroplane burkinabè lui sera préféré. Plus récemment, lors du drame que provoqua le séisme à Haïti, on l’entendra formuler une proposition des plus inattendues : ramener les Haïtiens à la mère patrie, le continent africain. A présent, c’est la junte nigérienne qu’il souhaite voir adouber par les
instances africaines et internationales. Tout le monde se souvient de l’escale de Wade à Niamey pour rendre visite à un Tandja vomi par les Nigériens et l’ensemble de la communauté internationale. Qu’est-ce à dire ? Hier seulement consolateur de Tandja, aujourd’hui sympathisant de la junte qui l’a renversé ? Quelque part, ça manque de constance et de logique. Et puis quoi encore ? A croire que le chef d’Etat sénégalais s’agite et manifeste tant de frénésie parce que visiblement il trouve qu’on ne lui reconnaît pas assez de valeur, de compétence et de savoir-faire. Il court alors et recherche de lui-même le leadership qui lui manque pour briller de mille feux dans la sous-région.
Il faut souhaiter que pour ce cas de la junte nigérienne, ses pairs africains ainsi que la communauté internationale refusent de suivre le maître. Car, de toute évidence, il ne montre pas ici, la bonne direction. Au moment où tout le monde croise les doigts dans le but de voir aboutir un processus de sortie de crise dans l’ouest-africain, il n’est nul besoin de compliquer la chose en y introduisant de l’imprudence et de l’empressement. "Qui va lentement, va sûrement", assure l’adage. Lorsqu’il s’agit de reconstruire une nation, on se doit, raisonnablement, d’éviter de faire dans l’inutile précipitation.
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