Je fais partie de ceux qui ont, depuis quelques années, fini de désespérer de l’Art sénégalais, et plus précisément de la musique. A cause du laxisme révoltant qui la caractérise, de sa production à sa diffusion. Or donc, les preuves existent à foison que c’est par le canal des clips que ce monstrueux laisser-aller est porté à son paroxysme. L’insalubrité qui fait puer ce système de valorisation musicale se décline en d’horribles mimétismes chorégraphiques, en un étalage extravagant de luxes largement empruntés, et comble de ridicule, en un surpeuplement insolent des scènes de tournage par des figurants mal activés par le simple désir de voir leur image projetée à travers la lucarne magique. Et pourtant, à ce sujet, rien n’est gratuit. Nous n’avons, au fond, que les images que nous méritons. Il suffit de pousser la réflexion pour voir aussitôt se dresser devant soi notre triste inculture en matière de valorisation de la création musicale par l’image. Pour l’écrasante majorité de nos artistes musiciens, du grand public, et malheureusement de quelques réalisateurs de seconde zone, faire un clip c’est aussi simple que de ramasser n’importe quelles images n’importe où en se dispensant sournoisement de la peine de transpirer pour leur imprimer une certaine cohérence esthétique et un minimum de lisibilité. Et depuis plus de dix ans maintenant, le clip, chez nous, ressemble bien plus à un problème qu’à une solution.
C’est à peine s’il ne plombe pas les timides tentatives de révolution de notre musique, cette machine poussive engluée dans un atavisme désarmant. Si dans la culture du genre un certain Ismaila LO reste une référence indiscutable, on a bien du mal à reconnaître dans cette foule d’autodidactes quelques héritiers valables de ses prouesses. A vrai dire, si l’on fait preuve d’objectivité, il y a, chaque année, à peine plus de trois clips qui méritent d’être diffusés au-delà des limites d’un studio d’essayage. Maintenant, la seule question qui vaille est de se demander si on doit continuer de se contenter de ce peu ou non. Quoi qu’il en soit, le milieu du Hip Hop, par le canal de quelques-uns de ses représentants, semble bien décidé à donner le ton d’une révolution « clipique » dont on peut raisonnablement espérer qu’elle fera tâche d’huile. L’initiative qui est, depuis quelques mois, en train de faire son bonhomme de chemin, est discrètement portée à bout de bras par un génial groupe de jeunes réalisateurs qui se sont donné le nom si original de « Gelongal ». Avec un capital imagination très éclectique, ces seigneurs de l’image ne me semblent pas jusqu’ici avoir bénéficié de toute l’attention que mérite leur prodigieuse créativité. Il faut certainement se résoudre à les classer dans la catégorie des génies incompris, comme le fut un certain Djibril Diop Mambéty, jusqu’à ce que la Mort lui impose un clap définitif.
Le clip du morceau « Roots » dans lequel ils sont en « featuring » avec l’auteur de « Présidents d’Afrique », Didier Awadi, atteste de toute l’aisance de ces jeunes réalisateurs dans l’art d’extraire des images en or d’un minimum d’espace, de couleurs et de ressources humaines. Le groupe « Daara J family », avec le premier clip réalisé sur son dernier album « School of life », est allé très loin sur la route de la perfection, avec des séquences cyniquement dépouillées qui nous rappellent la Coumba Gawlo Seck de « Mbegel la gnoul dioylo », clip dans lequel l’auteur de « Miniyamba » s’était victorieusement contentée de ses propres dispositions chorégraphiques pour se passer des services souvent si peu utiles de l’un de ces nombreux groupes de danse qui s’improvisent à Dakar. Les clips « Li ci mbeguel » du duo Viviane-Mame Balla et « Wallou » de la nouvelle folk woman Queen Biz sont aussi digestes à tous points de vue.
La poubelle de clips-kleenex est pleine. La patience des puristes déborde dans tous les sens. Mais de temps à autre, quelques bouffées d’images pures se dessinent sous nos yeux et nous donnent des raisons de remobiliser notre espoir. Tel est le cas du dernier clip de Carlou D, cet artiste presque complet qui sait si bien réinvestir son talent d’ancien danseur professionnel et ses réflexes de comédien dans sa politique de construction d’une image promotionnelle.
Waly BA
L’AS
C’est à peine s’il ne plombe pas les timides tentatives de révolution de notre musique, cette machine poussive engluée dans un atavisme désarmant. Si dans la culture du genre un certain Ismaila LO reste une référence indiscutable, on a bien du mal à reconnaître dans cette foule d’autodidactes quelques héritiers valables de ses prouesses. A vrai dire, si l’on fait preuve d’objectivité, il y a, chaque année, à peine plus de trois clips qui méritent d’être diffusés au-delà des limites d’un studio d’essayage. Maintenant, la seule question qui vaille est de se demander si on doit continuer de se contenter de ce peu ou non. Quoi qu’il en soit, le milieu du Hip Hop, par le canal de quelques-uns de ses représentants, semble bien décidé à donner le ton d’une révolution « clipique » dont on peut raisonnablement espérer qu’elle fera tâche d’huile. L’initiative qui est, depuis quelques mois, en train de faire son bonhomme de chemin, est discrètement portée à bout de bras par un génial groupe de jeunes réalisateurs qui se sont donné le nom si original de « Gelongal ». Avec un capital imagination très éclectique, ces seigneurs de l’image ne me semblent pas jusqu’ici avoir bénéficié de toute l’attention que mérite leur prodigieuse créativité. Il faut certainement se résoudre à les classer dans la catégorie des génies incompris, comme le fut un certain Djibril Diop Mambéty, jusqu’à ce que la Mort lui impose un clap définitif.
Le clip du morceau « Roots » dans lequel ils sont en « featuring » avec l’auteur de « Présidents d’Afrique », Didier Awadi, atteste de toute l’aisance de ces jeunes réalisateurs dans l’art d’extraire des images en or d’un minimum d’espace, de couleurs et de ressources humaines. Le groupe « Daara J family », avec le premier clip réalisé sur son dernier album « School of life », est allé très loin sur la route de la perfection, avec des séquences cyniquement dépouillées qui nous rappellent la Coumba Gawlo Seck de « Mbegel la gnoul dioylo », clip dans lequel l’auteur de « Miniyamba » s’était victorieusement contentée de ses propres dispositions chorégraphiques pour se passer des services souvent si peu utiles de l’un de ces nombreux groupes de danse qui s’improvisent à Dakar. Les clips « Li ci mbeguel » du duo Viviane-Mame Balla et « Wallou » de la nouvelle folk woman Queen Biz sont aussi digestes à tous points de vue.
La poubelle de clips-kleenex est pleine. La patience des puristes déborde dans tous les sens. Mais de temps à autre, quelques bouffées d’images pures se dessinent sous nos yeux et nous donnent des raisons de remobiliser notre espoir. Tel est le cas du dernier clip de Carlou D, cet artiste presque complet qui sait si bien réinvestir son talent d’ancien danseur professionnel et ses réflexes de comédien dans sa politique de construction d’une image promotionnelle.
Waly BA
L’AS