Les penseurs de gauche se veulent, en France, dépositaires du "bien", dans une perspective presque manichéenne. Ainsi, les idées de ceux qui s'opposent à eux, donc au bien, sont forcément suspectes, et ne sont jamais vu comme enrichissantes au sein du débat démocratique.
Atlantico : Par quel mécanisme en est-on arrivé à un telle absence de pluralité d'opinion ?
Eric Deschavanne : Le problème que vous posez est à mes yeux celui de la dérive moraliste du débat public. Celle-ci n'est pas simplement le fait de la gauche. Le débat politique revêt en effet le plus souvent la forme d'un choc des indignations. Regardez par exemple les réactions suscitées par la déclation de Manuel Valls à propos de l'apartheid ethno-culturel : il fait un constat, dont on pourrait éventuellement contester la justesse en avançant des faits; on préfère détourner de regard, ignorer le réel et s'indigner. Même Sarkozy s'y met : "ouh, c'est pas bien, il a dit 'apartheid' !".
La raison de ce primat de l'indignation n'est pas bien difficile à identifier. La démocratie médiatique "sélectionne" en quelque sorte les arguments les plus démagogiques, ceux qui flattent les intérêts, les passions et les convictions morales : l'expression d'une conviction morale, d'un jugement moral, est toujours plus simple et plus universellement frappante qu'une analyse ou une argumentation élaborée; elle est en outre mieux calibrée pour le format "tweet" et l'évitement des "tunnels" proscrits par les médias audiovisuels. C'est ainsi que le discours politique se dilue dans le moralisme. Max Weber distinguait l'éthique de la conviction et l'éthique de la responsabilité. Une conviction morale revêt toujours l'aspect d'une évidence incontestable : s'il est mal de tuer, il est impossible de contester le bien-fondé du pacifisme, toujours justifié quelles que soient les circonstances.
Atlantico : Par quel mécanisme en est-on arrivé à un telle absence de pluralité d'opinion ?
Eric Deschavanne : Le problème que vous posez est à mes yeux celui de la dérive moraliste du débat public. Celle-ci n'est pas simplement le fait de la gauche. Le débat politique revêt en effet le plus souvent la forme d'un choc des indignations. Regardez par exemple les réactions suscitées par la déclation de Manuel Valls à propos de l'apartheid ethno-culturel : il fait un constat, dont on pourrait éventuellement contester la justesse en avançant des faits; on préfère détourner de regard, ignorer le réel et s'indigner. Même Sarkozy s'y met : "ouh, c'est pas bien, il a dit 'apartheid' !".
La raison de ce primat de l'indignation n'est pas bien difficile à identifier. La démocratie médiatique "sélectionne" en quelque sorte les arguments les plus démagogiques, ceux qui flattent les intérêts, les passions et les convictions morales : l'expression d'une conviction morale, d'un jugement moral, est toujours plus simple et plus universellement frappante qu'une analyse ou une argumentation élaborée; elle est en outre mieux calibrée pour le format "tweet" et l'évitement des "tunnels" proscrits par les médias audiovisuels. C'est ainsi que le discours politique se dilue dans le moralisme. Max Weber distinguait l'éthique de la conviction et l'éthique de la responsabilité. Une conviction morale revêt toujours l'aspect d'une évidence incontestable : s'il est mal de tuer, il est impossible de contester le bien-fondé du pacifisme, toujours justifié quelles que soient les circonstances.