Le Matin
Comme on le sait tous, il y a une situation qui vient de se passer en Mauritanie. Il s'agit d'un coup de force. Pour vous qui connaissez très bien ce pays quelles sont les raisons profondes qui ont poussé les militaires à arrêter le processus démocratique ?
M. Baba Tiandian
Il faut commencer par le commencement. Je pense que beaucoup d’erreurs ont été commises part Sidi Ould Cheikh Abdallahi et de son entourage. D’abord pour avoir remis le pays entre les mains de Zein Ould Zeydane qui était son Premier ministre qui est arrivé en troisième position lors des dernières élections. Etant un économiste, ancien Directeur général de la banque centrale, Sidi avait imaginé s’appuyer sur lui en lui donnant carte blanche intégralement pour conduire la politique économique du pays mais il s’est avéré qu’il a laissé trop faire. Zein Ould Zeydan n’a pas su redresser la barre et la crise s’est accentuée. Les populations ont constaté qu’il y a de sérieux problèmes mais Sidi n’avait pas réagi.
Entre temps le Premier ministre a été remercié tout de même?
Oui, mais les populations ne voyaient pas Sidi réagir. Ce qui fait qu’il y a eu des situations de blocage avec les députés qui ont fait un forcing pour démettre le gouvernement. Ça c’est un autre aspect politico-économique mais il y a un sérieux problème sans lequel il n’y aurait jamais eu de coup d’Etat. Je le dis et je le répète. Jusqu’à avant-hier soir (Ndlr : mardi), le coup d’Etat n’était prévu nulle part. Le coup d’Etat a été provoqué par l’épouse de Sidi. Il n’était pas prémédité.
Je peux même dire que tout s’est passé entre deux ou trois discussions. Selon les propos recueillis la femme du président avait menacé Aziz de le démettre de son poste. Il s’est avéré que Sidi en prenant une décision malencontreuse de débarquer des quatre officiers supérieurs, a sans le savoir, provoqué un coup d’Etat. On ne peut pas débarquer les quatre chefs d’Etat major d’un seul coup sur des instructions des islamistes et des communistes. Ils étaient tous dans le bureau de Sidi avant-hier jusqu’à deux heures du matin (Ndlr : mardi). Ils ont fait faire à Sidi cette bêtise regrettable donc je dirais qu’ils sont responsables et cela est dû, il faut le reconnaître, à la faiblesse de Sidi et en faisant un décret pour dégommer les quatre chefs d’Etat major.
Et ce, en nommant des personnes qui n’étaient pas présentes à Nouakchott, dont Boubacar et Ismaël qui étaient respectivement pressentis pour remplacer Aziz et Gazouyanie. D'ailleurs, je rappelle aussi que le Chef d’Etat major n’était pas présent à Nouakchott. C’est pour vous dire que le coup d’Etat n’était pas prémédité, puisque le chef d’Etat major en personne qui est le deuxième homme fort du régime militaire n’était même pas sur place. Donc, c’est à la suite de ce décret qui a été lu à la radio que Aziz s’est pointé pour demander des explications. Et en lieu et place ils ont ramassé des insultes.
L’épouse de chef de l’Etat répond par des insultes, par des menaces et c’est là que où les choses ont dégénéré pour des militaires qui ont osé à l’époque s’attaquer au tout-puissant Ould Taya qui était considéré comme un demi-Dieu à Nouakchott même. C’est tout de même insolite. Et quelqu’un a eu l’audace d’aller fomenter un coup d’Etat contre cet individu-là. Et, au lieu de s’en emparer, il le remet à Eli Ould Vall, le gradé le plus ancien. Aziz est un homme de l’ombre, un militaire pur et dur. Il était certainement à l’époque épris de justice pour que le processus démocratique puisse avancer puisqu’ils étaient en face d’un mur. Car c’étaient des élections truquées à répétition pour le régime de Taya.
Est ce que vous pouvez revenir sur les rapports heurtés entre la première dame et Aziz ?
Ces rapports heurtés ont commencé depuis le début où malheureusement tout le monde a compris que c’est la femme qui décidait au niveau de la Présidence.Et elle ne décide même pas dans la discrétion, mais au vu et au su de tout le monde. Elle n’y met pas les formes. Elle dit que c’est elle qui était élue, que c’est elle le Président, que Sidi n’est qu’une ombre. C’est elle qui créait le gouvernement en réalité. J’ai même écho du fait qu’elle posait des questions sur telle ou telle personne pour éventuellement des nominations à des postes. Elle était son propre conseiller.
Donc cette dame s’immisçait dans tout. En moins d’un an, elle s’est fait une réputation extraordinaire. Nulle part dans le monde, on a vu la femme d’un chef d’Etat aussi impopulaire. Cette femme-là a conduit son mari à sa perte. A Sidi, on ne peut rien reprocher. C’est vrai qu'il a échoué économiquement, mais il avait la possibilité de redresser la barre. Mais malheureusement, le comportement de son épouse et la mauvaise maîtrise de Sidi et de l’espace familial a fait que les gens voyaient un peu les dérives qui se profilaient à l’horizon. Sa femme était au centre, sa fille à droite. Il ne faut pas oublier que cette dernière était pratiquement le numéro deux de la Présidence. Elle faisait office de Directeur de cabinet. C’est elle qui a le calendrier du président.
Le Directeur de cabinet était un fantôme. C’est elle qui décidait qui devait rencontrer le président. Et cela se faisait avec des dérapages qui ont conduit à la situation que l’on sait. Il y a eu des déceptions de la part de certains parce que Sidi a été quand même un ancien ministre. On ne pouvait pas comprendre ce manque de maîtrise caractériel des affaires de l’Etat. Pour revenir sur les rapports entre l’épouse du président et Aziz, il faut dire que depuis le début, celle-ci a imprimé un rythme à la présidence que les militaires ne connaissaient pas. C’est-à-dire les visites inopinées, non maîtrisées, non répertoriées, les gens qui venaient à la porte et qui appelaient avec leur portable; bref, on donnait des instructions pour les laisser rentrer.
Et ceci a posé d’énormes problèmes à Aziz qui était censé assurer la sécurité du palais présidentiel. Il a posé ce problème à plusieurs reprises, mais la dame n’en a cure jusqu’au jour où il y a contrairement sur le débat télévisé quand mon ami Sid Lamine Niasse (Ndlr : Président du groupe de Walfadjiri) disait que les militaires étaient tellement hautains qu’ils empêchaient même le fils de Sidi de rentrer dans le Palais. Mais en réalité, ce n’était pas le fils de Sidi. C’était un homosexuel qui venait très souvent à la Présidence et qui téléphonait depuis la porte.
Des instructions étaient données pour le laisser entrer. Et ça, Aziz ne l’appréciait pas. Encore que cet homosexuel fût très connu à Nouakchott. Quand Aziz avait demandé qu’aucune porte ne lui fût désormais plus ouverte, l’épouse du président en a fait un conseiller. C’est ça la réalité. Je pense que Sidi et son épouse devaient de la reconnaissance aux militaires. La preuve, Sidi était à Niamey ; il travaillait pour un projet du fonds Kowetien, il était à la retraite et a été repris par Ali Zein qui est le ministre des Finances du Niger qui lui a confié un petit projet. Et c’est sur cette base que Sidi s’est retrouvé à Nouakchott pour faire une conférence sur l’économie et c’est comme cela que Aziz l’a repéré.
Il en a fait un choix d’une possible troisième candidature parce qu'avant son arrivée, il n’y avait que deux candidatures pratiquement potentielles. Celle de Ould Dada et de Zeyne Ould Zeydane. Aziz l’a copté lors de ce congrès et lui a demandé d’être candidat. Et Aziz a mis tout son poids sur la balance pour le faire élire. C’est vrai qu’il a été élu démocratiquement. C’est là où il faut quand même dire la réalité des choses. Je pense qu’à la suite de l’élection de Sidi en tant que Président de la république, il doit protection totale à ces généraux qui ont fomenté ce coup d’Etat et qui ont proposé sa candidature dans un système démocratique quand on sait qu’au sein de l’armée, il y avait toujours des royalistes qui étaient les partisans de Ould Taya.
D’ailleurs, il a dit il y a une semaine à la chaîne Al Jazira qu’il félicitait le Général Aziz qui a été beaucoup pour son élection au niveau de la magistrature suprême. Un président ne peut pas dire ça une semaine et un jour après tomber sur un coup d’Etat. Donc c’est pourquoi je disais que le coup d’Etat n’était pas prévu du tout. Le comportement de la dame avec Aziz a pourri l’atmosphère au niveau de la Présidence. Pour vous donner une anecdote, son premier différend avec Aziz, c’est quand elle a voulu élever des moutons au niveau du Palais. Et ça, Aziz ne l'a pas apprécié. Il était hostile. Elle a insisté. Et pire encore, elle a demandé un montant de 200.000 Ouguiyas (400.000 Fcfa) pour l’achat de foins, tous les jours. Dix jours après, elle réédite la même chose en amenant des chamelles au niveau de la Présidence.
L’autre aspect qui a posé aussi problème au niveau de la sécurité, c’est la mosquée que Sidi a construite à l’intérieur de la Présidence où le monde pouvait venir prier tous les vendredis. D’où le problème de sécurité qui s’était posé. Le Général Aziz se rendant compte que ce n’était pas possible, avait fermé la principale porte allant à la mosquée. Et cela avait envenimé la tension à l’intérieur du Palais présidentiel. C’est là que les islamistes ont commencé à jouer leur partition.
Il paraît que la France même n’est pas contente de Sidi, justement pour cette raison ?
Oui! Oui! Je l’ai lu quelque part. Quand il y a eu la fermeture de la porte de la mosquée, c’est en ce moment que les islamistes sont entrés en action. Depuis un mois et demi, ils poussaient Sidi à démettre les Généraux. Ils lui faisaient comprendre qu’il était élu démocratiquement et que les généraux de l’armée ne pouvaient rien contre lui. Or, Sidi avait pris des engagements avec les Généraux en quelque sorte dans la mesure où ce sont eux qui avaient fait le coup d’Etat du mois d’août 2005. Ils devaient être protégés et respectés. Il avait commencé à le faire. Ce qui est bien, en les nommant d’abord Généraux. Cela prouvait quelque part qu’il voulait récompenser ces gens-là.
Au lieu de cela, ils ont eu droit à des menaces de l’épouse de Sidi leur faisant comprendre qu’ils seront dégradés, renvoyés dans les petites garnisons. Il y a eu aussi d’énormes problèmes de sécurité à Nouakchott. Vols, viols et assassinats de populations ont rythmé le quotidien des habitants, le tout sur fond d’attaques terroristes. D’ailleurs l’Emir du Qatar en visite à Nouakchott a dû quitter rapidement le pays, pris qu’il était entre deux feux, celui de la police, et celui des islamistes.
Pour parler des perspectives de la démocratie en Mauritanie, pensez-vous que le nouvel homme fort serait prêt à rendre le pouvoir ?
Ce dont je suis persuadé et je le crois, c’est que Aziz n’est pas très intéressé par le pouvoir. Je pense qu’à un moment donné, le pays était face à un mur. Et avec Taya, il a fait sauter ce mur. Et ils ont accepté entre eux de ne pas être candidats. Et c’est lui qui a fait le coup d’Etat et a remis les commandes à Ould Vall.
De mémoire, quand on fait un coup d’Etat, c’est pour garder le pouvoir. Je n’ai jamais vu nulle part quelqu’un faire un coup d’Etat et confier le pouvoir à un tiers. Le pouvoir ne l’intéresse pas. Parce que je connais la personne, je connais l’homme. Et je pense qu’il faut une stabilité en Mauritanie. Mais malheureusement, cette stabilité, les Mauritaniens pensaient l’avoir retrouvée en Sidi. Mais ils ne l’ont pas eue. Ils auraient pu l’avoir en lui s’il y n’avait pas les agissements de son épouse. Il était quand même un monsieur respectable. Il avait le profil d’un président de la République. Il avait un certain âge. Il était à la limite un religieux qui n’était pas trop versé dans des choses mondaines. Malheureusement, il a une jeune dame qui ne voyait pas les choses de la même manière.
Certains craignent également pour le retour des réfugiés que les choses ne soient un peu bloquées. Vous ne craignez pas qu’il y a là un problème d’insécurité qui risque de s’installer en Mauritanie ?
Je ne le crois pas parce que je sais que pour le problème des réfugiés, Aziz n’était pas hostile. Je crois que le processus du retour des réfugiés va se poursuivre. Mais il faut dire que ce qu’on n’a vu jusqu’à présent, même sous l’ère de Sidi, ce n’était pas ça. C’est-à-dire qu’on a fait venir des réfugiés, on les a installés derrière le fleuve à Rosso, avec des tentes en plastique dénuées de tout. En définitive, certains pensent même retourner d’où ils sont venus parce que là où ils sont, n’est pas meilleur d’autant qu’on les a installés dans une zone inondable.
Réalisée par Assane SAMB et Boubacar Demba SADIO
Comme on le sait tous, il y a une situation qui vient de se passer en Mauritanie. Il s'agit d'un coup de force. Pour vous qui connaissez très bien ce pays quelles sont les raisons profondes qui ont poussé les militaires à arrêter le processus démocratique ?
M. Baba Tiandian
Il faut commencer par le commencement. Je pense que beaucoup d’erreurs ont été commises part Sidi Ould Cheikh Abdallahi et de son entourage. D’abord pour avoir remis le pays entre les mains de Zein Ould Zeydane qui était son Premier ministre qui est arrivé en troisième position lors des dernières élections. Etant un économiste, ancien Directeur général de la banque centrale, Sidi avait imaginé s’appuyer sur lui en lui donnant carte blanche intégralement pour conduire la politique économique du pays mais il s’est avéré qu’il a laissé trop faire. Zein Ould Zeydan n’a pas su redresser la barre et la crise s’est accentuée. Les populations ont constaté qu’il y a de sérieux problèmes mais Sidi n’avait pas réagi.
Entre temps le Premier ministre a été remercié tout de même?
Oui, mais les populations ne voyaient pas Sidi réagir. Ce qui fait qu’il y a eu des situations de blocage avec les députés qui ont fait un forcing pour démettre le gouvernement. Ça c’est un autre aspect politico-économique mais il y a un sérieux problème sans lequel il n’y aurait jamais eu de coup d’Etat. Je le dis et je le répète. Jusqu’à avant-hier soir (Ndlr : mardi), le coup d’Etat n’était prévu nulle part. Le coup d’Etat a été provoqué par l’épouse de Sidi. Il n’était pas prémédité.
Je peux même dire que tout s’est passé entre deux ou trois discussions. Selon les propos recueillis la femme du président avait menacé Aziz de le démettre de son poste. Il s’est avéré que Sidi en prenant une décision malencontreuse de débarquer des quatre officiers supérieurs, a sans le savoir, provoqué un coup d’Etat. On ne peut pas débarquer les quatre chefs d’Etat major d’un seul coup sur des instructions des islamistes et des communistes. Ils étaient tous dans le bureau de Sidi avant-hier jusqu’à deux heures du matin (Ndlr : mardi). Ils ont fait faire à Sidi cette bêtise regrettable donc je dirais qu’ils sont responsables et cela est dû, il faut le reconnaître, à la faiblesse de Sidi et en faisant un décret pour dégommer les quatre chefs d’Etat major.
Et ce, en nommant des personnes qui n’étaient pas présentes à Nouakchott, dont Boubacar et Ismaël qui étaient respectivement pressentis pour remplacer Aziz et Gazouyanie. D'ailleurs, je rappelle aussi que le Chef d’Etat major n’était pas présent à Nouakchott. C’est pour vous dire que le coup d’Etat n’était pas prémédité, puisque le chef d’Etat major en personne qui est le deuxième homme fort du régime militaire n’était même pas sur place. Donc, c’est à la suite de ce décret qui a été lu à la radio que Aziz s’est pointé pour demander des explications. Et en lieu et place ils ont ramassé des insultes.
L’épouse de chef de l’Etat répond par des insultes, par des menaces et c’est là que où les choses ont dégénéré pour des militaires qui ont osé à l’époque s’attaquer au tout-puissant Ould Taya qui était considéré comme un demi-Dieu à Nouakchott même. C’est tout de même insolite. Et quelqu’un a eu l’audace d’aller fomenter un coup d’Etat contre cet individu-là. Et, au lieu de s’en emparer, il le remet à Eli Ould Vall, le gradé le plus ancien. Aziz est un homme de l’ombre, un militaire pur et dur. Il était certainement à l’époque épris de justice pour que le processus démocratique puisse avancer puisqu’ils étaient en face d’un mur. Car c’étaient des élections truquées à répétition pour le régime de Taya.
Est ce que vous pouvez revenir sur les rapports heurtés entre la première dame et Aziz ?
Ces rapports heurtés ont commencé depuis le début où malheureusement tout le monde a compris que c’est la femme qui décidait au niveau de la Présidence.Et elle ne décide même pas dans la discrétion, mais au vu et au su de tout le monde. Elle n’y met pas les formes. Elle dit que c’est elle qui était élue, que c’est elle le Président, que Sidi n’est qu’une ombre. C’est elle qui créait le gouvernement en réalité. J’ai même écho du fait qu’elle posait des questions sur telle ou telle personne pour éventuellement des nominations à des postes. Elle était son propre conseiller.
Donc cette dame s’immisçait dans tout. En moins d’un an, elle s’est fait une réputation extraordinaire. Nulle part dans le monde, on a vu la femme d’un chef d’Etat aussi impopulaire. Cette femme-là a conduit son mari à sa perte. A Sidi, on ne peut rien reprocher. C’est vrai qu'il a échoué économiquement, mais il avait la possibilité de redresser la barre. Mais malheureusement, le comportement de son épouse et la mauvaise maîtrise de Sidi et de l’espace familial a fait que les gens voyaient un peu les dérives qui se profilaient à l’horizon. Sa femme était au centre, sa fille à droite. Il ne faut pas oublier que cette dernière était pratiquement le numéro deux de la Présidence. Elle faisait office de Directeur de cabinet. C’est elle qui a le calendrier du président.
Le Directeur de cabinet était un fantôme. C’est elle qui décidait qui devait rencontrer le président. Et cela se faisait avec des dérapages qui ont conduit à la situation que l’on sait. Il y a eu des déceptions de la part de certains parce que Sidi a été quand même un ancien ministre. On ne pouvait pas comprendre ce manque de maîtrise caractériel des affaires de l’Etat. Pour revenir sur les rapports entre l’épouse du président et Aziz, il faut dire que depuis le début, celle-ci a imprimé un rythme à la présidence que les militaires ne connaissaient pas. C’est-à-dire les visites inopinées, non maîtrisées, non répertoriées, les gens qui venaient à la porte et qui appelaient avec leur portable; bref, on donnait des instructions pour les laisser rentrer.
Et ceci a posé d’énormes problèmes à Aziz qui était censé assurer la sécurité du palais présidentiel. Il a posé ce problème à plusieurs reprises, mais la dame n’en a cure jusqu’au jour où il y a contrairement sur le débat télévisé quand mon ami Sid Lamine Niasse (Ndlr : Président du groupe de Walfadjiri) disait que les militaires étaient tellement hautains qu’ils empêchaient même le fils de Sidi de rentrer dans le Palais. Mais en réalité, ce n’était pas le fils de Sidi. C’était un homosexuel qui venait très souvent à la Présidence et qui téléphonait depuis la porte.
Des instructions étaient données pour le laisser entrer. Et ça, Aziz ne l’appréciait pas. Encore que cet homosexuel fût très connu à Nouakchott. Quand Aziz avait demandé qu’aucune porte ne lui fût désormais plus ouverte, l’épouse du président en a fait un conseiller. C’est ça la réalité. Je pense que Sidi et son épouse devaient de la reconnaissance aux militaires. La preuve, Sidi était à Niamey ; il travaillait pour un projet du fonds Kowetien, il était à la retraite et a été repris par Ali Zein qui est le ministre des Finances du Niger qui lui a confié un petit projet. Et c’est sur cette base que Sidi s’est retrouvé à Nouakchott pour faire une conférence sur l’économie et c’est comme cela que Aziz l’a repéré.
Il en a fait un choix d’une possible troisième candidature parce qu'avant son arrivée, il n’y avait que deux candidatures pratiquement potentielles. Celle de Ould Dada et de Zeyne Ould Zeydane. Aziz l’a copté lors de ce congrès et lui a demandé d’être candidat. Et Aziz a mis tout son poids sur la balance pour le faire élire. C’est vrai qu’il a été élu démocratiquement. C’est là où il faut quand même dire la réalité des choses. Je pense qu’à la suite de l’élection de Sidi en tant que Président de la république, il doit protection totale à ces généraux qui ont fomenté ce coup d’Etat et qui ont proposé sa candidature dans un système démocratique quand on sait qu’au sein de l’armée, il y avait toujours des royalistes qui étaient les partisans de Ould Taya.
D’ailleurs, il a dit il y a une semaine à la chaîne Al Jazira qu’il félicitait le Général Aziz qui a été beaucoup pour son élection au niveau de la magistrature suprême. Un président ne peut pas dire ça une semaine et un jour après tomber sur un coup d’Etat. Donc c’est pourquoi je disais que le coup d’Etat n’était pas prévu du tout. Le comportement de la dame avec Aziz a pourri l’atmosphère au niveau de la Présidence. Pour vous donner une anecdote, son premier différend avec Aziz, c’est quand elle a voulu élever des moutons au niveau du Palais. Et ça, Aziz ne l'a pas apprécié. Il était hostile. Elle a insisté. Et pire encore, elle a demandé un montant de 200.000 Ouguiyas (400.000 Fcfa) pour l’achat de foins, tous les jours. Dix jours après, elle réédite la même chose en amenant des chamelles au niveau de la Présidence.
L’autre aspect qui a posé aussi problème au niveau de la sécurité, c’est la mosquée que Sidi a construite à l’intérieur de la Présidence où le monde pouvait venir prier tous les vendredis. D’où le problème de sécurité qui s’était posé. Le Général Aziz se rendant compte que ce n’était pas possible, avait fermé la principale porte allant à la mosquée. Et cela avait envenimé la tension à l’intérieur du Palais présidentiel. C’est là que les islamistes ont commencé à jouer leur partition.
Il paraît que la France même n’est pas contente de Sidi, justement pour cette raison ?
Oui! Oui! Je l’ai lu quelque part. Quand il y a eu la fermeture de la porte de la mosquée, c’est en ce moment que les islamistes sont entrés en action. Depuis un mois et demi, ils poussaient Sidi à démettre les Généraux. Ils lui faisaient comprendre qu’il était élu démocratiquement et que les généraux de l’armée ne pouvaient rien contre lui. Or, Sidi avait pris des engagements avec les Généraux en quelque sorte dans la mesure où ce sont eux qui avaient fait le coup d’Etat du mois d’août 2005. Ils devaient être protégés et respectés. Il avait commencé à le faire. Ce qui est bien, en les nommant d’abord Généraux. Cela prouvait quelque part qu’il voulait récompenser ces gens-là.
Au lieu de cela, ils ont eu droit à des menaces de l’épouse de Sidi leur faisant comprendre qu’ils seront dégradés, renvoyés dans les petites garnisons. Il y a eu aussi d’énormes problèmes de sécurité à Nouakchott. Vols, viols et assassinats de populations ont rythmé le quotidien des habitants, le tout sur fond d’attaques terroristes. D’ailleurs l’Emir du Qatar en visite à Nouakchott a dû quitter rapidement le pays, pris qu’il était entre deux feux, celui de la police, et celui des islamistes.
Pour parler des perspectives de la démocratie en Mauritanie, pensez-vous que le nouvel homme fort serait prêt à rendre le pouvoir ?
Ce dont je suis persuadé et je le crois, c’est que Aziz n’est pas très intéressé par le pouvoir. Je pense qu’à un moment donné, le pays était face à un mur. Et avec Taya, il a fait sauter ce mur. Et ils ont accepté entre eux de ne pas être candidats. Et c’est lui qui a fait le coup d’Etat et a remis les commandes à Ould Vall.
De mémoire, quand on fait un coup d’Etat, c’est pour garder le pouvoir. Je n’ai jamais vu nulle part quelqu’un faire un coup d’Etat et confier le pouvoir à un tiers. Le pouvoir ne l’intéresse pas. Parce que je connais la personne, je connais l’homme. Et je pense qu’il faut une stabilité en Mauritanie. Mais malheureusement, cette stabilité, les Mauritaniens pensaient l’avoir retrouvée en Sidi. Mais ils ne l’ont pas eue. Ils auraient pu l’avoir en lui s’il y n’avait pas les agissements de son épouse. Il était quand même un monsieur respectable. Il avait le profil d’un président de la République. Il avait un certain âge. Il était à la limite un religieux qui n’était pas trop versé dans des choses mondaines. Malheureusement, il a une jeune dame qui ne voyait pas les choses de la même manière.
Certains craignent également pour le retour des réfugiés que les choses ne soient un peu bloquées. Vous ne craignez pas qu’il y a là un problème d’insécurité qui risque de s’installer en Mauritanie ?
Je ne le crois pas parce que je sais que pour le problème des réfugiés, Aziz n’était pas hostile. Je crois que le processus du retour des réfugiés va se poursuivre. Mais il faut dire que ce qu’on n’a vu jusqu’à présent, même sous l’ère de Sidi, ce n’était pas ça. C’est-à-dire qu’on a fait venir des réfugiés, on les a installés derrière le fleuve à Rosso, avec des tentes en plastique dénuées de tout. En définitive, certains pensent même retourner d’où ils sont venus parce que là où ils sont, n’est pas meilleur d’autant qu’on les a installés dans une zone inondable.
Réalisée par Assane SAMB et Boubacar Demba SADIO