De notre correspondant à Bruxelles
Cinq ans après son entrée dans l'UE, la Roumanie se retrouve sur la sellette. Bruxelles va mettre mercredi le premier ministre Victor Ponta et sa majorité parlementaire en demeure de lever d'ici à la fin de l'année de «graves inquiétudes» sur le respect de l'état de droit et sur l'indépendance de la justice.
L'acharnement de la gauche à déloger le président conservateur Traian Basescu a déclenché le combat des chefs et les soupçons. L'épreuve de force dépasse désormais les frontières du pays. Sans prendre de gants, la Commission européenne entend peser de tout son poids dans le duel et tester, du même coup, son aptitude à imposer la règle du jeu démocratique partout en Europe.
«Manipulations et menaces visant les institutions»
L'entrée en lice de l'UE se concrétisera mercredi par la publication à Bruxelles d'un rapport accablant pour les hommes politiques roumains, et pour les alliés du premier ministre social-démocrate en particulier. Vingt-deux ans après l'exécution des Ceausescu, la Commission en est à s'interroger sur «l'irréversibilité et la poursuite des réformes» politiques, d'après la dernière version du texte obtenue par Le Figaro.
Les auteurs s'impatientent: «Dans les mois à venir, c'est à la classe politique tout entière qu'il revient de démontrer son engagement (démocratique) par des actes concrets.» Le texte s'alarme de témoignages sur «des manipulations et des menaces visant les institutions et les représentants de la justice», au risque de gangrener la société roumaine elle-même.
La Commission Barroso dresse une liste de 11 stipulations que Victor Ponta et sa majorité sont priés d'appliquer sans délai s'ils veulent sortir de l'opprobre. En creux, c'est le catalogue des violations reprochées au nouveau gouvernement. Y figurent entre autres deux décrets récents, l'un limitant les pouvoirs de la Cour constitutionnelle, l'autre réduisant la majorité nécessaire à la destitution du président. Bruxelles veut en arracher l'abrogation.
Défendre les principes
Le premier ministre Ponta a pris l'engagement d'appliquer scrupuleusement les 11 points, dans un courrier adressé à la Commission dès lundi soir. Les responsables européens, eux, entendent juger sur pièces. Les deux décrets gouvernementaux visaient à faciliter la destitution de Traian Basescu. Leur abrogation laisserait au président roumain une chance de sauver son poste, à l'issue du référendum du 29 juillet. La majorité de gauche, qui voit son trophée lui échapper, semble déjà regimber. «Nous allons bientôt découvrir ce que Ponta a dans le ventre», dit un proche du dossier.
La Commission se garde de prendre parti. Elle veut défendre des principes, dit-on, pas choisir la future équipe dirigeante. Les sociaux-démocrates, héritiers du parti unique, ont pris des libertés avec la Constitution. La droite de Traian Basescu n'a pas fait mieux aux commandes, ajoute un responsable européen: «C'est une question de culture politique. Dès qu'un parti roumain arrive au pouvoir, il s'estime en droit de tout changer, y compris la règle du jeu. Il y a peu de figures angéliques à Bucarest…»
Un second rapport attendu mercredi viendra dénoncer d'autres dérives en Bulgarie, le pays voisin. La déliquescence démocratique en Roumanie est autrement plus inquiétante. Elle vient ajouter aux soucis de l'Europe sur son flanc est, après la faillite économique de la Grèce. Et rien ne garantit qu'au bout de ce qui ressemble à un ultimatum, Bucarest ne viendra pas prendre l'UE au mot.
Par Jean-Jacques Mevel
Cinq ans après son entrée dans l'UE, la Roumanie se retrouve sur la sellette. Bruxelles va mettre mercredi le premier ministre Victor Ponta et sa majorité parlementaire en demeure de lever d'ici à la fin de l'année de «graves inquiétudes» sur le respect de l'état de droit et sur l'indépendance de la justice.
L'acharnement de la gauche à déloger le président conservateur Traian Basescu a déclenché le combat des chefs et les soupçons. L'épreuve de force dépasse désormais les frontières du pays. Sans prendre de gants, la Commission européenne entend peser de tout son poids dans le duel et tester, du même coup, son aptitude à imposer la règle du jeu démocratique partout en Europe.
«Manipulations et menaces visant les institutions»
L'entrée en lice de l'UE se concrétisera mercredi par la publication à Bruxelles d'un rapport accablant pour les hommes politiques roumains, et pour les alliés du premier ministre social-démocrate en particulier. Vingt-deux ans après l'exécution des Ceausescu, la Commission en est à s'interroger sur «l'irréversibilité et la poursuite des réformes» politiques, d'après la dernière version du texte obtenue par Le Figaro.
Les auteurs s'impatientent: «Dans les mois à venir, c'est à la classe politique tout entière qu'il revient de démontrer son engagement (démocratique) par des actes concrets.» Le texte s'alarme de témoignages sur «des manipulations et des menaces visant les institutions et les représentants de la justice», au risque de gangrener la société roumaine elle-même.
La Commission Barroso dresse une liste de 11 stipulations que Victor Ponta et sa majorité sont priés d'appliquer sans délai s'ils veulent sortir de l'opprobre. En creux, c'est le catalogue des violations reprochées au nouveau gouvernement. Y figurent entre autres deux décrets récents, l'un limitant les pouvoirs de la Cour constitutionnelle, l'autre réduisant la majorité nécessaire à la destitution du président. Bruxelles veut en arracher l'abrogation.
Défendre les principes
Le premier ministre Ponta a pris l'engagement d'appliquer scrupuleusement les 11 points, dans un courrier adressé à la Commission dès lundi soir. Les responsables européens, eux, entendent juger sur pièces. Les deux décrets gouvernementaux visaient à faciliter la destitution de Traian Basescu. Leur abrogation laisserait au président roumain une chance de sauver son poste, à l'issue du référendum du 29 juillet. La majorité de gauche, qui voit son trophée lui échapper, semble déjà regimber. «Nous allons bientôt découvrir ce que Ponta a dans le ventre», dit un proche du dossier.
La Commission se garde de prendre parti. Elle veut défendre des principes, dit-on, pas choisir la future équipe dirigeante. Les sociaux-démocrates, héritiers du parti unique, ont pris des libertés avec la Constitution. La droite de Traian Basescu n'a pas fait mieux aux commandes, ajoute un responsable européen: «C'est une question de culture politique. Dès qu'un parti roumain arrive au pouvoir, il s'estime en droit de tout changer, y compris la règle du jeu. Il y a peu de figures angéliques à Bucarest…»
Un second rapport attendu mercredi viendra dénoncer d'autres dérives en Bulgarie, le pays voisin. La déliquescence démocratique en Roumanie est autrement plus inquiétante. Elle vient ajouter aux soucis de l'Europe sur son flanc est, après la faillite économique de la Grèce. Et rien ne garantit qu'au bout de ce qui ressemble à un ultimatum, Bucarest ne viendra pas prendre l'UE au mot.
Par Jean-Jacques Mevel