La Russie n'entend pas se faire forcer la main. C'est ainsi qu'il faut comprendre le récent raidissement de Moscou, au fur et à mesure que le risque de guerre civile s'accentue. Signe de la détermination du Kremlin, le cargo MV Alaed s'apprête à quitter le port de Mourmansk pour la Syrie, avec à son bord trois hélicoptères soviétiques MI 25.
Système de défense antiaérienne
Intercepté le 19 juin au large de l'Écosse en raison de sa cargaison suspecte, alors qu'il battait pavillon des Antilles néerlandaises, le navire avait dû retourner en Russie, sans que Moscou ne se sente le moins du monde embarrassé. Non seulement la diplomatie russe a reconnu que des hélicoptères d'attaque - rénovés en vertu d'un contrat de maintenance - étaient bien destinés au régime de Bachar el-Assad, mais a ajouté: le MV Alaed repartira en Syrie, cette fois sous pavillon russe. La Russie «n'a pas l'intention de se justifier» auprès de Washington pour ces livraisons d'armes, a insisté le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov. Ce qui apparaît, côté occidental, comme une nouvelle volte-face de Moscou après des récents signes d'encouragement, ne surprend personne dans la capitale russe. «Notre logique n'est pas ébranlée», souligne Lavrov.
Mieux, des experts russes ajoutent que des systèmes de défense antiaérienne type SA-117 Grizzly, capables d'abattre simultanément 24 cibles, sont inclus dans la cargaison controversée. Le brutal rappel à l'ordre de Moscou ferait notamment suite à l'agacement éprouvé par Vladimir Poutine à l'issue de sa rencontre bilatérale avec David Cameron, à Los Cabos. Le premier ministre britannique avait publiquement déclaré que le chef du Kremlin «ne souhaite pas qu'Assad reste au pouvoir».
«Les Occidentaux ont trop tendance à pratiquer le wishful thinking et à décrire la situation syrienne telle qu'ils la souhaitent. En réalité, bien qu'il soit mal en point, le plan de Kofi Annan prévoit que le gouvernement Assad fait partie d'un plan de sortie de crise. Pour notre part, nous ne faisons que soutenir un processus, qui pourrait, le cas échéant, conduire au départ du président syrien», nuance le président de la commission des affaires étrangères à la Douma, Alexeï Pouckhov.
«La Russie change seulement de rhétorique. La ligne générale, elle, n'a jamais varié», confirme l'expert indépendant, Fiodor Loukianov. Outre le fait que la Syrie est l'alliée traditionnelle de la Russie au Proche-Orient, qu'elle est son quatrième acheteur d'armes, que la Russie possède une base militaire à Tartous et compte près de 100.000 ressortissants dans le pays, Moscou craint avant tout une répétition du scénario libyen où les forces de l'Otan étaient intervenues pour chasser le colonel Kadhafi.
Stratégie d'influence
Tout en étant persuadé que, cette fois, Barack Obama, candidat à la présidentielle, s'abstiendra, Moscou prend conscience de la gravité du bilan humain en Syrie, qui lui-même, pour la première fois, attire l'attention des médias russes. «Les Américains vont commencer à soutenir les rebelles, mais ne pourront pas renverser Assad sans une offensive militaire», redoute Alexeï Pouchkov.
Dans cette hypothèse, le pouvoir russe entend prévenir tout passage en force diplomatique qui conduirait à marginaliser Moscou. D'où l'apparition des récents signaux, autant politiques que militaires. Une stratégie d'influence qui pour l'instant réussit plutôt bien au Kremlin, qui se voit placé au centre de l'attention internationale.
Par Pierre Avril
Système de défense antiaérienne
Intercepté le 19 juin au large de l'Écosse en raison de sa cargaison suspecte, alors qu'il battait pavillon des Antilles néerlandaises, le navire avait dû retourner en Russie, sans que Moscou ne se sente le moins du monde embarrassé. Non seulement la diplomatie russe a reconnu que des hélicoptères d'attaque - rénovés en vertu d'un contrat de maintenance - étaient bien destinés au régime de Bachar el-Assad, mais a ajouté: le MV Alaed repartira en Syrie, cette fois sous pavillon russe. La Russie «n'a pas l'intention de se justifier» auprès de Washington pour ces livraisons d'armes, a insisté le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov. Ce qui apparaît, côté occidental, comme une nouvelle volte-face de Moscou après des récents signes d'encouragement, ne surprend personne dans la capitale russe. «Notre logique n'est pas ébranlée», souligne Lavrov.
Mieux, des experts russes ajoutent que des systèmes de défense antiaérienne type SA-117 Grizzly, capables d'abattre simultanément 24 cibles, sont inclus dans la cargaison controversée. Le brutal rappel à l'ordre de Moscou ferait notamment suite à l'agacement éprouvé par Vladimir Poutine à l'issue de sa rencontre bilatérale avec David Cameron, à Los Cabos. Le premier ministre britannique avait publiquement déclaré que le chef du Kremlin «ne souhaite pas qu'Assad reste au pouvoir».
«Les Occidentaux ont trop tendance à pratiquer le wishful thinking et à décrire la situation syrienne telle qu'ils la souhaitent. En réalité, bien qu'il soit mal en point, le plan de Kofi Annan prévoit que le gouvernement Assad fait partie d'un plan de sortie de crise. Pour notre part, nous ne faisons que soutenir un processus, qui pourrait, le cas échéant, conduire au départ du président syrien», nuance le président de la commission des affaires étrangères à la Douma, Alexeï Pouckhov.
«La Russie change seulement de rhétorique. La ligne générale, elle, n'a jamais varié», confirme l'expert indépendant, Fiodor Loukianov. Outre le fait que la Syrie est l'alliée traditionnelle de la Russie au Proche-Orient, qu'elle est son quatrième acheteur d'armes, que la Russie possède une base militaire à Tartous et compte près de 100.000 ressortissants dans le pays, Moscou craint avant tout une répétition du scénario libyen où les forces de l'Otan étaient intervenues pour chasser le colonel Kadhafi.
Stratégie d'influence
Tout en étant persuadé que, cette fois, Barack Obama, candidat à la présidentielle, s'abstiendra, Moscou prend conscience de la gravité du bilan humain en Syrie, qui lui-même, pour la première fois, attire l'attention des médias russes. «Les Américains vont commencer à soutenir les rebelles, mais ne pourront pas renverser Assad sans une offensive militaire», redoute Alexeï Pouchkov.
Dans cette hypothèse, le pouvoir russe entend prévenir tout passage en force diplomatique qui conduirait à marginaliser Moscou. D'où l'apparition des récents signaux, autant politiques que militaires. Une stratégie d'influence qui pour l'instant réussit plutôt bien au Kremlin, qui se voit placé au centre de l'attention internationale.
Par Pierre Avril