Pour accueillir ce week-end ses invités du sommet Asie-Pacifique - 21 chefs d'État à l'exception de Barack Obama -, Vladivostok a fait peau neuve. Fermée aux étrangers à l'époque soviétique, la capitale de l'Extrême-Orient russe a reçu plus de 20 milliards de dollars de dotation budgétaire, refait ses routes, construit deux ponts entre les îles et le continent, ainsi qu'un immense campus universitaire.
Pour Vladimir Poutine, le symbole est évident: la Russie a trop longtemps négligé ses voisins orientaux, au premier rang desquels la Chine. Elle a vocation à devenir «un pont entre l'Europe et l'Asie». Le président chinois, Hu Jintao, a félicité le chef du Kremlin, saluant «l'énorme potentiel de développement de la Russie».
Le discours n'est pas nouveau. Déjà au XIXe siècle, le philosophe Vladimir Lamansky déclarait: «Il y a l'Europe, il y a l'Asie et il y a le monde au milieu, c'est la Russie.» Les slavophiles, pour de simples raisons d'identité, se sont toujours opposés aux occidentalistes. Aujourd'hui, à la faveur de la tourmente économique qui souffle sur le Vieux Continent, les seconds font profil bas, tandis que les premiers ont le vent en poupe.
«La crise en Europe est d'abord une crise occidentale, celle d'une civilisation qui a voulu imposer son modèle aux autres pays. La Russie, elle, est capable de proposer une deuxième voie», affirme Leonid Ivachov, président de la très officielle Académie des problèmes géopolitiques.
Union euro-asiatique
Cette voie, Vladimir Poutine l'a déjà nommée: l'Union euro-asiatique. Là encore, le concept n'est pas nouveau, et ses partisans le ressuscitent d'autant plus aisément qu'à l'ouest de l'Europe, les États-Unis, comme à l'époque soviétique, recommencent à faire figure de «grand Satan». Ainsi Vladimir Poutine, dont la politique extérieure a toujours oscillé en fonction de l'ennemi d'hier, est tenté, encore une fois, de faire les yeux doux à la puissance chinoise.
En réalité, les experts doutent de la sincérité et, surtout de l'effectivité, de ce nouveau coup de balancier. L'Extrême-Orient a perdu près de deux millions d'habitants en dix ans. Malgré la fragile vitrine de Vladivostok, le réseau de communications est pratiquement à construire. Moscou souhaite, naturellement vendre davantage de pétrole et de gaz à la Chine et au Japon, mais sur la façade pacifique, les usines de gaz naturel et les tuyaux tardent à sortir de terre.
La Chine, pour sa part, compte autant sur le Kazakhstan que sur la Russie pour satisfaire ses énormes besoins en matières premières. De son côté, «la Russie a peur d'une Chine trop puissante susceptible de dénaturer son territoire», commente Mikhaïl Terskiy, directeur du Centre du Pacifique, à Vladivostok. Enfin, l'élite russe au pouvoir reste trop européenne pour accepter un brutal virage oriental.
Malgré la crise, cette nomenklatura considère que l'Europe, qui assure à Moscou 50 % de ses débouchés commerciaux, doit rester le principal partenaire. L'un des principaux messages de l'Apec sous présidence russe sera, justement, adressé à l'UE: faites tout pour prévenir l'éclatement de la zone euro!
Par Pierre Avril
Pour Vladimir Poutine, le symbole est évident: la Russie a trop longtemps négligé ses voisins orientaux, au premier rang desquels la Chine. Elle a vocation à devenir «un pont entre l'Europe et l'Asie». Le président chinois, Hu Jintao, a félicité le chef du Kremlin, saluant «l'énorme potentiel de développement de la Russie».
Le discours n'est pas nouveau. Déjà au XIXe siècle, le philosophe Vladimir Lamansky déclarait: «Il y a l'Europe, il y a l'Asie et il y a le monde au milieu, c'est la Russie.» Les slavophiles, pour de simples raisons d'identité, se sont toujours opposés aux occidentalistes. Aujourd'hui, à la faveur de la tourmente économique qui souffle sur le Vieux Continent, les seconds font profil bas, tandis que les premiers ont le vent en poupe.
«La crise en Europe est d'abord une crise occidentale, celle d'une civilisation qui a voulu imposer son modèle aux autres pays. La Russie, elle, est capable de proposer une deuxième voie», affirme Leonid Ivachov, président de la très officielle Académie des problèmes géopolitiques.
Union euro-asiatique
Cette voie, Vladimir Poutine l'a déjà nommée: l'Union euro-asiatique. Là encore, le concept n'est pas nouveau, et ses partisans le ressuscitent d'autant plus aisément qu'à l'ouest de l'Europe, les États-Unis, comme à l'époque soviétique, recommencent à faire figure de «grand Satan». Ainsi Vladimir Poutine, dont la politique extérieure a toujours oscillé en fonction de l'ennemi d'hier, est tenté, encore une fois, de faire les yeux doux à la puissance chinoise.
En réalité, les experts doutent de la sincérité et, surtout de l'effectivité, de ce nouveau coup de balancier. L'Extrême-Orient a perdu près de deux millions d'habitants en dix ans. Malgré la fragile vitrine de Vladivostok, le réseau de communications est pratiquement à construire. Moscou souhaite, naturellement vendre davantage de pétrole et de gaz à la Chine et au Japon, mais sur la façade pacifique, les usines de gaz naturel et les tuyaux tardent à sortir de terre.
La Chine, pour sa part, compte autant sur le Kazakhstan que sur la Russie pour satisfaire ses énormes besoins en matières premières. De son côté, «la Russie a peur d'une Chine trop puissante susceptible de dénaturer son territoire», commente Mikhaïl Terskiy, directeur du Centre du Pacifique, à Vladivostok. Enfin, l'élite russe au pouvoir reste trop européenne pour accepter un brutal virage oriental.
Malgré la crise, cette nomenklatura considère que l'Europe, qui assure à Moscou 50 % de ses débouchés commerciaux, doit rester le principal partenaire. L'un des principaux messages de l'Apec sous présidence russe sera, justement, adressé à l'UE: faites tout pour prévenir l'éclatement de la zone euro!
Par Pierre Avril