La frontière d'un État délimite sa souveraineté et symbolise son autorité sur un territoire donné, a-t-on coutume d’enseigner dans les cours de droit international. Par conséquent, la perte en moins d’une semaine du contrôle de plusieurs postes-frontières, qui séparent la Syrie de l’Irak et de la Turquie, tombés dans l’escarcelle des rebelles syriens, constitue un important revers pour le régime du président Bachar al-Assad.
Au niveau du puissant voisin turc, trois des sept postes disposés côté syrien, sur les 877 kilomètres de frontière, sont désormais entre les mains de la rébellion : Bab al-Hawa, situé à une cinquantaine de kilomètres à l'ouest de la métropole syrienne d'Alep (nord-ouest), Al-Salama et Jarablus qui ont été saisis respectivement les 17, 19 et 22 juillet.
Pour des raisons de sécurité, Ankara a annoncé mercredi 25 juillet la fermeture partielle de ces points de passage côté turc. "Les sorties de citoyens turcs par ces postes-frontières sont interrompues, suspendues, la sécurité n'étant plus assurée en face", a déclaré le ministre des Douanes et du Commerce, Hayati Yazici, lors d'une conférence de presse. Les déplacements de Syriens, à l’exception "des entrées et des sorties de véhicules syriens de commerce international", restent autorisés, a-t-il précisé.
Avec l’aval d’Ankara ?
Cette décision peut être interprétée comme une volonté de perturber les principales routes commerciales de ravitaillement vers la Syrie officielle, relève un diplomate en poste en Turquie, contacté par FRANCE 24. Selon lui, la prise des trois postes-frontières par les rebelles n’a pu se faire sans l’aval d’Ankara "qui est pressé de voir la Syrie débarrassée de Bachar al-Assad".
La Turquie est l’un des pays soutenant l’opposition au pouvoir syrien : les Turcs ont non seulement accueilli dès les premiers jours de la crise des refugiés civils (44 000 selon Ankara ), mais ils ont également ouvert leurs portes à des centaines de déserteurs de l’armée syrienne et offert un refuge aux opposants politiques du régime. Par ailleurs, le quartier général de l’Armée syrienne libre (ASL) est situé près de la frontière avec la Syrie et le Conseil national syrien (CNS), a été créé à Istanbul en octobre 2011.
En outre, depuis l’incident de l’avion de combat turc que Damas a affirmé avoir abattu le 22 juin dernier, la Turquie est sur la défensive. "Ankara semble avoir choisi de répondre sur le terrain en offrant en guise de représailles plus de liberté d’action aux rebelles syriens à partir de sa frontière", explique Khattar Abou Diab, politologue spécialiste du monde arabe et professeur à l'université Paris-Sud. Selon lui, la coordination entre les Turcs et les pays qui fournissent de l’aide aux révolutionnaires, comme la France et le Qatar par exemple, s’est également accrue ces derniers jours. "Tout cela a favorisé la prise de contrôle de ces postes-frontières, et l’offensive rebelle sur la ville d’Alep", poursuit-il.
Des "sanctuaires" pour la rébellion
"La maîtrise des frontières que se disputent le régime et les révolutionnaires est devenue un enjeu majeur de la crise syrienne et illustre la perte d’autorité du pouvoir, qui peine à reprendre le contrôle du pays", décrypte Khattar Abou Diab.
En revanche, pour Didier Billion, directeur des publications de l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS) , le contrôle par les rebelles syriens d’une partie des frontières terrestres entre la Turquie et la Syrie est surtout un symbole. "D’une part parce qu’il s’agit de points de passage isolés et inutilisés, et d’autre part parce que l’on ignore encore qui les contrôle exactement et combien de temps ces derniers en garderont la maîtrise", explique-t-il à FRANCE 24. Le rédacteur en chef de "La revue internationale et stratégique" émet en effet des doutes sur l’identité des rebelles qui ont revendiqué ce fait d’arme, et pense qu’il pourrait s’agir de combattants islamistes étrangers. "C’est ce que certains quotidiens turcs ont laissé entendre ces derniers jours ; l’un d’eux n’a pas hésité à titrer 'Al-Qaida aux portes de la Turquie'", développe-t-il.Même la Russie, alliée indéfectible du régime syrien, a émis une telle possibilité. "Selon certaines informations, que nous vérifions, ces points de contrôle n'ont pas du tout été pris par l'Armée syrienne libre (...) mais par des groupes directement affiliés à Al-Qaïda", a déclaré le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, lors d'une conférence de presse à Moscou mercredi.
Du côté de Washington, on ne partage pas ce point de vue. La secrétaire d'État américaine Hillary Clinton a salué, le 24 juillet, la prise de pans de territoires désormais contrôlés par les rebelles syriens, allant jusqu’à évoquer la création de "sanctuaires" à l'intérieur de la Syrie "qui serviraient de base pour d'autres actions menées par l'opposition", a-t-elle dit. "Sanctuaires" pour la rébellion, le terme est non sans rappeler Benghazi, libérée des troupes du colonel Kadhafi. La ville était finalement devenue le quartier général de la rébellion libyenne.
Une "brèche vitale"
Certains analystes estiment possible un tel scénario. "Si l’ASL parvient à conquérir Alep, poumon économique du pays, il s’agira d’un tournant stratégique dans la crise car il permettra la création d’une zone sûre à l’image de Benghazi en Libye. Il existerait alors une jonction avec les autres villes de la région déjà libérées et avec le quartier général des rebelles en Turquie via les frontières qui ont été saisies", note Khattar Abou Diab.
D’autres pensent qu’il est trop tôt pour parler d'une zone sécurisée à la frontière avec la Turquie. "Madame Clinton a évoqué un peu rapidement des sanctuaires pour les rebelles près de la frontière turque, car rien ne permet d’affirmer que la prise de ces points de passage bouleverse le rapport de force interne en Syrie".
Pour Khattar Abou Diab, au contraire, le contrôle des postes frontaliers avec la Turquie "ouvre une brèche vitale" pour l’équipement de l’ASL, même si les armes transitaient déjà, mais au compte-gouttes. Et de conclure : "Il ne serait pas étonnant de voir ce flux s’accentuer dans les prochains jours".
Source:france24
Au niveau du puissant voisin turc, trois des sept postes disposés côté syrien, sur les 877 kilomètres de frontière, sont désormais entre les mains de la rébellion : Bab al-Hawa, situé à une cinquantaine de kilomètres à l'ouest de la métropole syrienne d'Alep (nord-ouest), Al-Salama et Jarablus qui ont été saisis respectivement les 17, 19 et 22 juillet.
Pour des raisons de sécurité, Ankara a annoncé mercredi 25 juillet la fermeture partielle de ces points de passage côté turc. "Les sorties de citoyens turcs par ces postes-frontières sont interrompues, suspendues, la sécurité n'étant plus assurée en face", a déclaré le ministre des Douanes et du Commerce, Hayati Yazici, lors d'une conférence de presse. Les déplacements de Syriens, à l’exception "des entrées et des sorties de véhicules syriens de commerce international", restent autorisés, a-t-il précisé.
Avec l’aval d’Ankara ?
Cette décision peut être interprétée comme une volonté de perturber les principales routes commerciales de ravitaillement vers la Syrie officielle, relève un diplomate en poste en Turquie, contacté par FRANCE 24. Selon lui, la prise des trois postes-frontières par les rebelles n’a pu se faire sans l’aval d’Ankara "qui est pressé de voir la Syrie débarrassée de Bachar al-Assad".
La Turquie est l’un des pays soutenant l’opposition au pouvoir syrien : les Turcs ont non seulement accueilli dès les premiers jours de la crise des refugiés civils (44 000 selon Ankara ), mais ils ont également ouvert leurs portes à des centaines de déserteurs de l’armée syrienne et offert un refuge aux opposants politiques du régime. Par ailleurs, le quartier général de l’Armée syrienne libre (ASL) est situé près de la frontière avec la Syrie et le Conseil national syrien (CNS), a été créé à Istanbul en octobre 2011.
En outre, depuis l’incident de l’avion de combat turc que Damas a affirmé avoir abattu le 22 juin dernier, la Turquie est sur la défensive. "Ankara semble avoir choisi de répondre sur le terrain en offrant en guise de représailles plus de liberté d’action aux rebelles syriens à partir de sa frontière", explique Khattar Abou Diab, politologue spécialiste du monde arabe et professeur à l'université Paris-Sud. Selon lui, la coordination entre les Turcs et les pays qui fournissent de l’aide aux révolutionnaires, comme la France et le Qatar par exemple, s’est également accrue ces derniers jours. "Tout cela a favorisé la prise de contrôle de ces postes-frontières, et l’offensive rebelle sur la ville d’Alep", poursuit-il.
Des "sanctuaires" pour la rébellion
"La maîtrise des frontières que se disputent le régime et les révolutionnaires est devenue un enjeu majeur de la crise syrienne et illustre la perte d’autorité du pouvoir, qui peine à reprendre le contrôle du pays", décrypte Khattar Abou Diab.
En revanche, pour Didier Billion, directeur des publications de l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS) , le contrôle par les rebelles syriens d’une partie des frontières terrestres entre la Turquie et la Syrie est surtout un symbole. "D’une part parce qu’il s’agit de points de passage isolés et inutilisés, et d’autre part parce que l’on ignore encore qui les contrôle exactement et combien de temps ces derniers en garderont la maîtrise", explique-t-il à FRANCE 24. Le rédacteur en chef de "La revue internationale et stratégique" émet en effet des doutes sur l’identité des rebelles qui ont revendiqué ce fait d’arme, et pense qu’il pourrait s’agir de combattants islamistes étrangers. "C’est ce que certains quotidiens turcs ont laissé entendre ces derniers jours ; l’un d’eux n’a pas hésité à titrer 'Al-Qaida aux portes de la Turquie'", développe-t-il.Même la Russie, alliée indéfectible du régime syrien, a émis une telle possibilité. "Selon certaines informations, que nous vérifions, ces points de contrôle n'ont pas du tout été pris par l'Armée syrienne libre (...) mais par des groupes directement affiliés à Al-Qaïda", a déclaré le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, lors d'une conférence de presse à Moscou mercredi.
Du côté de Washington, on ne partage pas ce point de vue. La secrétaire d'État américaine Hillary Clinton a salué, le 24 juillet, la prise de pans de territoires désormais contrôlés par les rebelles syriens, allant jusqu’à évoquer la création de "sanctuaires" à l'intérieur de la Syrie "qui serviraient de base pour d'autres actions menées par l'opposition", a-t-elle dit. "Sanctuaires" pour la rébellion, le terme est non sans rappeler Benghazi, libérée des troupes du colonel Kadhafi. La ville était finalement devenue le quartier général de la rébellion libyenne.
Une "brèche vitale"
Certains analystes estiment possible un tel scénario. "Si l’ASL parvient à conquérir Alep, poumon économique du pays, il s’agira d’un tournant stratégique dans la crise car il permettra la création d’une zone sûre à l’image de Benghazi en Libye. Il existerait alors une jonction avec les autres villes de la région déjà libérées et avec le quartier général des rebelles en Turquie via les frontières qui ont été saisies", note Khattar Abou Diab.
D’autres pensent qu’il est trop tôt pour parler d'une zone sécurisée à la frontière avec la Turquie. "Madame Clinton a évoqué un peu rapidement des sanctuaires pour les rebelles près de la frontière turque, car rien ne permet d’affirmer que la prise de ces points de passage bouleverse le rapport de force interne en Syrie".
Pour Khattar Abou Diab, au contraire, le contrôle des postes frontaliers avec la Turquie "ouvre une brèche vitale" pour l’équipement de l’ASL, même si les armes transitaient déjà, mais au compte-gouttes. Et de conclure : "Il ne serait pas étonnant de voir ce flux s’accentuer dans les prochains jours".
Source:france24