Hristo, un informaticien de 36 ans de Sofia, attend l'été avec impatience. Avec sa compagne, il ira une fois de plus sur l'île de Thassos, dans le nord de la Grèce, qui est devenue une destination phare pour les classes moyennes balkaniques. S'il n'y avait pas eu la crise, ce ne serait peut-être pas le cas. Mais là, il n'y a jamais foule et les prix sont doux. «Les Grecs ne nous prennent plus de haut. Ils sont serviables et gentils», dit-il.
Cette fois-ci, leur voyage aura aussi un autre objectif: «On va regarder de près les annonces immobilières, peut-être que nous trouverons notre bonheur», poursuit le jeune homme, qui rêve d'acquérir un pied-à-terre au bord de la mer Égée. C'est déjà le cas pour bon nombre de ses compatriotes bulgares plus aisés, qui se sont installés en masse sur la péninsule de Chalcidique.
Les plus modestes ont écouté avec attention leur ministre des Finances, Simeon Diankov, expliquer il y a quelques mois que ceux qui désiraient acheter en Grèce devaient «attendre encore un peu», le temps que leur voisin du Sud finisse sa dégringolade sur les marchés… Aujourd'hui, leur heure semble venue.
Ce phénomène illustre la façon dont les Bulgares, et au-delà tous les Balkaniques, voient leur naguère opulent voisin européen, auquel ils se sont toujours mesurés dans l'espoir de vivre eux aussi un jour «à la grecque». «La mauvaise joie prédomine, malgré les risques réels que le naufrage grec ne nous entraîne aussi», analyse Dimitar Betchev, directeur du bureau bulgare du Conseil européen des relations étrangères. «Pendant vingt ans, les Bulgares ont regardé les Grecs festoyer alors qu'eux-mêmes n'ont cessé de se serrer la ceinture. Aujourd'hui, ils considèrent qu'ils méritent leur sort.»
Risques pour le secteur bancaire
Ce sentiment est encore plus vif en Albanie, à cause d'une plus grande imbrication des populations et des nombreux travailleurs albanais - près d'un demi-million - partis chercher une meilleure vie en Grèce. «Nous avons tous une petite humiliation grecque à raconter, que cela soit un contrôle à la frontière ou une discrimination à l'embauche. Mais la roue a tourné aujourd'hui, et c'est au tour des Grecs d'avoir le même sentiment», témoigne Mandi Gueguen, traductrice d'albanais en France. Avec le retour des immigrés, les conséquences de la crise grecque ont pourtant des répercussions dans la société albanaise: «La Grèce n'est plus ce pays de cocagne, et ils sont nombreux à rentrer au pays après avoir perdu leur travail là-bas», poursuit-elle.
Sur un plan macroéconomique, les experts craignent aussi des effets dévastateurs de la crise grecque dans le secteur bancaire régional, où les investissements helléniques son très présents. «Les banques grecques sont un pilier de notre système bancaire», reconnaît Ivan Iskrov, le gouverneur de la Banque nationale bulgare. La situation est identique en Roumanie, et dans une moindre mesure, en Macédoine.
C'est dans ce dernier pays que l'affaire prend une coloration beaucoup plus politique, à cause de la longue querelle qui oppose Athènes et Skopje sur le nom de l'ex-République yougoslave, la Grèce considérant la Macédoine comme une partie intégrante de son patrimoine historique et culturel. «Pour l'homme de la rue, ce qui arrive aujourd'hui aux Grecs est une juste punition. Et une occasion inespérée de voir la Grèce hors des institutions euro-atlantiques, où elle s'emploie à bloquer notre adhésion», estime le politologue Zhidas Daskalovski.
Comme en écho à ses affirmations, la presse macédonienne donne une large place à un récent sondage effectué par la revue Foreign Policy sur l'avenir de l'Otan. À la question «Quel pays devrait être exclu de l'Alliance?», une majorité de lecteurs ont désigné la Grèce. À cause de son «égoïsme et de son mépris envers la Macédoine», croit savoir la chaîne de télévision publique MRT.
Par Alexandre Lévy
Cette fois-ci, leur voyage aura aussi un autre objectif: «On va regarder de près les annonces immobilières, peut-être que nous trouverons notre bonheur», poursuit le jeune homme, qui rêve d'acquérir un pied-à-terre au bord de la mer Égée. C'est déjà le cas pour bon nombre de ses compatriotes bulgares plus aisés, qui se sont installés en masse sur la péninsule de Chalcidique.
Les plus modestes ont écouté avec attention leur ministre des Finances, Simeon Diankov, expliquer il y a quelques mois que ceux qui désiraient acheter en Grèce devaient «attendre encore un peu», le temps que leur voisin du Sud finisse sa dégringolade sur les marchés… Aujourd'hui, leur heure semble venue.
Ce phénomène illustre la façon dont les Bulgares, et au-delà tous les Balkaniques, voient leur naguère opulent voisin européen, auquel ils se sont toujours mesurés dans l'espoir de vivre eux aussi un jour «à la grecque». «La mauvaise joie prédomine, malgré les risques réels que le naufrage grec ne nous entraîne aussi», analyse Dimitar Betchev, directeur du bureau bulgare du Conseil européen des relations étrangères. «Pendant vingt ans, les Bulgares ont regardé les Grecs festoyer alors qu'eux-mêmes n'ont cessé de se serrer la ceinture. Aujourd'hui, ils considèrent qu'ils méritent leur sort.»
Risques pour le secteur bancaire
Ce sentiment est encore plus vif en Albanie, à cause d'une plus grande imbrication des populations et des nombreux travailleurs albanais - près d'un demi-million - partis chercher une meilleure vie en Grèce. «Nous avons tous une petite humiliation grecque à raconter, que cela soit un contrôle à la frontière ou une discrimination à l'embauche. Mais la roue a tourné aujourd'hui, et c'est au tour des Grecs d'avoir le même sentiment», témoigne Mandi Gueguen, traductrice d'albanais en France. Avec le retour des immigrés, les conséquences de la crise grecque ont pourtant des répercussions dans la société albanaise: «La Grèce n'est plus ce pays de cocagne, et ils sont nombreux à rentrer au pays après avoir perdu leur travail là-bas», poursuit-elle.
Sur un plan macroéconomique, les experts craignent aussi des effets dévastateurs de la crise grecque dans le secteur bancaire régional, où les investissements helléniques son très présents. «Les banques grecques sont un pilier de notre système bancaire», reconnaît Ivan Iskrov, le gouverneur de la Banque nationale bulgare. La situation est identique en Roumanie, et dans une moindre mesure, en Macédoine.
C'est dans ce dernier pays que l'affaire prend une coloration beaucoup plus politique, à cause de la longue querelle qui oppose Athènes et Skopje sur le nom de l'ex-République yougoslave, la Grèce considérant la Macédoine comme une partie intégrante de son patrimoine historique et culturel. «Pour l'homme de la rue, ce qui arrive aujourd'hui aux Grecs est une juste punition. Et une occasion inespérée de voir la Grèce hors des institutions euro-atlantiques, où elle s'emploie à bloquer notre adhésion», estime le politologue Zhidas Daskalovski.
Comme en écho à ses affirmations, la presse macédonienne donne une large place à un récent sondage effectué par la revue Foreign Policy sur l'avenir de l'Otan. À la question «Quel pays devrait être exclu de l'Alliance?», une majorité de lecteurs ont désigné la Grèce. À cause de son «égoïsme et de son mépris envers la Macédoine», croit savoir la chaîne de télévision publique MRT.
Par Alexandre Lévy