S’il y a un principe sacro-saint, inscrit au fronton des textes réglementant la procédure pénale, c’est bien celui de la présomption d’innocence. Cette dernière se fonde sur l’article 11 de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 qui la formule de la façon suivante : « Toute personne accusée d’un acte délictueux est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie au cours d’un procès public où toutes les garanties nécessaires à sa défense lui auront été assurées. » La présomption d’innocence signifie alors qu’un individu, même suspecté de la commission d’une infraction, ne peut être considéré comme coupable avant d’en avoir été jugé comme tel par un tribunal. Malheureusement, la mise en œuvre de ce principe bute sur un usage abusif de la détention provisoire, une mesure qui s’est bâtie la réputation de « mal nécessaire ».
Des objectifs de la détention provisoire …
La détention provisoire peut-être définie comme l’incarcération en prison d’une personne soupçonnée d’avoir commis un crime ou un délit avant son jugement. Précisons d’emblée, qu’il s’agit d’une mesure qui est édictée dans le but d’empêcher, soit une pression sur les témoins ou les victimes et leur famille, soit une concertation frauduleuse entre personnes inculpées et leurs complices. Elle vise également à protéger la personne inculpée.
Cette mesure permet aussi de garantir le maintien de l’inculpé à la disposition de la justice et de mettre fin à l’infraction ou de prévenir son renouvellement. Elle intervient enfin pour mettre fin à un trouble exceptionnel ou persistant de l’ordre public provoqué par la gravité de l’infraction, les circonstances de sa commission ou l’importance du préjudice causé. Tels sont les objectifs que se fixe cette mesure exceptionnelle. Cette règle aux visées nobles reste tout de même dévoyée dans la pratique judiciaire au Sénégal.
La détention provisoire travestie dans sa mise en œuvre au Sénégal …
Le maintien en liberté devant être la règle, la détention provisoire doit normalement être une mesure exceptionnelle, en ce sens qu’elle prive à la personne soupçonnée de sa liberté, sans que sa culpabilité ne soit clairement établie. Elle ne peut alors être ordonnée que si elle constitue l’unique moyen de conserver les preuves ou indices matériels nécessaires pour la bonne manifestation de la vérité. Hélas, force est de constater, qu’au grand dam des justiciables, la justice sénégalaise ne s’embarrasse pas trop souvent du respect de ce principe.
Ainsi, avec des méthodes de fonctionnement aux antipodes de cette logique, la machine judiciaire au Sénégal opte presque très souvent pour cette mesure liberticide, en lieu et place du contrôle judiciaire, de la comparution libre devant le tribunal correctionnel, portant du coup de graves atteintes à la présomption d’innocence. Ainsi, s’en tenant à une étude faite sur la question, au Sénégal, près de 10 % des détenus sont victimes de longues détentions provisoires. Ils sont ainsi maintenus en prison dans des délais anormalement longs avant d’être jugés, dès fois libérés et, au surplus, sans indemnisation.
On en voudra pour exemple, la session spéciale de la Cour d’assises de Dakar de 2009 consacrée au jugement des membres de la fameuse bande d’Alassane Sy alias Alex et Abatalib Samb dit Ino. À l’issue de ce jugement, treize personnes parmi lesquelles certaines ont été placées en détention provisoire pendant presque 10 ans, ont bénéficié d’un non-lieu total, sans l’accompagnement moral ni financier de la part de l’Etat du Sénégal. Il est alors urgent que des correctifs soient apportés à ce système. Cela passera nécessairement par des réformes hardies.
Quid des reformes à entreprendre ?
Il est vrai que de timides réformes allant dans le sens d’accélérer la phase d’instruction du procès ont étés entreprises. Cependant, ces dernières sont insuffisantes pour venir à bout des dérives des longues détentions provisoires. Ainsi, si au Sénégal la durée de la détention provisoire en matière correctionnelle est fixée par l’article 127 bis du code de procédure pénale à 6 mois non renouvelables, aucune durée n’a été fixée pour les détentions en matière criminelle. C’est tout à fait le contraire en France où la détention en matière criminelle est fixée à 4 ans. C’est sans doute ce qui explique que la justice sénégalaise puisse maintenir des inculpés en prison pendant plus de 10 ans. Il urge alors de fixer des limites au délai de la détention provisoire en matière criminelle.
Par ailleurs, l’évolution devrait se dessiner dans le sens de la réparation des préjudices subis par les personnes acquittées, suite à ces longues détentions provisoires. Cela est d’autant plus nécessaire que la personne mise sous écrou injustement, pendant une longue durée perd souvent tout ce qu’elle avait. Son emploi, sa famille, tout lui file entre les mains à cause de lenteurs judiciaires. Une réparation est alors plus que nécessaire pour sa resocialisation.
Abdoulaye FALL
Des objectifs de la détention provisoire …
La détention provisoire peut-être définie comme l’incarcération en prison d’une personne soupçonnée d’avoir commis un crime ou un délit avant son jugement. Précisons d’emblée, qu’il s’agit d’une mesure qui est édictée dans le but d’empêcher, soit une pression sur les témoins ou les victimes et leur famille, soit une concertation frauduleuse entre personnes inculpées et leurs complices. Elle vise également à protéger la personne inculpée.
Cette mesure permet aussi de garantir le maintien de l’inculpé à la disposition de la justice et de mettre fin à l’infraction ou de prévenir son renouvellement. Elle intervient enfin pour mettre fin à un trouble exceptionnel ou persistant de l’ordre public provoqué par la gravité de l’infraction, les circonstances de sa commission ou l’importance du préjudice causé. Tels sont les objectifs que se fixe cette mesure exceptionnelle. Cette règle aux visées nobles reste tout de même dévoyée dans la pratique judiciaire au Sénégal.
La détention provisoire travestie dans sa mise en œuvre au Sénégal …
Le maintien en liberté devant être la règle, la détention provisoire doit normalement être une mesure exceptionnelle, en ce sens qu’elle prive à la personne soupçonnée de sa liberté, sans que sa culpabilité ne soit clairement établie. Elle ne peut alors être ordonnée que si elle constitue l’unique moyen de conserver les preuves ou indices matériels nécessaires pour la bonne manifestation de la vérité. Hélas, force est de constater, qu’au grand dam des justiciables, la justice sénégalaise ne s’embarrasse pas trop souvent du respect de ce principe.
Ainsi, avec des méthodes de fonctionnement aux antipodes de cette logique, la machine judiciaire au Sénégal opte presque très souvent pour cette mesure liberticide, en lieu et place du contrôle judiciaire, de la comparution libre devant le tribunal correctionnel, portant du coup de graves atteintes à la présomption d’innocence. Ainsi, s’en tenant à une étude faite sur la question, au Sénégal, près de 10 % des détenus sont victimes de longues détentions provisoires. Ils sont ainsi maintenus en prison dans des délais anormalement longs avant d’être jugés, dès fois libérés et, au surplus, sans indemnisation.
On en voudra pour exemple, la session spéciale de la Cour d’assises de Dakar de 2009 consacrée au jugement des membres de la fameuse bande d’Alassane Sy alias Alex et Abatalib Samb dit Ino. À l’issue de ce jugement, treize personnes parmi lesquelles certaines ont été placées en détention provisoire pendant presque 10 ans, ont bénéficié d’un non-lieu total, sans l’accompagnement moral ni financier de la part de l’Etat du Sénégal. Il est alors urgent que des correctifs soient apportés à ce système. Cela passera nécessairement par des réformes hardies.
Quid des reformes à entreprendre ?
Il est vrai que de timides réformes allant dans le sens d’accélérer la phase d’instruction du procès ont étés entreprises. Cependant, ces dernières sont insuffisantes pour venir à bout des dérives des longues détentions provisoires. Ainsi, si au Sénégal la durée de la détention provisoire en matière correctionnelle est fixée par l’article 127 bis du code de procédure pénale à 6 mois non renouvelables, aucune durée n’a été fixée pour les détentions en matière criminelle. C’est tout à fait le contraire en France où la détention en matière criminelle est fixée à 4 ans. C’est sans doute ce qui explique que la justice sénégalaise puisse maintenir des inculpés en prison pendant plus de 10 ans. Il urge alors de fixer des limites au délai de la détention provisoire en matière criminelle.
Par ailleurs, l’évolution devrait se dessiner dans le sens de la réparation des préjudices subis par les personnes acquittées, suite à ces longues détentions provisoires. Cela est d’autant plus nécessaire que la personne mise sous écrou injustement, pendant une longue durée perd souvent tout ce qu’elle avait. Son emploi, sa famille, tout lui file entre les mains à cause de lenteurs judiciaires. Une réparation est alors plus que nécessaire pour sa resocialisation.
Abdoulaye FALL