Pour quelques arpents de rocs perdus en mer de Chine orientale, les passions s'enflamment entre la deuxième et la troisième économie mondiale. Des manifestations antijaponaises se sont poursuivies ce week-end à travers toute la Chine, forçant de grandes entreprises japonaises à interrompre leurs activités. La tension autour des îles contestées, appelées Diaoyu par les Chinois et Senkaku par les Japonais, ne cesse de monter depuis une semaine. Mardi dernier, Tokyo avait annoncé sa décision d'acheter trois des cinq îles de l'archipel contesté, qui appartiennent à des propriétaires privés japonais.
La presse officielle chinoise a brandi lundi la menace de sanctions économiques. Le Quotidien du peuple a averti que le Japon risque de vivre une nouvelle «décennie perdue» de stagnation économique si la Chine a recours à l'arme économique. La Chine est le premier partenaire commercial du Japon, les échanges ayant bondi de 14,3% l'an dernier, pour atteindre un montant record de 345 milliards de dollars. Au-delà des questions de souveraineté nationale, la dimension économique n'est d'ailleurs pas étrangère au conflit. La zone contestée est riche en pétrole et surtout en gaz. Les réserves connues tournent autour de 100 millions de barils, mais le potentiel est beaucoup plus important.
Ce lundi, la plupart des grandes entreprises opérant en Chine - dont Panasonic et Canon - ont fermé des sites, demandant à leurs employés de rester chez eux. La fièvre nationaliste chinoise a pris un tour violent ces deux derniers jours. À Qingdao, le feu a été mis à une usine Panasonic, et des concessionnaires Toyota et Honda ont été attaqués. Une autre usine Panasonic a été victime de «sabotages» de la part de ses ouvriers chinois. À Xian, un hôtel de luxe fondé par des Japonais a été saccagé. À Shenzhen, les forces de l'ordre ont fait usage de gaz lacrymogènes et de canons à eau contre la foule.
Six navires de surveillance
Tout le week-end, à Pékin, devant l'ambassade du Japon - à deux pas de la représentation française -, se sont massés des centaines de manifestants et autant de policiers. La foule défilait avec en tête des portraits de Mao, ou des banderoles explicites montrant des missiles s'abattant sur l'archipel nippon. Dans la rue commerciale adjacente, Lucky Street, commerces et restaurants japonais pris pour cibles ont dû fermer. Des affiches placardées sur les vitres appellent à boycotter les produits japonais. D'autres sont plus haineuses: «Interdit aux chiens et aux Japonais» ou «Tuons, tuons, tuons ces cochons de Japonais».
La tension pourrait encore monter. Ce mardi est le jour anniversaire de «l'Incident de Moukden», qui en 1931 marqua le début de l'invasion de la Mandchourie par les Japonais. En ce jour symbolique pour les nationalistes chinois, les manifestations pourraient redoubler de vigueur. Les autorités japonaises ont mis en garde leurs ressortissants, et Tokyo a exhorté Pékin à assurer leur sécurité. De nombreuses écoles japonaises en Chine sont fermées pour la semaine.
Par ailleurs, Le Quotidien du peuple annonce qu'une flottille d'un millier de bateaux de pêche chinois est en route vers la zone. Et les activistes de Hongkong qui avaient débarqué aux Diaoyu cet été se sont dits prêts à réitérer leur raid. En fin de semaine dernière, Pékin a dépêché six navires de surveillance dans la zone. Comme souvent, après avoir laissé la fièvre nationaliste s'installer, les autorités chinoises semblent soucieuses de calmer le jeu, afin que la situation ne devienne pas incontrôlable. La police a annoncé avoir arrêté des manifestants trop violents dans plusieurs villes. «L'ire contre le Japon arrange bien le Parti, en détournant l'attention de toutes ces affaires de corruption et de règlements de comptes politiques, commente un universitaire chinois, mais il ne faut pas que cela dérape trop à un mois du Congrès.»
En visite à Tokyo, le secrétaire américain à la Défense Leon Panetta s'est dit «préoccupé» de voir les deux pays «engagés dans des provocations diverses qui pourraient déboucher sur des violences et au bout du compte un conflit». Il a appelé Pékin et Tokyo à «tout mettre en œuvre diplomatiquement» pour désamorcer la crise. Tout en réaffirmant que les États-Unis respecteraient leurs obligations, induites par le traité de sécurité les liant au Japon, il a redit que Washington ne prenait pas parti sur le contentieux territorial. Le patron du Pentagone doit se rendre cette semaine à Pékin. Il devrait y rencontrer le futur numéro un chinois, Xi Jinping. Réapparu ce week-end après deux semaines de mystérieuse absence, ce dernier irait donc vraiment mieux.
Par Arnaud de La Grange
Par Service infographie du Figaro
La presse officielle chinoise a brandi lundi la menace de sanctions économiques. Le Quotidien du peuple a averti que le Japon risque de vivre une nouvelle «décennie perdue» de stagnation économique si la Chine a recours à l'arme économique. La Chine est le premier partenaire commercial du Japon, les échanges ayant bondi de 14,3% l'an dernier, pour atteindre un montant record de 345 milliards de dollars. Au-delà des questions de souveraineté nationale, la dimension économique n'est d'ailleurs pas étrangère au conflit. La zone contestée est riche en pétrole et surtout en gaz. Les réserves connues tournent autour de 100 millions de barils, mais le potentiel est beaucoup plus important.
Ce lundi, la plupart des grandes entreprises opérant en Chine - dont Panasonic et Canon - ont fermé des sites, demandant à leurs employés de rester chez eux. La fièvre nationaliste chinoise a pris un tour violent ces deux derniers jours. À Qingdao, le feu a été mis à une usine Panasonic, et des concessionnaires Toyota et Honda ont été attaqués. Une autre usine Panasonic a été victime de «sabotages» de la part de ses ouvriers chinois. À Xian, un hôtel de luxe fondé par des Japonais a été saccagé. À Shenzhen, les forces de l'ordre ont fait usage de gaz lacrymogènes et de canons à eau contre la foule.
Six navires de surveillance
Tout le week-end, à Pékin, devant l'ambassade du Japon - à deux pas de la représentation française -, se sont massés des centaines de manifestants et autant de policiers. La foule défilait avec en tête des portraits de Mao, ou des banderoles explicites montrant des missiles s'abattant sur l'archipel nippon. Dans la rue commerciale adjacente, Lucky Street, commerces et restaurants japonais pris pour cibles ont dû fermer. Des affiches placardées sur les vitres appellent à boycotter les produits japonais. D'autres sont plus haineuses: «Interdit aux chiens et aux Japonais» ou «Tuons, tuons, tuons ces cochons de Japonais».
La tension pourrait encore monter. Ce mardi est le jour anniversaire de «l'Incident de Moukden», qui en 1931 marqua le début de l'invasion de la Mandchourie par les Japonais. En ce jour symbolique pour les nationalistes chinois, les manifestations pourraient redoubler de vigueur. Les autorités japonaises ont mis en garde leurs ressortissants, et Tokyo a exhorté Pékin à assurer leur sécurité. De nombreuses écoles japonaises en Chine sont fermées pour la semaine.
Par ailleurs, Le Quotidien du peuple annonce qu'une flottille d'un millier de bateaux de pêche chinois est en route vers la zone. Et les activistes de Hongkong qui avaient débarqué aux Diaoyu cet été se sont dits prêts à réitérer leur raid. En fin de semaine dernière, Pékin a dépêché six navires de surveillance dans la zone. Comme souvent, après avoir laissé la fièvre nationaliste s'installer, les autorités chinoises semblent soucieuses de calmer le jeu, afin que la situation ne devienne pas incontrôlable. La police a annoncé avoir arrêté des manifestants trop violents dans plusieurs villes. «L'ire contre le Japon arrange bien le Parti, en détournant l'attention de toutes ces affaires de corruption et de règlements de comptes politiques, commente un universitaire chinois, mais il ne faut pas que cela dérape trop à un mois du Congrès.»
En visite à Tokyo, le secrétaire américain à la Défense Leon Panetta s'est dit «préoccupé» de voir les deux pays «engagés dans des provocations diverses qui pourraient déboucher sur des violences et au bout du compte un conflit». Il a appelé Pékin et Tokyo à «tout mettre en œuvre diplomatiquement» pour désamorcer la crise. Tout en réaffirmant que les États-Unis respecteraient leurs obligations, induites par le traité de sécurité les liant au Japon, il a redit que Washington ne prenait pas parti sur le contentieux territorial. Le patron du Pentagone doit se rendre cette semaine à Pékin. Il devrait y rencontrer le futur numéro un chinois, Xi Jinping. Réapparu ce week-end après deux semaines de mystérieuse absence, ce dernier irait donc vraiment mieux.
Par Arnaud de La Grange
Par Service infographie du Figaro