De notre correspondant à Moscou.
Les défenseurs de la laïcité russe s'indignent. Jeudi 12 juillet, le parquet de Moscou a adressé au tribunal du quartier Khamovnitchesky un acte d'inculpation plutôt stupéfiant visant les trois filles punks membres du groupe «Pussy Riot» qui avaient, à la veille de l'élection présidentielle, le 21 février, interprété une danse anti-Poutine dans le chœur de la grande cathédrale moscovite du Christ-Sauveur.
En détention préventive depuis le 3 mars, les jeunes femmes risquent jusqu'à 7 ans de prison. L'acte d'accusation qui fait l'objet de la polémique mérite d'être cité dans son intégralité: les trois filles «ont causé des dommages considérables aux valeurs sacrées du culte chrétien, attenté au mystère sacramentel de l'église et, refusant de répondre aux appels d'une employée de l'église de stopper ce sacrilège, sont entrées illégalement dans la partie clôturée de la basilique, destinée à effectuer les rites sacrés religieux. Par cela, elles ont humilié, d'une manière blasphématoire, les fondements séculaires de l'Église orthodoxe russe.»
Cette inculpation a fait bondir les juristes comme les spécialistes de la religion. «Elle discrédite à la fois la justice, le pouvoir et l'Église», déclare au Figaro le directeur du Centre d'études de la religion, Nikolaï Chabourov. «Certains termes utilisés, comme le sacrilège, font référence à la langue religieuse du Moyen Âge. Dans un État laïc comme la Russie, de telles formulations n'ont rien à faire dans un acte d'accusation», s'étonne ce scientifique.
Feu vert aux marchands du temple
À l'inverse, le représentant de l'aile la plus conservatrice de l'Église, Vsevolod Tchaplin, a justifié cette décision, estimant que «parfois, sous l'intuition de Dieu, le pouvoir devait avoir le droit d'agir d'une manière qui n'est pas inscrite dans la loi».
Depuis la chute de l'URSS, les liens entre l'Église orthodoxe et l'État n'ont fait que se renforcer, particulièrement après l'accession de Kyrill au patriarcat de Moscou en 2009. Le pouvoir - tout en exerçant un contrôle étroit sur la justice - puise dans l'Église une source de légitimité et cette dernière, en retour, se dote d'un moyen d'influence politique. Un cocktail particulièrement efficace dans l'affaire des Pussy Riot.
Mardi 10 juillet, le tribunal de Khamovnitchesky s'était déjà distingué en déboutant une association de consommateurs qui s'étonnait que la cathédrale du Christ-Sauveur soit, dans la plus grande opacité patriarcale, ouverte aux marchands du temple. Aujourd'hui, les fidèles trouvent dans l'enceinte de l'église une blanchisserie, un atelier de réparation de pneus, un parking payant, une cantine, et différents kiosques commerciaux… Le juge a estimé que les objets et les services ne font pas l'objet d'une «vente» mais d'un «don». Les prix figurant sur les étiquettes, a ajouté le tribunal, ne seraient que des «papiers vert sur lesquels figurent des chiffres»…
Par Pierre Avril
Les défenseurs de la laïcité russe s'indignent. Jeudi 12 juillet, le parquet de Moscou a adressé au tribunal du quartier Khamovnitchesky un acte d'inculpation plutôt stupéfiant visant les trois filles punks membres du groupe «Pussy Riot» qui avaient, à la veille de l'élection présidentielle, le 21 février, interprété une danse anti-Poutine dans le chœur de la grande cathédrale moscovite du Christ-Sauveur.
En détention préventive depuis le 3 mars, les jeunes femmes risquent jusqu'à 7 ans de prison. L'acte d'accusation qui fait l'objet de la polémique mérite d'être cité dans son intégralité: les trois filles «ont causé des dommages considérables aux valeurs sacrées du culte chrétien, attenté au mystère sacramentel de l'église et, refusant de répondre aux appels d'une employée de l'église de stopper ce sacrilège, sont entrées illégalement dans la partie clôturée de la basilique, destinée à effectuer les rites sacrés religieux. Par cela, elles ont humilié, d'une manière blasphématoire, les fondements séculaires de l'Église orthodoxe russe.»
Cette inculpation a fait bondir les juristes comme les spécialistes de la religion. «Elle discrédite à la fois la justice, le pouvoir et l'Église», déclare au Figaro le directeur du Centre d'études de la religion, Nikolaï Chabourov. «Certains termes utilisés, comme le sacrilège, font référence à la langue religieuse du Moyen Âge. Dans un État laïc comme la Russie, de telles formulations n'ont rien à faire dans un acte d'accusation», s'étonne ce scientifique.
Feu vert aux marchands du temple
À l'inverse, le représentant de l'aile la plus conservatrice de l'Église, Vsevolod Tchaplin, a justifié cette décision, estimant que «parfois, sous l'intuition de Dieu, le pouvoir devait avoir le droit d'agir d'une manière qui n'est pas inscrite dans la loi».
Depuis la chute de l'URSS, les liens entre l'Église orthodoxe et l'État n'ont fait que se renforcer, particulièrement après l'accession de Kyrill au patriarcat de Moscou en 2009. Le pouvoir - tout en exerçant un contrôle étroit sur la justice - puise dans l'Église une source de légitimité et cette dernière, en retour, se dote d'un moyen d'influence politique. Un cocktail particulièrement efficace dans l'affaire des Pussy Riot.
Mardi 10 juillet, le tribunal de Khamovnitchesky s'était déjà distingué en déboutant une association de consommateurs qui s'étonnait que la cathédrale du Christ-Sauveur soit, dans la plus grande opacité patriarcale, ouverte aux marchands du temple. Aujourd'hui, les fidèles trouvent dans l'enceinte de l'église une blanchisserie, un atelier de réparation de pneus, un parking payant, une cantine, et différents kiosques commerciaux… Le juge a estimé que les objets et les services ne font pas l'objet d'une «vente» mais d'un «don». Les prix figurant sur les étiquettes, a ajouté le tribunal, ne seraient que des «papiers vert sur lesquels figurent des chiffres»…
Par Pierre Avril